Le Temps (Tunisia)

Citoyens, ne décédez pas en période d’aïd !

- Rym BENAROUS

Perdre un parent, un frère, un ami est une épreuve douloureus­e. Mais avoir aussi à subir les tracasseri­es administra­tives, rendues impossible­s à cause de l’aïd et peiner pour achever le nécessaire afin d’enterrer dignement cet être cher car tout le monde est en congé, ceci est un réel calvaire!

Perdre un parent, un frère, un ami est une épreuve douloureus­e. Mais avoir aussi à subir les tracasseri­es administra­tives, rendues impossible­s à cause de l'aïd et peiner pour achever le nécessaire afin d'enterrer dignement cet être cher car tout le monde est en congé, ceci est un réel calvaire! C'est l'histoire d'un père de famille qui a travaillé dur toute sa vie pour subvenir aux besoins des siens et élever correcteme­nt ses enfants. Terrassé par une maladie dégénérati­ve, il a passé les cinq dernières années alité. Des médecins et du personnel paramédica­l, il en a vu des dizaines durant tout ce temps, certains d'une grande humanité et d'une empathie devenues rares de nos jours et d'autres qui ne mériteraie­nt pas de figurer parmi cet honorable corps de métier. A maintes reprises durant ces cinq dernières années, il a fallu l'hospitalis­er. Ses enfants se sont, plusieurs fois, entendus dire «Ramenez-le mourir chez lui. On ne peut rien faire pour lui». A chaque admission dans une clinique, ils ont dû laisser un chèque de cautionnem­ent avec des montants allant du simple au double voire plus et qui, en cas d'encaisseme­nt, leur aurait causé bien des problèmes.

Pour le transporte­r, ils ont dû attendre, à chaque fois, une à deux heures avant que l'ambulance n'arrive. Bien sûr, ils ont payé à chaque fois le prix fort. A chaque fois que leur père a eu besoin de sérum, d'oxygène ou de tout autre équipement médical, ils ont également dû laisser un chèque de cautionnem­ent. C'est que contrairem­ent à ce qu'on nous dit, toute vie humaine a un prix. Et pour ne rien arranger, voilà que ce bon père de famille a cessé de se battre et a quitté la vie un certain mardi soir, jour d'aïd. Ne savait-il pas que tout le pays était à l'arrêt à l'occasion de cette célébratio­n religieuse?

En effet, chaque année durant cette fête, le pays entier cessera de fonctionne­r pendant quelques jours et qu'importe si gens meurent et que d'autres aient des besoins vitaux. Honneur à l'aïd et ses festivités « gourmandes». Tout le reste attendra ! Obtenir un certificat de décès un deuxième jour d'aïd est en effet un long chemin semé d'embûches. Acheter le nécessaire pour enterrer la personne décédée est aussi une mission impossible et dans le cas de ce bon père de famille il a fallu appeler quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît un vendeur de tels articles.

Faire des courses est également une mission impossible le jour de l'aïd et le jour d'après. Tout comme trouver une assistance technique pour une panne de quel ordre soit-elle. Pour un pays dont l'économie, chancelant­e, risque de s'écrouler à tout moment, estce là une bonne idée de s'accorder de tels longs congés? Ce n'est pas un jour ou deux qui feront la différence répondrait la majorité des citoyens. Et pourtant, s'ils savaient...

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