Le Temps (Tunisia)

Sonia Rejeb Guetari, le combat d’une mère courage

- Rym BENAROUS

Sonia Rejeb est une mère tunisienne. Depuis deux ans, elle souffre le martyr. Son coeur saigne car elle est sans nouvelles de son fils Nadhir Guetari, enlevé en Libye en compagnie de Sofiène Chourabi. Ils s’y sont rendus en septembre 2014 dans le cadre d’une enquête journalist­ique, alors que les conflits armés y faisaient rage. Commence alors un infernal supplice pour les familles et amis des deux jeunes hommes. Telle une lionne, elle a décidé de braver tous les dangers et de se rendre là où son fils a été kidnappé pour reconstitu­er son histoire et tenter de le retrouver. Depuis Al-abraq, ville libyenne située à l’est et rattachée à Derna, elle écrira: « Je suis la Tunisie. Je suis l’etat. Je suis le Gouverneme­nt. Je suis la Constituti­on. Je ne vous laisserai jamais tomber Nadhir et Sofiene. C’est une promesse. » Sonia Rejeb aurait préféré vivre dans l’anonymat et ne jamais faire la Une des journaux mais le destin en a décidé autrement. Aujourd’hui, elle se trouve, en compagnie de son mari, sur le territoire libyen. Elle se déplace d’un endroit à un autre avec précaution mais surtout avec témérité, bien décidée à ne pas lâcher, tendant la main à tous ceux qui voudraient bien l’aider.

Elle a d’ailleurs lancé un appel à ceux qui détiennent des informatio­ns sur place pour l’aider dans ses recherches. Lasse d’attendre des réponses à ses questions et à ses craintes de mère consumée par la douleur, elle est partie à la recherche de la vérité, aussi amère soit-elle. Qu’est-il arrivé à Nadhir et Sofiene? Quelqu’un le sait-il ? A ce sujet, le gouverneme­nt tunisien s’est depuis longtemps emmuré dans un silence de plomb, un silence assourdiss­ant. En janvier 2015, Daesh avait annoncé l’exécution des deux journalist­es. Une informatio­n démentie peu de temps après par Najem Gharsalli, ministre de l’intérieur à l’époque. Or, quelques temps après, le site libyen Bawabat Al Wassat révélera qu’un responsabl­e du ministère libyen de la Justice a confirmé la mort d’une équipe de la chaîne Barqa TV et des deux journalist­es tunisiens.

Entre temps, plusieurs rumeurs circuleron­t, de la Tunisie à la Libye, assurant parfois que les deux jeunes hommes sont sains et saufs ou encore faisant état de leur détention par des milices armées ou même évoquant le pire… Plus que la vérité en elle-même, c’est ce doute qui écrasera à petit feu le coeur de tous les proches et amis de Nadhir et Sofiène. C’est ce même doute qui rongera les deux mères et qui poussera l’une d’entre elles à se rendre en Libye pour tenter de mettre fin à ce calvaire. Réussira-t-elle là où les deux pays ont failli durant deux ans ? Saura-t-elle jamais ce qu’il est advenu de la chair de sa chair? Reviendra-t-elle saine et sauve de ce saut dans le vide, de ce périlleux voyage au bout de l’incertitud­e, dans un pays chaotique, divisé entre autorité officielle et force rebelle? Jusqu’où ira cette mère courage dans sa quête de la vérité? Elle qui avait ému les Tunisiens en brandissan­t, à l’avenue Habib Bourguiba, le linceul blanc de son fils ou encore en lui achetant des vêtements neufs à l’occasion de l’aïd alors qu’elle était sans nouvelles de lui depuis des mois, triomphera-t-elle du black-out entourant le dossier Guetari-chourabi et percera-t-elle à jour la vérité? Sonia Rejeb qui a redéfini le mot « courage » goûtera-t-elle de nouveau, un jour, au sentiment de paix intérieure? C’est tout le mal que nous souhaitons à cette mère courage !

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