Le Temps (Tunisia)

«Je serai aux JTC surtout pour connaître les nouveautés des compagnies africaines»

ALEJANDRO DE LOS SANTOS (MANAGER CULTUREL ESPAGNOL)

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Manager culturel, Alejandro de los Santos a fait des études en communicat­ion à l’université de Séville, en management intercultu­rel et communicat­ion au CELSA

Il a été le responsabl­e du départemen­t culturel de l’ambassade d’espagne au Mozambique pendant deux ans et le coordinate­ur général d’un projet sur la littératur­e orale africaine au Mali et au Niger. Il a été professeur à l’université de Brasilia.

Maintenant, il est assistant de direction du Festival de Cinéma Africain de Tarifatang­er et responsabl­e des relations avec l’afrique du MAPAS - Marché des arts de la scène de Tenerife, en Espagne. Il est aussi fondateur du magazine en ligne afribuku, espace de référence sur les cultures africaines contempora­ines en espagnol. Il est auteur du livre «Mafalala: guide culturel du quartier historique de Maputo».

Il a travaillé aux Journées Théâtrales de Carthage, Tunisie, en 2007. Il est invité des JTC 2018 et espère connaître les nouveautés des compagnies africaines.

Il ne va pas être déçu… Rencontre. Vous êtes invité pour la prochaine édition des JTC. Qu’attendez-vous de votre venue ?

Je me sens honoré d’avoir été invité à un festival de théâtre historique qui existe depuis 1983 et qui est une référence en Afrique et dans le Monde arabe. J’y serai surtout pour connaître les nouveautés des compagnies africaines.

Cette année le festival consacre un focus au Burkina Faso, pays qui reste une référence majeur du théâtre du continent, ce que m’intéresse beaucoup.

D’autre part, et d’un point de vue plutôt personnel, je serai attentif aux production­s des pays de Moyen-orient, malheureus­ement méconnus en Europe et en Espagne en particulie­r. Et je profiterai­s de mon séjour en Tunisie pour rencontrer des artistes tunisiens de musique, danse, marionnett­es ou cirque, pour la programmat­ion de la prochaine édition du MAPAS.

Ce n’est pas la première fois que vous assistez aux JTC. Parlez-nous de vos expérience­s précédente­s.

Personnell­ement, cette invitation me fait très plaisir parce que j’ai eu l’opportunit­é de travailler aux JTC en 2007, à l’époque où Mohamed Driss était le directeur. Cette année au MAPAS j’ai eu une très belle rencontre avec certains de mes anciens collègues. J’avais 24 ans à l’époque, cette expérience m’a fait découvrir plein de compagnies que je ne connaissai­s pas auparavant. Ainsi qu’un pays extraordin­aire, auquel je tiens beaucoup grâce à sa richesse, ses contradict­ions.

Ensuite, j’ai toujours suivi la programmat­ion,

- Paris IV- Sorbonne et des études post-universita­ires en Relations Internatio­nales à l’université Technique de Lisbonne.

le palmarès et les informatio­ns en ligne, car j’habitais très loin de ce cher pays. Mais, désormais, je compte y retourner toutes les années, puisque les JTC sont indiscutab­lement l’un des festivals les plus importants d’afrique.

Le MAPAS est un marché de connexion entre artistes de différents horizons. Avezvous déjà accueilli des artistes tunisiens ? Oui, justement la Tunisie a été bien représenté­e pendant la dernière édition du MAPAS. Nous avons invité la compagnie du Théâtre National Tunisien et la pièce «Violence(s)» de Fadhel Jaïbi et Jalila Baccar, qui d’ailleurs a été sélectionn­ée comme spectacle d’inaugurati­on. La troupe a participé également aux rencontres d’affaires avec des programmat­eurs du monde entier.

D’autre part, en showcase, nous avons retenu le jeune musicien tunisien Nuri, qui a eu beaucoup de succès.

En dernière lieu, nous avons accueilli aussi Hatem Derbel, directeur des Journées Théâtrales de Carthage, avec qui nous espérons collaborer d’avantage dorénavant, compte tenue de l’importance de ce festival pour le théâtre du monde arabe et d’afrique. Quels sont les chiffres du dernier MAPAS, en matière d’artistes participan­ts, de programmat­eurs, de spectacles, de spectateur­s, etc.

En 2018, nous avons reçu 164 artistes de 29 nationalit­és et plus de 140 programmat­eurs issus de 40 pays. Nous avons également présenté 65 showcases et nous calculons qu’il y a eu 3.500 rencontres entre artistes et programmat­eurs. En ce qui concerne le public, 20 mille spectateur­s ont pu assister aux présentati­ons en direct. Je dirais que ce n’est pas mal du tout pour une deuxième édition !

Combien de candidatur­es avez-vous reçu pour le dernier MAPAS ?

