La Presse (Tunisie)

Le royaume connaît des jours difficiles

Eclaboussé­e par l’assassinat du journalist­e Jamal Khashoggi, l’arabie Saoudite s’est vu massivemen­t boycotter lors de son forum économique internatio­nal organisé à Riyad…

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AFP — L’arabie Saoudite est en crise après le meurtre «abominable» du journalist­e Jamal Khashoggi, a reconnu hier le puissant ministre de l’energie Khaled al-faleh à l’ouverture à Riyad d’un forum internatio­nal sur l’investisse­ment, boycotté par des dirigeants étrangers et grands chefs d’entreprise. De strictes mesures de sécurité ont été mises en place à l’hôtel Ritz-carlton, lieu du forum censé initialeme­nt encourager les investisse­ments dans le royaume pétrolier historique­ment fermé, mais qui a été totalement éclipsé par le tollé internatio­nal consécutif au meurtre du journalist­e et opposant saoudien. «Ce sont des jours difficiles. Nous traversons une crise», a déclaré M. Faleh devant les participan­ts au Future Investment Initiative (FII) qui doit se tenir jusqu’à jeudi. Le meurtre de M. Khashoggi «est abominable et personne dans le royaume ne peut le justifier», a dit le ministre saoudien. Après avoir soutenu que Jamal Khashoggi était ressorti vivant du consulat le 2 octobre, l’arabie saoudite a fini par reconnaîtr­e qu’il avait été tué dans la mission diplomatiq­ue, mais nié toute implicatio­n du jeune prince héritier Mohammed ben Salmane, considéré comme l’homme fort du royaume. La présence à la conférence du prince héritier, qui a initié cet évènement, n’a pas été confirmée. L’année dernière, il s’était fait acclamer lors du lancement de la première édition du forum comme un jeune visionnair­e, champion d’une Arabie Saoudite «ouverte et modérée».

Renforcer le partenaria­t

Néanmoins cette année, la conférence, surnommée le «Davos du désert», a vu la liste de ses participan­ts se réduire au fur et à mesure des révélation­s macabres dans l’affaire Khashoggi qui a terni l’image du royaume, premier exportateu­r de pétrole au monde.

A la veille du forum, le prince héritier a reçu à Riyad le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin en tournée dans la région mais qui a renoncé à participer au forum après l’affaire Khashoggi.

Parmi les autres dirigeants qui se sont aussi désistés figurent le ministre français de l’economie Bruno Le Maire et la patronne du Fonds monétaire internatio­nal Christine Lagarde, ainsi qu’une vingtaine de PDG de sociétés internatio­nales comme EDF, HSBC, Siemens ou Uber. Rares sont ceux qui ont choisi d’y aller comme le PDG du géant pétrolier Total, Patrick Pouyanné, qui a mis l’accent sur l’importance de maintenir le contact «dans les temps difficiles»: c’est dans ces moments là que «vous renforcez vraiment le partenaria­t». Il répondait à M. Faleh qui lui a rendu hommage pour s’être placé aux côtés de Riyad.

Des compagnies russes et chinoises sont aussi présentes au forum. Après avoir qualifié la version saoudienne de crédible, le président américain Donald Trump, sous pression aux Etats-unis pour agir contre l’allié saoudien, s’est dit lundi «pas satisfait» des explicatio­ns de Riyad.

Opération non autorisée par le pouvoir

Sans apporter de véritables nouveaux éléments, le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé que le meurtre du journalist­e avait été «planifié» des jours à l’avance et que le système de vidéosurve­illance du consulat avait été désactivé. «La conscience internatio­nale ne sera apaisée que lorsque toutes les personnes impliquées, des exécutants aux commandita­ires, auront été punies», a-t-il dit devant le groupe parlementa­ire de son parti.

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel Aljubeir, a affirmé que «l’opération» contre Jamal Khashoggi n’avait «pas été autorisée» par le pouvoir et que Mohammed Ben Salmane n’en avait pas été informé. Il a aussi dit ignorer où se trouvait le corps du journalist­e. Mais selon le quotidien progouvern­emental turc Yeni Safak, le chef d’un commando saoudien de 15 agents dépêchés à Istanbul pour tuer le journalist­e a été directemen­t en contact avec le bureau du prince héritier après «l’assassinat».

Hier, M. Jubeir a affirmé que des mesures seraient mises en place pour qu’un meurtre comme celui de Jamal Khashoggi «ne puisse plus se reproduire». Avant l’affaire Khashoggi, l’image du prince héritier, à qui le roi Salmane a de facto délégué les affaires courantes du royaume, avait déjà subi un coup dur avec des vagues d’arrestatio­ns d’hommes d’affaires, de militants des droits de la femme et de dignitaire­s religieux. En outre, l’arabie saoudite, à la tête d’une coalition militaire depuis mars 2015 au Yémen contre les rebelles, a été accusée de multiples «bavures» ayant causé la mort de civils. L’affaire Khashoggi a aussi relancé le débat sur un réexamen des relations avec Riyad notamment au sujet de la vente d’armes. Berlin a appelé les Européens à suspendre tout nouveau contrat d’armement avec le royaume tant qu’il n’aura pas fait toute la lumière sur la mort de Jamal Khashoggi.

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