Voltaire viendra quand même !
Quelque chose s’est tramé contre la Tunisie. On aurait dû s’en douter à travers la froideur de la Secrétaire générale de l’organisation internationale de la Francophonie, dans sa récente entrevue avec le Président Saïed. On n’en a pas été davantage édifié à travers la page officielle de la Présidence, quoique Saïed ait rassuré son hôte quant à la capacité de relever le défi, prévu novembre prochain, à Djerba. Il se peut que le contexte sanitaire mondial ne s’y prêtait pas. Mais les courbes de la pandémie baissent en Tunisie, et nous sommes à même de nous enorgueillir d’avoir réussi à conjurer la démente obstination de cette grande faucheuse. On le sait : cette célébration, la 50ème depuis la création de l’organisation, avait été conçue, comme par inspiration, par les réflexes de feu Béji Caïed Essebsi. Tout comme la Tunisie lui doit d’avoir sensibilisé le Nobel quant à une inédite consécration de ce qu’avait réussi à faire le Quartet. Sauf que, pour revenir au sommet de la Francophonie, il ne faut pas oublier que les préparatifs ont été ralentis, sinon stoppés par un ans et demi de déconfiture sanitaire. Pouvions-nous, dès lors, rattraper le coup, en si peu de temps ? Pas évident. Car il se trouve, de surcroît, que des forces de rétention internes auront tout fait pour faire capoter « le projet ». Il se trouve aussi que la rébellion de Hichem Méchichi et la cassure avec Saïed, y sont pour quelque chose. Et l’on se demande même, si en son for intérieur, le Président lui-même y croyait vraiment ou que, du moins, il plaçait le Sommet au centre de ses préoccupations vitales. Or, voilà qu’un rebond se produit. Et ce rebond est à fortes connotations exogènes. On ne saurait comprendre, qu’emmanuel Macron se redécouvre des relents néo-colonialistes et fasse du contexte ( le 25 juillet) un prétexte, pour infléchir le report de ce Sommet. En cela, il a trouvé de bons échos auprès du jeune Trudeau. Voilà qu’on mêle tout. Puisque Kaïs Saïed passe pour incarner un « projet dictatorial » aux yeux de l’elysée et que Macron ait, en même temps, presque simultanément, blessé tout le peuple algérien, voilà que ces joutes tant attendues sont reportées. Encore heureux que la Secrétaire générale de L’OIF ait agi pour tempérer ses rancoeurs et pour faire en sorte que la tenue du sommet soit confirmée à Djerba. A l’évidence, la grande complicité entre Saïed et Tebboune dérange Macron. Et lorsqu’on y ajoute les frictions entre Alger et Rabat, la manière dont le Président français se soit mis à conspuer certains pays africains, on en conclut que les chances de ce sommet devaient fatalement être hypothéquées par les lubies du « Prince ». Un certain Bourguiba, l’un des pionniers de la Francophonie, verrait ressurgir ce De Gaulle qui ne le portait pas dans son coeur. Bien entendu, la Tunisie y perd quelque chose, tant que sur le plan du prestige qu’au regard de l’impulsion touristique espérée à Djerba. Mais le grand perdant c’est le français. La langue de Voltaire. Parce que l’anglais avance. Il gagne du terrain. Empêtrée dans ses « séparatismes » et dans ses pesanteurs géostratégiques, la France se désengage de ce qui doit être sa vocation première : sa culture, sa langue. Et tout cela au nom d’une « démocratie » dont elle se croit être la seule garante dans ce qui fut, jadis, son espace d’influence. Pas de problème : Voltaire viendra l’année prochaine. Parce que, lui, est éternel… Mais Marzouki, qui se pavane, n’en sera pas.