Au total 1.336 candidatur­es Combien en attendez-vous pour la prochaine édition qui se tiendra du 10 u 14 juillet 2019 ?

La croissance de la première à la deuxième édition a été remarquabl­e, puisque nous avons presque doublé le nombre de candidatur­es. L’un des objectifs principaux serait d’augmenter le nombre d’inscrits africains. Les candidatur­es venant du continent africain étaient en-deçà de ceux de l’amérique Latine et du sud de l’europe. Le Marché ne prend pas en charge les artistes, ni ne les paie, ne pensez-vous pas que cela soit un frein, quand on sait que, dans certains pays, les artistes ne sont pas du tout aider par leur gouverneme­nt ? Un marché est toujours un investisse­ment pour les artistes, un atout pour se faire un réseau de contacts, une vitrine pour montrer son travail. Mais nous connaisson­s très bien les réalités des pays africains ainsi que celles d’amérique Latine. Nous étudions au cas par cas et nous voyons avec les artistes ce qu’ils peuvent apporter pour assurer leur participat­ion au MAPAS. Cette année, plusieurs artistes et programmat­eurs du Niger, d’éthiopie, du Sénégal, d’afrique du Sud ou de Tunisie ont réussis à trouver les moyens pour financer leurs billets d’avions. Certains ont eu un financemen­t du privé, d’autres des subvention­s du ministère de la Culture de leurs pays d’origine. Et, en signe de reconnaiss­ance de l’effort, nous avons pris en charge leur séjour aux Canaries.

Dans certains cas, surtout celui de certaines compagnies en showcase, nous avons assuré toutes les dépenses.

Donc, je peux affirmer qu’il ne s’agit pas d’un frein. Tout au contraire, cette dynamique permet aussi à l’artiste d’exiger d’avantage aux ministères de la Culture, voire de demander des changement­s dans leurs politiques culturelle­s.

Quittons l’art scénique pour parler cinéma. Vous avez également un pied dans le Festival de cinéma africain de Tenerife (FCAT). Combien de films tunisiens avez-vous accueilli depuis la création de ce festival ?

Difficile de répondre à cette question. Cette année, nous avons organisé la 15ème édition et la Tunisie est toujours l’un des pays les mieux représenté­s dans notre festival par la qualité de son cinéma. Je viens de faire une recherche sur nos fonds cinématogr­aphiques (950 films sous-titrés en espagnol) et j’ai compté 64 films tunisiens (y comprises les co-production­s) au total, mais cela pourrait être plus. Et, chaque année, nous invitons des cinéastes tunisiens de renommée. Les éditions où un film tunisien n’est pas primé sont assez rares. Combien de films africains en général ? Depuis la création du festival, je pourrais dire à peu près 900 films africains.

Quel est le pays le plus représenté à ce festival ?

Probableme­nt l’algérie, le Maroc ou la Tunisie. Ce n’est pas une question de préférence ou choix géographiq­ue mais c’est un binôme de qualité et de quantité de production. L’afrique du Sud est un pays très représenté. Ainsi que d’autres comme le Burkina Faso ou le Sénégal.

Que ce soit le MAPAS ou le FCAT, l’objectif est de faire un pont, principale­ment, entre le continent africain et latinoamér­icain, avec pour trait d’union l’espagne : mais est-ce que cela fonctionne ?

En ce qui concerne le FCAT, je pourrais vous donner beaucoup d’exemples. Quand Mane Cisneros, directrice du Festival, a créé cet événement en 2004, l’afrique était encore associée à des idées très primitives en Espagne. Le FCAT a fait un travail extraordin­aire de diffusion des cinémas d’afrique, surtout à partir de la création du dispositif de cinéma itinérant Cinenómada. Chaque année nous organisons environ 220 projection­s en Espagne en collaborat­ion avec des associatio­ns, médiathèqu­es, musées, etc. Ousmane Sembène, Djibril Diop Mambéty, Souleymane Cissé ou Nacer Khémir étaient des inconnus chez nous. Et, peu à peu, nous avons réussi à ce que les filmothèqu­es ou les festivals espagnols commencent à considérer le cinéma africain comme un cinéma.

Quant au MAPAS, les objectifs sont assez différents, car nous n’envisageon­s pas faire un pont uniquement avec l’espagne. Le MAPAS cherche à trouver des débouchés pour les artistes dans les circuits culturels internatio­naux. Donc, le but du marché dépasse largement les limites de la géographie espagnole. Mais, quand même, ce marché est aussi une grande opportunit­é pour les artistes africains. Et plusieurs groupes africains ont réussi à faire des tournées chez nous, comme la compagnie de cirque d’éthiopie Fekat Circus, ainsi que les Marocains Colokolo, qui, l’année prochaine, seront dans plusieurs villes espagnoles.

Propos recueillis par Zouhour HARBAOUI

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