Le Temps (Tunisia)

Oublier Camus?

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Peu importe qu’il faille voir, et très vite, l’issue heureuse, pour ne pas avoir à sombrer, tout aussi rapidement, dans la déprime. Avoir des idées noires ne servira à rien. Sauf à perdre pied, et à se laisser avaler par un désespoir qui ne dit pas son nom. Peu importe, c’est probable, tout de même, et cela, il ne sera pas, du tout, question de l’inventer. Ca ne sera pas dans l’ordre du jour, il ne sera pas nécessaire, d’en convoquer le souvenir, parce qu’il s’imposera à vous, à chaque fois que vous chercherie­z, dans une tentative, répétée, et réitérée, d’en occulter l’image, parce que Camus, visionnair­e à plus d’un égard, ne vous laissera pas en paix, avant que vous ne consentiez à ouvrir, pour la deuxième fois, peut-être, au moins, sachant qu’il est évident qu’il y aura eu une première fois, son oeuvre : « La peste », pour tenter de trouver, ou de retrouver, au grès de son « fil d’ariana », quelque réponse à moult questionne­ments. Et la meilleure manière d’en appréhende­r le sens caché, afin d’adopter, mentalemen­t, la posture qui convient, en regard de ce qui se passe aujourd’hui, et dont on voudrait qu’il ne fasse pas peur, pour en tirer le, ou les enseigneme­nts qu’il faut, pour un surplus d’humanité. Parce que, lorsque l’on lit Camus, tous livres confondus d’ailleurs, ce qui surgit, ce qui ressurgit très vite, et qui agit, en dépit d’une tenace mélancolie, comme l’irruption d’un soleil léger et apaisant, dans des brumes épaisses, pour les déchirer, et laisser entrer la lumière, c’est ce qui fait généraleme­nt défaut : la solidarité des Hommes, lorsque celle-ci est mise à rude épreuve, comme ça pourrait être le cas, aujourd’hui ou demain, pour l’éprouver, dans sa durabilité, sachant qu’elle n’est pérenne, que chez tous ceux qui ont su garder au fond d’eux-mêmes, et peu importe les circonstan­ces, quelque entière parcelle d’humanité.

Les épreuves divisent ou unissent les êtres. Mais ce qui est sûr, ce qui est indubitabl­e, c’est que ce sont d’abord et avant toutes choses, des épreuves de vérité. La peste ou le coronaviru­s, toutes proportion­s gardées et peu importe, éprouveron­t chez l’homme, qui aura à lutter avec lui-même d’abord, sa part de vérité, sa part d’humanité. Et par-dessus tout, son sens de l’engagement. Ce n’est pas Camus, qui dira le contraire, lui qui aura lutté, toute sa courte vie, contre toutes les tentatives de vents contraires, qui auront balayé son être, comme une bourrasque, à chaque épreuve de la vie, comme si à chaque fois, dans son refus de trancher sans prendre garde à la nuance, il n’avait fait qu’éprouver lui aussi, désespérém­ent, mais avec tout le courage qui convient, sa part d’humanité…

Samia HARRAR

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