La Presse (Tunisie)

Une exposition multimédia contre l’oubli

- Olfa BELHASSINE

«Les voix de la mémoire», qui a été présentée à Tunis le mois dernier, au Club Tahar-haddad, est un projet du Centre internatio­nal pour la justice transition­nelle (Ictj) en Tunisie, l’université de Birmingham et Museum Lab. L’exposition s’ouvre à la Basilique romaine du Kef aujourd’hui.

L’exposition «Les voix de la mémoire» cherche à transcrire à travers des expression­s artistique­s ludiques, multimédia et contempora­ines une Histoire, qui tarde à être consignée. Celle des femmes victimes de la répression au temps de l’ancien régime. Une mémoire qui reste encore confinée dans la confidenti­alité des récits personnels. Ce défi pousse des femmes, parmi lesquelles figurent d’anciennes victimes, à se pencher sur cette problémati­que. Tout commence en janvier 2017. Neuf femmes sont invitées par le Centre internatio­nal pour la justice transition­nelle (Ictj) et l’université de Birmingham à participer en Angleterre à une rencontre. Les discussion­s explorent alors les pistes de travail sur ce passé des violations des droits humains, qu’elles portent toujours vivace en elles, dans la douleur et les larmes et sur la nécessité de le partager, de le raconter et de le dévoiler pour éviter son recommence­ment. C’est ainsi qu’émerge un thème fédérateur, celui de la «Koffa», le couffin de nourriture préparé par les épouses ou par les mères et transmis à un mari ou à fille militante emprisonné­s dans les geôles de la dictature.

Le couffin, symbole d’amour et de résilience

Au fil des mois et des ateliers qui se poursuivro­nt à Tunis le long d’une année en associatio­n également avec Museum Lab, «El Koffa», objet banal du quotidien, démontre toute la force des émotions qui l’accompagne­nt. Symbole d’amour et de résilience face à la répression, cette «Koffa» incarne aussi un fardeau économique pour les femmes, qui n’ont pas toujours les moyens financiers nécessaire­s pour remplir ce panier des mets préférés du prisonnier(ière). Le couffin exige surtout de celui qui le porte de traverser une course d’obstacles : longueur du trajet, file d’attente devant la prison, fouilles, réprimande­s, humiliatio­ns…

Les drames, épreuves et histoires vécues par les participan­tes à ce projet ont servi de matière de base aux artistes, aux sculpteurs, aux photograph­es, aux artistes visuels, pour construire un parcours muséograph­ique autour des «Voix de la mémoire».

Lieu d’histoire vivante, «Les voix de la mémoire» ressuscite un vécu complexe à travers les scénograph­ies de Marouen et Taïeb Jallouli, la lumière d’ahmed Bennys, les créations sonores de Wissam Ziadi et les oeuvres contempora­ines réalisées par Wiem Haddad, Salma Wahida, Abdesslam Ayed, Mohamed Ben Slama, Nabil Saouabi, Lasaad Ben Sghaïer et Najah Zarbout.

Le projet se dévoile au visiteur par l’instrument d’une scénograph­ie qui restitue, dans une ambiance dominée par l’enfermemen­t, ce pénible parcours du combattant au fil d’espaces dédiés à la fouille, au parloir, à l’airai et aux adieux. A la fin de la visite guidée par des médiateurs, une salle de réflexion et de témoignage­s est prévue pour accueillir d’autres récits et d’autres histoires. Mais «Les voix de la mémoire», ne s’arrête pas à l’exposition qui s’est ouverte à Tunis le 22 septembre, se déplacera au Kef du 20 au 27 octobre et partira, ensuite, à Sfax du 24 novembre au 2 décembre et, enfin, à Redeyef, du 15 au 22 décembre et se poursuivra à travers une visite virtuelle non moins passionnan­te. Trois autres volets sont prévus : la publicatio­n d’une BD, très bientôt, la sortie d’un livre en décembre et la diffusion de podcasts radiophoni­ques dans les jours qui viennent.

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