Le Temps (Tunisia)

Que fait vraiment l’iran en Syrie?

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Suite aux frappes aériennes israélienn­es, en avril, contre la base aérienne T-4 en Syrie et la destructio­n d’un F-16 de Tsahal en février, les tensions entre Israël et l’iran n’ont cessé de s’accroître.

Le 26 avril, le secrétaire américain à la Défense James Mattis a évoqué la possibilit­é d’affronteme­nts directs entre les deux pays. Et dans la nuit du 9 mai, des tirs de roquettes effectués depuis la Syrie ont visé des positions israélienn­es sur les hauteurs du Golan, entraînant en réponse des frappes aériennes d’israël sur les infrastruc­tures militaires de l’iran en Syrie. Compte tenu de l’instabilit­é de la situation et du risque croissant d'erreurs de jugement et de confrontat­ions, il est essentiel que les décideurs de Washington aient une meilleure compréhens­ion des objectifs de l’iran en Syrie, qui ne sont pas offensifs, mais visent avant tout à intimider Israël et les autres grandes puissances internatio­nales présentes en Syrie.

Une mauvaise compréhens­ion des intentions stratégiqu­es de l’iran risquerait de mener à une confrontat­ion militaire et à une escalade des violences –surtout suite à la décision du président américain Donald Trump de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien.

Méprise d'israël sur la stratégie iranienne

Plutôt que de provoquer militairem­ent Israël, les actions de l’iran en Syrie visent avant tout à maintenir le gouverneme­nt syrien au sein de «l’axe de la résistance» –alliance regroupant, entre autres, l’iran, la Syrie et le Hezbollah.

L’iran cherche également à établir un certain équilibre des pouvoirs –y compris en matière de dissuasion– avec les autres acteurs régionaux et internatio­naux ayant des intérêts en Syrie. Les récentes actions de l’iran qui pourraient passer pour de la provocatio­n, comme la violation de l’espace aérien israélien par un drone iranien, sont en fait des tactiques destinées à définir des «lignes rouges» et rendre plus coûteuses les interventi­ons d’israël contre l’iran en Syrie. Pour les Israéliens, l’accroissem­ent du potentiel militaire de l’iran est intolérabl­e, car il contrevien­t à leur volonté d’empêcher l’établissem­ent de bases militaires iraniennes permanente­s en Syrie. D’après cette interpréta­tion des événements, l’objectif de la campagne de l’iran en Syrie serait d’accroître sa puissance et ses installati­ons militaires au-delà de ses frontières, afin de détruire Israël.

S’il est vrai que certaines élites iraniennes ont bien cet objectif en vue, cette vision –dominante en Israël– passe néanmoins à côté des véritables objectifs de la présence militaire iranienne en Syrie et se méprend sur les priorités de Téhéran.

La vision israélienn­e ne tient pas assez sérieuseme­nt compte des limitation­s auxquelles l’iran doit faire face en Syrie, notamment la réticence très réelle des gouverneme­nts syrien et russe à l’autoriser formelleme­nt à disposer d’installati­ons militaires à l’intérieur du pays. Elle part du principe que, en raison de sa faiblesse, la Syrie n’a pas son mot à dire dans la manière dont elle gère ses relations avec l’iran, alors que la réalité sur le terrain est beaucoup plus compliquée.

La politique syrienne de l’iran est, à vrai dire, fortement limitée par des intérêts politiques qui le dépassent, et qui impliquent tant la Syrie de Bachar el-assad que la Russie, Israël et la communauté internatio­nale. Or le récit dominant présente simultaném­ent l’iran sous un jour expansionn­iste et belliqueux, mais aussi comme un pays passif qui ne ripostera pas s’il est attaqué. Ces deux perception­s sont potentiell­ement dangereuse­s, surtout si elles sous-estiment les réponses que pourrait apporter l’iran à de potentiell­es attaques militaires.

S’il est vrai que l’iran et ses partenaire­s sont faroucheme­nt anti-israël, entrer en guerre avec l’état hébreu n’est, d’après notre analyse, pas une priorité de l’iran. Il cherche davantage à consolider sa position durement acquise parmi les principaux protagonis­tes du conflit syrien –avec la Turquie, les États-unis et le gouverneme­nt syrien, ainsi que leurs alliés respectifs.

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