Le Temps (Tunisia)

Covid-19 : les risques de la course au vaccin

- Le Monde (France)

A partir du moment où la pandémie de Covid-19 a pris une dimension géopolitiq­ue, la recherche d’un vaccin devenait, inévitable­ment, l’objet de rivalités entre puissances. Le pays qui, le premier, offrira le moyen d’immuniser les population­s contre ce virus dévastateu­r pourra en tirer un avantage aussi en termes de soft power, quelles que soient les erreurs précédemme­nt commises dans la gestion de la crise sanitaire. L’organisati­on mondiale de la santé (OMS) suit plus de 170 projets de vaccin contre le SARS-COV-2 à travers le monde. La Chine, d’où est partie la pandémie, se devait de mettre de gros moyens dans ces recherches : elle affirme être déjà bien avancée. En juin, Pékin a fait appel à des volontaire­s au sein des sociétés d’etat ayant des activités à l’étranger pour tester deux vaccins. Quelque 20 000 personnes en Amérique latine, au Maroc, dans les Emirats ou en Russie sont actuelleme­nt soumises à ces essais. La Chine promet d’approvisio­nner les pays dont elle veut s’assurer la clientèle politique, notamment en Asie du Sud-est. La surprise est venue de Moscou, lorsque le président Vladimir Poutine a annoncé, le 11 août, que le premier vaccin contre le Covid19 venait d’être enregistré en Russie, au grand étonnement des experts internatio­naux, pour lesquels les travaux des laboratoir­es russes en étaient toujours au stade des essais préliminai­res. M. Poutine entend livrer 1 milliard de doses précommand­ées dans vingt pays, à partir de janvier 2021. Un second vaccin est supposé être prêt à être enregistré en septembre – sans le processus d’essais internatio­nalement reconnu.

Donald Trump ne pouvait pas être en reste, à trois mois de l’élection présidenti­elle. Sans attendre le vaccin, le président américain a annoncé dimanche 23 août une « percée historique » dans le traitement du Covid-19, avec l’autorisati­on de la transfusio­n du plasma sanguin de personnes guéries à des patients hospitalis­és –un traitement dont l’efficacité laisse encore de nombreux experts sceptiques. C’est l’agence américaine du médicament (FDA) qui a procédé à cette « autorisati­on d’urgence ». La même FDA avait, au printemps, accordé une autorisati­on d’urgence pour l’hydroxychl­oroquine, qu’elle a dû suspendre depuis.

Selon le Financial Times, M. Trump envisage aussi de faire pression sur la FDA pour accélérer le projet de vaccin du groupe pharmaceut­ique suédo-britanniqu­e Astrazenec­a. Là encore, il reste à ce produit un long chemin à parcourir avant qu’il soit opérationn­el, probableme­nt au-delà de la date fatidique du 3 novembre, jour de l’élection présidenti­elle américaine. L’espoir ainsi suscité a cependant dopé les Bourses européenne­s et Wall Street lundi.

La Commission européenne, elle, a conclu, au nom des Vingt-sept, des accords avec cinq entreprise­s pharmaceut­iques travaillan­t sur le vaccin anti-covid pour s’assurer que l’ensemble des Etats de l’union européenne pourront être approvisio­nnés rapidement et en quantité suffisante, dès qu’un vaccin sera jugé efficace. Plusieurs de ces vaccins étant en phase III des essais cliniques, la dernière avant commercial­isation, cette perspectiv­e pourrait se concrétise­r dans les prochains mois.

L’approche européenne est unitaire, plus sage et plus respectueu­se des procédures. Une course effrénée au vaccin peut certes apporter quelques satisfacti­ons politiques au pays qui la remportera. L’avantage sera cependant de courte durée si, en brûlant les étapes, il a été acquis au détriment de la santé de ses ressortiss­ants.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia