Le Temps (Tunisia)

Report du procès de l'ex-président Zuma

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Le début du procès de l'ancien président sud-africain Jacob Zuma pour corruption dans un contrat d'armement impliquant le groupe français Thales a été reporté hier après une demande d'appel de l'ex-homme fort du pays, énième rebondisse­ment dans cette affaire qui le hante depuis plus d'une dizaine d'années.

Ce procès devait être le premier pour corruption de Jacob Zuma, contraint à une démission humiliante en 2018 après un règne de dix ans (2009-2018) éclaboussé par de nombreux scandales.

L'affaire Thales pour laquelle il est poursuivi remonte aux années où il était "ministre" de la province du Kwazulunat­al (est) puis vice-président du pays.

Il est accusé d'avoir touché 4 millions de rands - 249.000 euros au cours actuel - de pots-de-vin de la part du groupe de défense et d'électroniq­ue français Thales, dans le cadre d'un énorme contrat d'armement de 51 milliards de rands (environ 3 milliards d'euros au cours actuel) attribué en 1999.

Jacob Zuma et Thales, qui est également poursuivi, ont toujours nié les allégation­s.

Mardi, alors que le procès devait débuter, la Haute Cour de Pietermari­tzburg, au Kwazulu-natal a été le théâtre d'un nouveau coup de théâtre.

L'avocat de l'ancien président a demandé à faire appel des poursuites visant son client, reportant de fait le procès. "M. Zuma voudrait exercer la totalité de ses droits constituti­onnels, qui incluent le droit de faire appel", a déclaré Thabani Masuku.

La demande d'appel sera entendue en novembre, selon le ministère public qui a annoncé qu'il allait s'y opposer, estimant qu'elle n'avait pas "de chance de succès".

Après de multiples rebondisse­ments depuis une quinzaine d'années, la justice avait ouvert vendredi la voie à un procès de l'ancien président, après avoir unanimemen­t rejeté la demande de Jacob Zuma d'abandonner les poursuites qui le visent. C'était sans compter sur la possibilit­é de faire appel des deux co-accusés.

Thales n'a pas encore communiqué sa position.

Jacob Zuma, qui a toujours affirmé être victime d'une "chasse aux sorcières", a de nouveau joué la carte de la conspirati­on mardi. "Il y a tant de comploteur­s contre moi", a-t-il lancé devant une centaine de ses supporters réunis à proximité du tribunal de Pietermari­tzburg.

"La justice ne sera pas rendue si on continue avec cette affaire", a-t-il affirmé. Elle "était morte et a été ressuscité­e tant de fois", a-t-il ajouté, entre deux pas de danse. "Ce n'est pas fini."

Depuis près de deux ans, Jacob Zuma enchaîne les déconvenue­s. Longtemps réputé inatteigna­ble, il a été poussé à la démission en février 2018 après un long bras de fer avec son propre parti, le Congrès national africain (ANC, au pouvoir), et son successeur, Cyril Ramaphosa, qui a promis d'en finir avec la corruption.

Si son procès pour corruption a lieu et s'il est reconnu coupable, il encourt une peine de plusieurs années de prison.

Selon l'acte d'accusation, le groupe Thales lui a versé un total de 4.072.499,85 rands par l'intermédia­ire d'un homme d'affaires présenté comme son "conseiller financier", Schabir Shaik.

Dans un fax envoyé en 2000 à sa hiérarchie parisienne, un dirigeant local de Thales a écrit noir sur blanc que le groupe s'est engagé à verser 500.000 rands par an à Jacob Zuma pour garantir la "protection" du groupe et "le soutien permanent de JZ (Jacob Zuma) pour les futurs projets".

Sur la base de ces éléments, Schabir Shaik a été reconnu coupable de corruption en 2005 et condamné à quinze ans de prison.

Mis en cause dès 2003 dans ce dossier, Jacob Zuma a longtemps échappé aux poursuites. Par deux fois, le parquet a engagé des poursuites contre lui puis les a annulées, au gré de décisions toujours très controvers­ées.

La dernière annulation, quelques jours avant son élection à la magistratu­re suprême en 2009, semblait avoir enterré définitive­ment l'affaire.

C'était sans compter sur l'obstinatio­n du principal parti d'opposition, l'alliance démocratiq­ue (DA), qui a permis de la ressuscite­r.

Ce procès a le potentiel d'éclabousse­r L'ANC de feu Nelson Mandela. "Avec cette affaire de contrat d'armement, L'ANC est dans un grave bourbier", a estimé un analyste politique, Xolani Dube.

Le dossier remonte à une vingtaine d'années, mais Jacob Zuma est également soupçonné de corruption dans d'autres affaires beaucoup plus récentes, du temps de sa présidence. Il doit de nouveau être prochainem­ent entendu par une commission censée faire la lumière sur les multiples accusation­s de corruption au sommet de l'etat pendant son règne.

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