Le Temps (Tunisia)

Pourquoi il y a autant de temps additionne­l

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Les tableaux d’affichage des premiers matchs du Mondial qatari ont exposé des durées inédites. Une volonté de la FIFA de compenser les arrêts de jeu.

Depuis le début de la Coupe du monde de football au Qatar, la question revient comme une rengaine. Mais pourquoi les arbitres ajoutent-ils autant de temps additionne­l ? Le match entre l’angleterre et l’iran, lundi 21 novembre, en est l’exemple le plus probant : les joueurs auront passé plus de 117 minutes sur la pelouse du stade internatio­nal de Khalifa, à Al-rayyan. Près de 30 minutes de plus que les 90 réglementa­ires. Certes, il y a eu ce K.-O. infligé au gardien de la Team e-melli, Alireza Beiranvand, par son coéquipier Majid Hosseini à la 9e minute, pas de quoi expliquer pour autant les 14 minutes « de rab » de la fin de seconde période.

Un coup d’oeil aux autres rencontres de cette deuxième journée suffit à montrer que la tendance est générale. Le match Sénégalpay­s-bas n’avait eu que trois minutes de bonus avant la mi-temps, mais s’est achevé à la 90e+11, permettant à Davy Klaassen d’alourdir le score pour les Oranje. Quelques heures plus tard, le coup de sifflet final d’etats-unis-pays-de Galles a été donné à la 90e+10, après quatre minutes d’ajout avant la pause. La veille déjà, même la très insipide rencontre entre le pays organisate­ur et l’equateur aura été créditée de 12 minutes de temps additionne­l au total.

« Eviter les matchs à 42, 43, 44 minutes de temps effectif »

Surprenant ? Pas vraiment. Deux jours avant le démarrage de la compétitio­n, Pierluigi Collina, président de la commission des arbitres de la Fédération internatio­nale de football (FIFA), avait prévenu en conférence de presse : « On veut éviter les matchs à 42, 43, 44 minutes de temps effectif. Donc les temps de remplaceme­nts, de penalty, de célébratio­ns, de soins médicaux ou, bien sûr, de VAR [l’assistance vidéo à l’arbitrage], devront être compensés. »

« Qu’est-ce qu’on compte dans un arrêt de jeu ? Quand le ballon est sorti, quand il est remis en touche… Mais il y a parfois des flottement­s », résume Loïc Ravenel, collaborat­eur scientifiq­ue pour le Centre internatio­nal d’études du sport (CIES), à Neuchâtel (Suisse). En février, une étude de l’observatoi­re du football, groupe de recherche rattaché à cette structure, pointait que le temps de jeu effectif moyen dans 36 ligues de football profession­nelles dépassait légèrement les 59 minutes. « Dans le football, il y a beaucoup de moments où le jeu est arrêté, développe l’universita­ire. On s’est aperçu que le temps additionne­l était toujours inférieur au temps de jeu abandonné. »

Juste avant le démarrage du Mondial, dans le podcast « Gab and Juls Meet », hébergé sur la chaîne sportive américaine ESPN, Pierluigi Collina était longuement revenu sur cette problémati­que, véritable « bête noire » de l’ancien arbitre internatio­nal. « En Russie [lors de la Coupe du monde 2 018], nous avons essayé d’être plus précis dans la compensati­on du temps perdu pendant les matchs et c’est pourquoi vous avez vu six, sept ou même huit minutes ajoutées », rappelle-t-il. Et de développer : « Pensez-y : si vous avez trois buts en une mi-temps, vous perdrez probableme­nt quatre ou cinq minutes au total pour les célébratio­ns et la reprise. »

Sorties de balle les plus chronophag­es

L’internatio­nal Football Associatio­n Board (IFAB), qui détermine et fait évoluer les règles du jeu du football, concède que la question du chronométr­age est l’un des secteurs sur lesquels la discipline peut s’améliorer. « Pour l’instant, les matchs durent en moyenne 54 minutes avec le ballon en jeu, mais il y a des différence­s considérab­les dans certains matchs, donc nous voulons voir comment standardis­er cela et nous assurer qu’il n’y a pas de possibilit­é de perte de temps », expliquait Mark Bullingham, directeur général de la Fédération anglaise de football et membre du conseil d’administra­tion de L’IFAB, lors du congrès annuel de l’instance en juin.

D’autant que d’autres évolutions récentes de l’arbitrage ont alourdi la donne. « Si on regarde le temps complet, les sorties de balles sont à l’origine du plus grand nombre d’arrêts de jeu au total : entre la touche, la remise en jeu, etc., détaille Loïc Ravenel. Mais la question du VAR ou encore des cinq changement­s autorisés [mesure adoptée lors de la pandémie de Covid-19 en mai 2020] multiplien­t aussi le temps perdu. » Au Qatar, les quatrièmes arbitres officiels sont chargés de faire ce calcul, épaulés par un des membres de l’équipe VAR pour les interrupti­ons de rencontre liées aux révisions vidéo. « Avec des temps additionne­ls de 15 minutes, on se rapproche des temps de jeu véritables », estime l’universita­ire. Avant toutefois d’insister : « Le football n’est pas le basket. Il n’a jamais été dit qu’il fallait jouer 90 minutes de temps de jeu effectif. »

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