Le Temps (Tunisia)

«En Coupe du Monde, tout ce qui compte c'est la gagne»

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Carlos Alberto Parreira :

L'ancien coach brésilien, champion du monde en 1994, s'est exprimé dans un entretien à Goal. Il donne la recette pour triompher dans ce tournoi.

Carlos Alberto Parreira sera en Russie pour la Coupe du Monde 2018. Mais, pas en tant que sélectionn­eur. Seulement en tant que membre du groupe d'étude de la FIFA. Cependant, le Brésilien n'est aucunement frustré. À 75 ans, il sait que son temps est passé et qu'il a entrainé assez longtemps et à un niveau suffisamme­nt elevé pour ne pas ressentir d'amertume. Le technicien champion du monde 1994 profite comme il se doit de son statut de retraité.

Pour commencer, comment allez-vous? Nous n'avons plus trop de nouvelles de vous depuis la fin de votre mission avec le Brésil. Que faites-vous aujourd'hui ?

Carlos Alberto Parreira : Cela fait un bon moment que je suis à la retraite, que je ne suis plus coach. Mais je suis toujours impliqué d'une certaine manière. Je reste "connecté". J'enseigne notamment à l'université de Rio de Janeiro, deux fois par semaine. Un travail qui est important pour moi. Nous parlons de football avec les étudiants. Et je fais également partie du groupe d'étude technique de la FIFA. Nous serons présents en Russie cette année pour voir et analyser les différents matchs. Mais, pour ce qui est de ma carrière d'entraineur, c'est définitive­ment terminé. C'est le passé. Il est temps de laisser la place aux autres.

N'était-ce pas compliqué de dire "J'arrête". Car vous avez été entraineur pendant presque cinquante ans. Dire adieu à cette vie, c'était difficile ?

Non, ce n'était pas dur parce que j'étais préparé psychologi­quement à dire au revoir. J'ai commencé à travailler comme entraîneur en 1967 avec la sélection ghanéenne. Donc, j'ai exercé pendant presque 50 ans. Le match contre la France, lors du Mondial 2010, était mon dernier en tant qu'entraîneur. J'étais prêt à dire stop et passer à autre chose. Je garde bien sûr de très bons souvenirs de mon parcours. Mais pour répondre à votre question, non ce travail ne me manque pas. Pourquoi me manquerait-il ? Maintenant, je suis avec ma famille, avec mes enfants, j'ai mon hobbie de photograph­e et de peintre. Aujourd'hui, je fais des choses que je ne pouvais pas faire avant. Vous savez, le football vous donne beaucoup, mais vous enlève beaucoup aussi. Maintenant, je me consacre à ma famille, à mes amis. Je voyage, je vis d'autres expérience­s. Donc, il n'y a pas de regrets. Absolument aucun.

L'édition 1994 de la Coupe du Monde, celle que vous avez remportée comme sélectionn­eur, ça doit être la plus mémorable de toutes…

Pas seulement celle-ci. La Coupe du monde de 1970 fut aussi très mémorable. J'étais un jeune entraîneur et c'était ma première Coupe du monde avec le Brésil. Travailler et vivre cette expérience avec des personnes comme Pelé, Carlos Alberto, Tostao, Rivellino, Gerson, c'était exceptionn­el et très spécial. Mais, bien sûr, l'édition de 1994, avec la pression que nous avions à l'époque vu que nous n'avions plus remporté ce tournoi depuis 24 ans, c'était également unique. Cela a mis beaucoup de pression sur les joueurs et le staff. La presse était très exigeante et nous devions être très forts mentalemen­t pour rester concentrés et essayer de gagner cette Coupe du Monde. 24 ans sans titre c'était trop pour le Brésil. Même une présence en finale n'aurait pas été suffisante. Au final, nous l'avons fait et c'était bien sûr exceptionn­el.

"Sélectionn­eur du Brésil, c'est l'un des métiers les plus difficiles au monde"

Vous avez été sélectionn­eur du Brésil à trois reprises. Ça doit être un métier très stressant, en raison notamment des objectifs élevés qui vous sont assignés.

Oui. Les gens exigent beaucoup de vous, de vos joueurs et de votre staff. Que ça soit l'opinion publique ou la presse, ils n'attendent que les résultats. Ce n'est pas facile et vous devez être très fort mentalemen­t. Vous devez savoir ce que vous voulez pour pouvoir faire face à toutes ces contrainte­s, ces difficulté­s. Vous devez avoir une grande personnali­té pour supporter tout ce stress. Et il est impératif aussi d'avoir de l'expérience, être quelqu'un de mur dans le football. Vous ne pouvez pas démarrer votre carrière de coach avec ce poste-là. Il faut un long parcours auparavant. Et nous voyons cela avec Tite. Il a 57 ans, il s'est préparé et a été entraîneur de nombreuses équipes avant de prendre en main la Seleçao. Donc, il était prêt pour toute cette pression. Parce que c'est un travail très difficile. Peut-être l'un des plus difficiles au monde. Même si je pense que, d'une manière générale, quand vous êtes entraîneur d'une équipe nationale, partout dans le monde, vous avez beaucoup de pression sur vos épaules.

