Le vote de confiance se révèle être un vrai examen
Dans vingt quatre heures, l’assemblée des représentants du peuple (ARP) se réunira en séance plénière pour recevoir le chef du gouvernement chargé et son équipe, annoncée samedi dernier, pour passer l’examen du vote de confiance des élus de la Nation.
Il faut dire que quelques heures seulement après l’annonce officielle de la formation du gouvernement d’union nationale par Youssef Chahed, le 20août 2016 en fin d’après-midi, un vrai doute s’est instauré laissant planer une incertitude quant à la suite des procédures d’usage pour l’officialisation définitive de l’équipe gouvernementale. En effet, de nombreuses voix se sont élevées pour émettre des réserves quant à la mouture annoncée tout en réclamant, carrément, des modifications de la composition. Cette hypothèse a été renforcée avec le démarrage de nouveaux entretiens à Dar Dhiafa entre Youssef Chahed et les représentants de certains partis politiques.
Le doute s’est, bel et bien, installé, le lundi avec les nouvelles faisant état de sérieuses réserves de presque tous les partis qui parlaient même d’expectative, d’attentisme, de menaces de démissions et autres « chantages » inavoués si leurs revendications ne sont pas suivies de résultats « positifs ». Ainsi, des réunions extraordinaires sont tenues et laissées ouvertes jusqu’à mardi pour une décision finale, notamment chez Nidaa et Afek. Au parti de Hafedh Caïd Essebsi, deux sons de cloches ont été entendus. Celui du fils du président de la République qui soutient le gouvernement tel qu’il a été choisi par M. Chahed, et celui du bloc parlementaire conduit par Sofiène Toubel dont 19 membres auraient même menacé de démissionner Il en était presque de même avec la réunion du Conseil national d’afek Tounès qui a réclamé des changements de la nouvelle équipe tout en gardant la réunion ouverte jusqu’au mardi. Quant à Ennahdha, la réunion de son conseil de la Choura n’a pas été calme dans la mesure où Imed Hammami a eu le feu vert grâce à une seule voix de plus alors que Zied Laâdhari aurait été prié de céder sa place en tant que secrétaire général du parti islamiste.
Sans oublier les réticences à l’égard de l’entrée d’abid Briki, ancien haut responsable de L’UGTT, connu pour son animosité légendaire vis-à-vis du mouvement d’ennahdha. Du coup, une polémique, d’un autre genre s’est déclenchée. Le chef du gouvernement désigné pouvait-il modifier son cabinet ou est-il contraint de le garder tel quel? Or, les avis des juristes se sont avérés bien divergents entre les « pour » et les « contre ». Comme quoi, même les lois se sont avérées malléables, ce qui prouve qu’elles ne sont pas strictes dans le sens où même un seul article peut se prêter à diverses interprétations, parfois contradictoires, comme dans le cas d’espèce. Heureusement que se ressaisissant à temps et écoutant les voix l’avertissant qu’il risquait sa crédibilité avant même d’entamer son mandat, d’où son annonce qu’il n’y aura aucun changement dans la composition de son équipe qui sera présentée vendredi 26 août 2016 L’ARP pour le vote de confiance. Or, cette opération ne sera pas, de l’avis de bon nombre d’analystes et comme on le dit dans le jargon sportif, une promenade de santé, mais elle sera un véritable passage d’examen dont l’issue finale pourrait être serrée. En effet, alors qu’un gouvernement d’union nationale comptant, théoriquement, sur le soutien de près de sept partis politiques, était censée passer allègrement avec un nombre de voix pouvant atteindre les 180, la réalité au bout de la course serait nettement loin de ce chiffre pléthorique.
En regardant de plus près l’évolution des donnes au sein des différentes formations politiques, on constate que la discipline, plus précisément au sein du mouvement d’ennahdha n’est plus la même. La « soumission » des cadres du parti islamiste à son cheikh charismatique n’est plus aussi rigoureuse. On l’a vu lors des tractations pour la formation du gouvernement puisque la candidature d’imed Hammami, défendue par Rached Ghannouchi, n’est passée qu’à une seule voix près.
Il faut dire que le noyau dur conduit par Abdellatif El Mekki n’est plus aussi docile et pourrait jouer de mauvais tours le jour « J » dudit vote surtout que l’entrée d’abid Briki, ennemi juré d’ennahdha, au sein du gouvernement est très mal vue par ce « noyau ». Et d’un ! Chez Nidaa, la situation n’est pas meilleure. Les deux clans de Hafedh Caïd Essebsi et du chef du bloc parlementaire, Sofiène Toubel pourraient bien continuer dans leur petit jeu de règlements de comptes personnels surtout si l’on sait que pas moins de quarante députés avaient signé une pétition en faveur de Saïd El Aïdi pour qu’il soit maintenu au poste de ministre de la Santé. En vain, puisqu’il était combattu par le groupe de HCE. C’est dire qu’un vote hétérogène et « anarchique » pourrait faire son apparition lors de la journée du vendredi. Et de deux ! Le parti Afek Tounès connaît les mêmes dispersions. Yassine Brahim, son homme fort qui s’est retrouvé hors du cabinet gouvernemental, poursuit sa campagne critique contre l’équipe annoncée par Youssef Chahed, son post publié, puis supprimé, sur sa page Facebook, contre Abid Briki en est le meilleur témoin. Toutes ces péripéties ne sont pas encourageantes pour garantir un vote discipliné en faveur du cabinet de M. Chahed. Et de trois ! Toutes ces incertitudes ont amené le nouveau jeune chef du gouvernement à solliciter le soutien de Mohsen Marzouk et du bloc parlementaire d’al Horra qui semble, aussi paradoxalement que cela puisse paraître, comme étant le groupe le mieux discipliné et le plus sûr, en ces moments, pour voter cette précieuse confiance. D’où la suite favorable donnée aux requêtes du chef de Machrou3 Tounès avec l’entrée de Ghazi Jeribi au sein du gouvernement à la tête d’un département régalien, celui de la Justice. Pourtant, connu pour être un homme proche de l’etat des Emirats Arabes Unis, M. Jeribi n’est pas particulièrement bien vu par Ennahdha. Sans oublier la mise à l’écart d’abdelaziz El Kotti qui lorgnait du côté du ministère de l’agriculture avec l’appui de Caïd Essebsi Junior et son clan. Autrement dit, et au vu de tous ces facteurs, la mission de M. Chahed pour d’obtention de la confiance de la part des élus de L’ARP semble assez ardue et complexe, certains observateurs prédisant un passage assez serré alors que l’objectif principal de l’initiative de BCE, en lançant l’idée d’un gouvernement d’union nationale, était d’avoir un cabinet fort pour pouvoir mener, confortablement sa politique et ses réformes socioéconomiques pour une Tunisie se trouvant dans une situation dramatique qui exigeait l’avènement d’un gouvernement de choc.
Est-ce le cas ? N’insultons pas l’avenir et laissons « El Houkouma » s’installer et travailler…
Noureddine HLAOUI