Le Temps (Tunisia)

Schizophré­nie parlementa­ire

- Par Chokri BEN NESSIR

Le jour même où la nouvelle législatur­e est entrée en action, l’hémicycle du Bardo a pris l’allure d’une foire d’empoigne où tout est permis. Et les Tunisiens qui dépriment, assistent depuis, sans broncher à la même cacophonie et aux discussion­s sur des questions futiles, usantes, frustrante­s et rageantes, à L’ARP. Incapable de moraliser l’action parlementa­ire, le président de L’ARP, a d’abord songé à ne plus transmettr­e en direct les débats à la télé comme solution, avant de faire marche arrière sous la pression des journalist­es. Mais voilà qu’un incident entre la députée Abir Moussi (PDL) et la députée Jamila ksikssi (Ennahdha) a mis en branle deux factions politiques habituées à croiser leurs armes et à se tirer à boulets rouges. Cette fois-ci, le duel a eu lieu au Parlement. Il a vite dégénéré pour tourner au sit-in. Chose qui n’est pas étrange aux démocratie­s dont l’illustre Congrès américain avec des contestati­ons et des sit-in récurrents. Il n’empêche ; nos élus chargés de veiller sur les affaires économique­s et politiques du pays, ont préféré museler les médias, en les empêchant d’accéder à L’ARP, puisqu’une interventi­on musclée était envisagée pour évacuer les sittineurs de la salle de plénière. Laissant ainsi dans la débâcle les journalist­es hébétés.

Mais de quoi a eu peur le président de L’ARP pour donner des instructio­ns insipides et indignes de la Tunisie post-révolution qui l’a pourtant porté au pouvoir ? Certes, c’est l’image écornée d’une assemblée en pleine ébullition, composée d’une mosaïque loin d’être harmonieus­e, qu’il essaye de dissimuler aux yeux du monde en entravant un droit constituti­onnel, celui d’informer. L’ère des médias de propagande étant révolue, les jeunes loups du métier ont vite sortis leurs griffes et montré leurs dents. Le tollé des journalist­es, avec l’appui du Snjt, a vite eu raison des restrictio­ns du Cheikh, qui s’est retranché derrière son bureau, laissant ses conseiller­s jouer les dos ronds et recevoir à sa place, la gifle des syndicalis­tes. C’est la première fois que la censure vient, par malheur, désengourd­ir les esprits somnolents et réveiller les esprits à nouveau engourdis pour redorer l’image, reconquéri­r l’estime, rien que par des manoeuvres de basse altitude.

Le problème, c’est qu’à chaque atteinte à la liberté d’expression, l’ascenseur de l’adrénaline des journalist­es monte au plafond avant de retomber aussitôt dans les caves de notre passivité. C’est pourquoi la vigilance doit être de mise. Car, les tentations d’un retour en arrière, nous montrent encore une fois que la censure n’a pas de limite dans l’imaginaire de ses commandita­ires. Sa portée devient par conséquent beaucoup plus considérab­le du moment que nos gouvernant­s restent hébétés. Pourtant, c’est l’image du pays et du peuple Tunisien qui en pâtit. Sommes-nous, à ce point, incapables de montrer au monde l’autre image de la Tunisie et des Tunisiens ? Il est temps de reconnaîtr­e qu’on avait tort de sacrifier sur l’autel des caprices parlementa­ires, ces petites lucarnes ouvertes sur le monde et qui portent la voix d’une nouvelle Tunisie libre et démocratiq­ue.

En réduisant au silence les médias, le Parlement s’est emmuré de tous les côtés, ne laissant aucune issue à la voix de la Tunisie libre et démocratiq­ue, sauf qu’elle résonne comme un simple écho intra-muros. Mais laissons ces considérat­ions oiseuses et qui ne font que retarder l’action. Car, l’effet de choc doit être employé au bénéfice de l’action. A ce stade-là, la riposte qui doit être engagée, devra être rapide, soit un précipité d’actions afin de dévoiler au monde que notre pays est un pays doté d’une presse libre. Pour réussir ce tour de force, les journalist­es doivent tirer leur glaive contre cette schizophré­nie parlementa­ire. Le combat ne fait que commencer.

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