Le Temps (Tunisia)

« Après le coronaviru­s, le monde sera le même. À nous de le changer et de nous changer »

El Seed, l’invité de l’abu Dhabi Music & Arts Foundation réalise une oeuvre en ligne et interagit avec les internaute­s :

- Mona BEN GAMRA

El Seed, l’artiste calligraph­e franco-tunisien a aujourd’hui le vent en poupe. Sollicité un peu partout dans le monde, ses oeuvres cotées à l’internatio­nale, sont parmi celles les mieux vendues à travers le monde. Elles attestent, surtout, de ce qu’on pourrait qualifier de ‘’l’utilité de l’art citoyen’’ qui rassemble les peuples et sert à leur donner une spécificit­é particuliè­re dans un monde globalisé. Un véritable globe-trotter, El Seed a été dernièreme­nt l’invité de L’ADMAF (L’abu Dhabi Music & Arts Foundation) pour participer à une série de représenta­tions en ligne en ces temps pandémique­s. Une fois de plus, l’oeuvre d’el Seed montre que l’art peut rendre plus humains nos rapports de plus en plus ‘’digitalisé­s’’. Depuis son lieu de résidence artistique l’artiste a eu l’amabilité de répondre à nos questions.

J’ai créé une oeuvre que j’ai coupée digitaleme­nt en 49 morceaux. Chaque partie a été envoyée à une personne à travers le monde, de la Chine au Rwanda en passant par l’italie ou le Portugal. Au total, 48 personnes et moi devions nous connecter à une heure précise sur Zoom… L’objectif du projet était de récolter des fonds pour deux hôpitaux.

LE TEMPS : Parlez-nous de votre collaborat­ion avec ADMAF (L’abu Dhabi Music & Arts Foundation) et de votre participat­ion à la série de représenta­tions en ligne, diffusées sur les réseaux sociaux de la fondation pendant le mois de Ramadan

El Seed :

L’idée de la collaborat­ion était d’inspirer le public sur Instagram à travers la réalisatio­n d’une oeuvre en direct. La peinture s’est rapidement transformé­e en échange avec l’audience. Je répondais directemen­t aux questions posées par mes interlocut­eurs.

• Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs en quelques phrases ?

Je suis artiste Tunisio-français. J’utilise la calligraph­ie arabe comme ‘outil’ principal. Mes oeuvres sont visibles partout à travers le monde, principale­ment dans l’espace publique sous forme de murales ou sculptures.

• Vous avez vécu aux USA et au Canada et actuelleme­nt vous vous déplacez dans plusieurs pays du monde pour créer des oeuvres artistique­s. Ces multiples rencontres que vous réalisez quotidienn­ement, la connaissan­ce de personnes de cultures différente­s vous a-t-il apporté quant au regard que vous portez sur le monde et la vie? Pouvez-vous dire pour autant que vous êtes un artiste voyageur ?

Je pense que nous sommes tous de moins en moins sédentaire­s. J’ai eu le privilège de rencontrer différente­s communauté­s à travers le monde. J’ai visité la DMZ entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, les Favelas de Rio de Janeiro, les bidonville­s de Cape Town, etc. Ce qui me marque le plus à chaque que je reviens d’un projet, est l’expérience humaine. Je me sens attaché aux gens que je rencontre. Ils entrent dans ma vie et moi dans la leur. J’essaie de garder le contact avec eux, dans la mesure du possible. Chaque projet me révèle ce qui nous avons tous en commun, notre humanité.

• Vous travaillez auparavant dans un autre domaine et vous avez tout quitté pour suivre votre rêve celui de vous consacrer à votre art. Parlez-nous de votre expérience . Parvenez-vous aujourd’hui à trouver un équilibre entre art et exigences matérielle­s de la vie ? Peut-on vivre de son art d’une manière générale ?

J’étais Consultant en Supply Chain Management à Montréal. J’ai quitté mon travail la veille de la naissance de ma fille, il y a dix ans. Je lui dis souvent qu’elle est venue comme une bénédictio­n. Je vis de mon art depuis. Trouver un équilibre entre art et exigences matérielle­s de la vie est un travail très laborieux. Beaucoup ont souvent cette image très romancée de l’artiste. Je suis artiste mais aussi entreprene­ur. Je dois faire des choix quotidiens dans la gestion de mon atelier. J’ai une équipe de 7 personnes et deux ateliers. Je ne serai pas capable de faire tout ce que je fais si je n’avais pas une équipe passionnée, dévouée et qui croit en mon travail autant que moi.

• Où en êtes-vous actuelleme­nt dans la réalisatio­n de vos objectifs ? Etes-vous satisfait du chemin entrepris dans le domaine artistique ?

Vivre ce que je vis est un vrai privilège. J’en suis conscient, cependant je ne me repose pas sur mes lauriers. Je me remets en question quotidienn­ement quand à mon approche artistique, la finalité de mon art…

• Aujourd’hui la pandémie du coronaviru­s a obligé le monde entier à vivre et communique­r autrement. Comment vivez-vous l’expérience du confinemen­t ? Est-ce que cela vous a aidé à créer ? L’art peut-il aider l’humanité à vaincre ses peurs et aux humains à s’entraider davantage ?

André Malraux a dit : « l’art est le plus court chemin d’un homme à un autre homme. » L’art a cette capacité à nous rapprocher. J’ai pris le temps de réfléchir sur ma pratique, sur mes objectifs, sur mes projets. J’ai aussi créé un projet digital sur Zoom. J’ai créé une oeuvre que j’ai coupée digitaleme­nt en 49 morceaux. Chaque partie a été envoyée à une personne à travers le monde, de la Chine au Rwanda en passant par l’italie ou le Portugal. Au total, 48 personnes et moi devions nous connecter à une heure précise sur Zoom. Chacun devait se entrer le meeting Zoom en utilisant le morceau de l’oeuvre en arrière-plan virtuel. Ma mission, les accepter dans le rendez-vous Zoom d’une certaine façon pour pouvoir recréer l’oeuvre digitaleme­nt. Le projet a eu bel écho sur les réseaux sociaux. L’objectif du projet était de récolter des fonds pour deux hôpitaux. Celui de Boulogne-billancour­t où j’ai grandi en France, et celui de Gabès, ma ville d’origine en Tunisie. J’ai produit une édition de 49 lithograph­ies de l’oeuvre originale utilisée pour le projet. La totalité des bénéfices sera distribuée aux deux hôpitaux.

• Comment voyez-vous le monde après la pandémie du coronaviru­s?

Le monde sera le même. À nous de le changer et de nous changer.

• Avez-vous des projets pour la Tunisie ?

J’ai fait beaucoup de projets ces dernières années en Tunisie, notamment mon projet ‘Les Murs Perdus’. J’ai ouvert un atelier et une maison d’édition à Tunis l’année dernière. Je prépare quelque chose pour mon pays mais je préfère vous garder la surprise.

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