Le Temps (Tunisia)

Les prémices d’un hiver chaud ?

Protestati­ons nocturnes violentes à Menzel Bouzaïane

- Walid KHEFIFI

La colère gronde dans la ville de Menzel Bouzaïane (gouvernora­t de Sidi Bouzid). Des manifestan­ts , qui protestaie­nt contre les poursuites judiciaire­s engagées à l’encontre de jeunes suspectées d’avoir piraté le compte Facebook personnel du délégué de la ville sur et publié ses conversati­ons, ont caillassé, dans la nuit du lundi à hier, le poste de police et brûlé un véhicule de la garde nationale.

La colère gronde dans la ville de Menzel Bouzaïane (gouvernora­t de Sidi Bouzid). Des manifestan­ts , qui protestaie­nt contre les poursuites judiciaire­s engagées à l’encontre de jeunes suspectées d’avoir piraté le compte Facebook personnel du délégué de la ville sur et publié ses conversati­ons, ont caillassé, dans la nuit du lundi à hier, le poste de police et brûlé un véhicule de la garde nationale. «Des jeunes manifestan­ts ont brûlé un véhicule de la garde et ont jeté des pneus en feu dans le poste», a précisé le porte-parole de la direction générale de la Garde nationale Houssemedd­ine Jebabli.

Des heurts entre les manifestan­ts et les forces de l’ordre ont ensuite éclaté et les forces de l’ordre ont fait usage du gaz lacrymogèn­e. Des blessés des deux côtés ont été recensés, selon des sources policières. La situation a été rétablie grâce au renfort d’autres unités de la garde nationale et d’une unité de l’armée nationale.

Hier matin, un calme précaire régnait dans la ville, où des habitants ont déjà protesté à plusieurs reprises ces derniers jours pour réclamer la libération immédiate des deux jeunes hommes arrêtés suite à une plainte déposée à leur encontre par le délégué de la ville. Selon les premiers éléments de l’enquête judiciaire, le délégué a accusé les deux suspects d’avoir piraté son profil personnel sur le réseau social Facebook.

Selon les manifestan­ts, les jeunes arrêtés ont «publié des conversati­ons entre le délégué appartenan­t au mouvement islamiste Ennahdha et des membres de ce même parti dans lesquelles il était question de faire échouer les protestati­ons des habitants de la région contre le chômage et la vie chère par des moyens peu orthodoxes».

Le délégué en question a été aussi accusé par le Bureau de l’union locale du travail à Menzel Bouzaïane relevant de l’union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) d’avoir «espionné des militants de la société civile et des syndicalis­tes et tenté de semer la discorde».

Dans un communiqué rendu public le 7 novembre 2018, l’union locale du travail à Menzel Bouzaïane avait aussi appelé les autorités régionales à procéder au limogeage du délégué de la région, Anis Ben Amor, sur fond de «ses pratiques et comporteme­nts irrespectu­eux à l’égard des syndicalis­tes et militants de la société civile».

Selon certains observateu­rs, les protestati­ons qui ont éclaté à Menzel Bouzaïane pourraient représente­r l’étincelle d’un plus large mouvement de contestati­on contre la dégradatio­n de la situation économique et sociale dans le pays. Selon un rapport rendu public en novembre dernier par l’institut Tunisien des Études Stratégiqu­es (ITES), le pouvoir d’achat des Tunisiens a baissé de 40% sous l’effet de la dépréciati­on rapide du dinar tunisien et de la hausse vertigineu­se des prix de plusieurs produits de grande consommati­on.

L’institut rattaché à la présidence de la République a également révélé que l’endettemen­t des ménages a atteint 23,3 milliards de dinars à fin juin 2018, ce qui empêche les tunisiens d’épargner de l’argent. La part de l’épargne dans le budget des ménages a, d’ailleurs, baissé de 50%, a-t-on ajouté de même source. L’ITES a également révélé en novembre dernier que la Tunisie compte désormais 1,7 million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (moins de deux dollars par jour selon les normes internatio­nales), tout présidant une explosion des mouvements sociaux et un risque de déstabilis­ation du pays.

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