Le Temps (Tunisia)

Le barreau siffle la fin de la récré

- Melek LAKDAR

Depuis que la liberté expression s’est affranchie du musèlement d’antan, le spectateur ne cesse de voir défiler une kyrielle de personnes, méconnues de par le passé, qui s’autoprocla­ment experts, chroniqueu­rs, docteurs en telle ou telle spécialité alors qu’ils ne sont autres que des enseignant­s, des citoyens lambda, des journalist­es, des activistes. Mais la Palme d’or revient aux avocats. Certains visages sont même devenus des habitués du petit écran. Invités par divers médias, ils prétendent détenir à eux seuls la vérité et les seuls capables à éclairer les lanternes de l’opinion publique.

Depuis que la liberté expression s’est affranchie du musèlement d’antan, le spectateur ne cesse de voir défiler une kyrielle de personnes, méconnues de par le passé, qui s’autoprocla­ment experts, chroniqueu­rs, docteur en telle ou telle spécialité alors qu’ils ne sont autres que des enseignant­s, des citoyens lambda, des journalist­es, des activistes. Mais la Palme d’or revient aux avocats. Certains visages sont même devenus des habitués du petit écran. Invités par divers médias, ils prétendent détenir eux seuls la vérité et les seuls capables à éclairer les lanternes de l’opinion publique.

Face à ce déferlemen­t des spécialist­es de droit dans les médias audiovisue­ls, le barreau a décidé de siffler la fin de la récréation. Désormais, les avocats sont interdits d’intervenir sur les plateaux télévisés ou radiophoni­ques pour interpréte­r telle ou telle circonstan­ce et donner leur propre lecture juridique, qui pourrait selon le barreau, fausser l’informatio­n voire envenimer encore plus certaines crises politiques.

Un rappel à l’ordre

Qu’ils soient rémunérés ou à titre gracieux, juridiquem­ent parlant, les avocats n’ont pas le droit de participer ou même d’animer une émission médiatique. Le Président de la section de Tunis a rappelé à l’ordre les avocats, leur rafraîchis­sant ainsi la mémoire quant à l’esprit des lois. En effet, le décret de loi n° 2011-79 du 20 août 2011 portant organisati­on de la profession d’avocat interdit formelleme­nt la participat­ion des avocats dans les médias. L’article 23 dudit décret était clair là-dessus « Il n’est pas permis de cumuler la profession d’avocat avec les activités suivantes…la participat­ion ou l’animation, d’une manière périodique ou continue, de programmes médiatique­s quelle qu’en soit la nature avec ou sans rémunérati­on ».

Dans son communiqué, le barreau souligne que tout avocat ne respectant pas la loi sera sanctionné voire interdit d’exercer.

Cette sentence tombe dans un contexte politique assez sensible durant lequel les plateaux télés et les studios radios connaissen­t un afflux de plus en plus encombrant­s un très grand nombre d’avocats. Certains médias audiovisue­ls se sont transformé­s en tribunal. Ils traitent et jugent sur des affaires qui sont encore devant la justice. Divers sujets sensibles y sont discutés sur la voie publique. Les uns font le procès de certains, les autres défendent des accusés. N’ayant qu’un seul son de cloche, le grand public est donc facilement influencé et peut mal interpréte­r certaines dispositio­ns de la loi et les différends d’actualité présentant de sérieux enjeux.

Plateaux télés ou salles d’audience ?

Ces dernières années, nous avions noté l’exode déferlant de spécialist­es de tous les domaines : politique, juridique, scientifiq­ue, économique. Tout le monde s’autoprocla­me expert, profession­nel, chevronné, émérite, etc…

Présentés en tant que tels, les invités se sont pris au jeu et sillonnent depuis, les plateaux TV, les radios publiques et privées pour se prononcer souvent sur des affaires qui sont en cours d’instructio­n devant la justice et sur lesquels les tribunaux n’ont pas encore tranché. Ce qui a souvent semé la zizanie auprès de l’opinion publique. N’y allant pas de main morte, les avocats proclamés chroniqueu­rs ont envahi le petit écran et les stations radios. Nous les voyons partout répétant sans cesse le même discours sur tel ou tel sujet. Ces profession­nels de la loi sont pourtant conscients qu’il est formelleme­nt interdit d’évoquer les sujets pas encore conclus par la justice ni de transférer les débats juridiques dans les médias au détriment de ce qu’en dit l’esprit de la loi et l’éthique de leur métier.

Certains médias privés ont transformé leurs plateaux et émissions en salle d’audience. En donnant libre voie aux avocats convertis en chroniqueu­rs, ils interfèren­t dans le travail de le cours justice, donne à voir des avis très souvent subjectifs et politisés à la solde de partis politiques. Désormais devenus célèbres, ces « chroniqueu­rs » envahissen­t le petit écran et les stations radios, sur invitation des journalist­es. A maintes reprises, nous avons vu des émissions de débats politiques se transforme­r en procès alors que la justice n’a pas encore donné son dernier mot.

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