Remporter la Coupe du Monde, c'est le plus grand accompliss­ement qui existe. Pourtant, en dépit de ce titre, bon nombre d'observateu­rs estiment que le Brésil de 1994 n'était pas aussi plaisant à voir que celui de 1982 de Télé Santana. Quand vous entendez ce genre de jugements, estce que cela vous agace ou vous irrite ?

Non, cela ne m'a jamais affecté ou touché. Parce que je suis convaincu que nous avions une très belle équipe. Il ne faut pas comparer les équipes nationales à travers le temps. Il y a des matches où il s'agit de faire du beau jeu, et il y en a d'autres où il s'agit de gagner. C'est un fait que l'équipe nationale brésilienn­e de 1982 avait 4 ou 5 joueurs merveilleu­x comme Zico, Falcao, Socrates, Cerezo ou Eder. Ils étaient de bons joueurs, mais ils n'avaient pas d'équipe. Une équipe compacte, je veux dire. Celle qui peut aussi bien défendre qu'attaquer. Parce que dans un match, il ne s'agit pas seulement d'attaquer. Ou avoir la possession du ballon. Vous devez avoir un équilibre. Vous devez savoir comment faire la part des choses. Et je pense que le grand avantage qu'avait cette équipe de 1994, bien qu'elle n'avait peut-être pas en son sein les meilleurs joueurs de l'histoire du football brésilien, sa grande force c'est que c'était une équipe équilibrée. Elle savait comment défendre et comment attaquer. Vous savez, certaines personnes au Brésil, la presse, ou plutôt une partie d'entre elles, ne font que critiquer. Moi, je sais que ce qui compte c'est la gagne, surtout en Coupe du Monde. En 1994, nous étions sur une période de 24 ans sans la moindre consécrati­on. Il y avait ce besoin de gagner chaque match sans faire d'erreurs, car la moindre erreur peut vous coûter l'éliminatio­n. Et puis, mon avis, c'est que cette équipe a joué un bon football. Elle était très bien organisée derrière, elle savait mettre de la pression sur ses adversaire­s, jouer en contres et aussi récupérer le ballon. On avait des Zinho, Cafu, Branco, Leonardo, tout le monde travaillai­t pour l'équilibre général. Et ils le faisaient à merveille. Ce n'était pas spectacula­ire, ce n'était peutêtre pas une symphonie, mais, encore une fois, en Coupe du Monde, ce qui compte c'est la victoire et éviter au maximum les erreurs. Cette équipe avait parfaiteme­nt conscience de cette tâche et de ce qu'elle devait accomplir. Et c'est pourquoi, elle jouait avec confiance, en étant parfaiteme­nt organisée. Et il y avait aussi un jeu au sol, avec des passes. À la fin, le résultat est que nous avons gagné la Coupe du Monde. Nous n'avons perdu aucun match. Les rencontres étaient parfois lentes, d'autres au rythme plus enlevé. Et lors de certains matches, on n'a pas mis beaucoup de buts mais on avait constammen­t la maitrise. Cette équipe était bien organisée, en particulie­r lorsqu'elle n'avait pas le ballon. C'est ce qui a fait la différence. Et c'est le cas de toutes les équipes brésilienn­es qui ont remporté la Coupe du Monde en 1970, 1994 ou 2002.

Et quelle est la Coupe du Monde, qui vous a laissé le plus de regrets ?

Quand j'étais sélectionn­eur au Moyenorien­t, j'ai constaté que la presse et les journalist­es n'avaient pas le sens de la réalité. Ils pensaient que puisque nous étions là, qualifiés, alors nous pouvions gagner. Après tout, un match c'est onze gars contre onze gars. Mais non, ce n'est pas comme ça dans le football. Combien d'équipes ont remporté la Coupe du Monde ? Très peu parmi 200 pays, surtout que certaines l'ont remporté plusieurs fois. Nous devons donc être réalistes. Pour ces équipes du Moyen-orient et aussi pour l'afrique, être là, participer à l'évènement, c'est déjà grandiose. Donc, pour moi et mes équipes, s'inviter à cette grande fête c'était comme si on avait déjà gagné la Coupe du Monde parce que la compétitio­n est d'un niveau très elevé. Par exemple, je me souviens qu'en 1982 avec le Koweït, nous avons atteint une Coupe du Monde où seules deux équipes africaines participai­ent. Et c'était notre toute première participat­ion. Nous avons alors affronté de grandes nations comme la France et l'angleterre. La différence est énorme entre les petits pays et les autres. Mais vous devez être là. Peut-être qu'en 2006, avec le Brésil, nous avons eu de très bons joueurs et nous pouvions faire plus. Nous avons atteint les quarts de finales, mais nous aurions dû atteindre les demies, la finale et même la gagner. Mais ce n'est pas facile de gagner deux Coupes du monde d'affilée. Seules deux équipes l'ont fait dans l'histoire, l'italie (1934 et 1938) et le Brésil (1958 et 1962).

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