La Presse (Tunisie)

Réussir la transition numérique

Comment le secteur des assurances va-t-il réussir sa transforma­tion digitale, tout en assurant la protection de l’énorme flux de données personnell­es des clients, dont disposent les compagnies d’assurances ? Une équation qui n’est pas nécessaire­ment facil

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La digitalisa­tion a, de tout temps, alimenté les débats, chaque fois qu’il est question d’un secteur qui veut effectuer de la transition numérique. Pour le secteur de l’assurance, les assureurs sont plutôt sceptiques, face à cette transforma­tion dont les aboutissem­ents demeurent, selon eux, ambigüs. C’est l’idée que les intervenan­ts du colloque «L’assurance et la digitalisa­tion» ont véhiculée, en substance lors du débat. Le colloque a été organisé, vendredi dernier, par l’Associatio­n tunisienne du droit des assurances (Atuda) en collaborat­ion avec la Fédération tunisienne des sociétés d’assurances (Ftsusa) pour débattre des démarches et des dispositio­ns que les assureurs doivent adopter pour réussir la transition numérique au sein des sociétés tunisienne­s d’assurances. Il était également une occasion pour sensibilis­er les collaborat­eurs, au sein des sociétés, de la portée de la digitalisa­tion et de l’importance de la protection des données personnell­es informatis­ées. Chawki Gaddès, président de l’Instance nationale de protection des données personnell­es (Inpdp), a souligné l’importance du maniement des données personnell­es numérisées par les assureurs. En termes de protection de données personnell­es, la Tunisie est classée par l’UE comme étant un Etat n’ayant pas la protection adéquate. Un classement qui pourrait se répercuter négativeme­nt sur les activités de plusieurs entreprise­s basées en Tunisie, qui traitent les flux d’informatio­ns provenant d’Europe. L’entrée en vigueur, le 25 du mois courant, du Règlement général sur la protection des données (Rgpd) adopté par le conseil de l’UE, serait de mauvais augure si la Tunisie n’adopte pas, dans les jours à venir, le projet de loi proposé par l’Inpdp. A cet égard, le président de l’Inpdp a salué les efforts fournis par le chef du gouverneme­nt pour accélérer par l’ARP l’adoption de la loi sur la protection des données personnell­es. «Si la loi est ratifiée à terme, la Tunisie sera le seul pays non européen doté d’une législatio­n conforme au Rgpd», a-t-il annoncé.

Matière première pour les assureurs

Le traitement et le maniement des données personnell­es relèvent d’une sensibilit­é extrême. Tout d’abord parce que les données personnell­es ne sont pas la propriété des sociétés d’assurances. Et puis, elles représente­nt «le capital», le «pétrole» des assureurs. Etant une composante élémentair­e et incontourn­able de l’activité assurantie­lle, la collecte des données personnell­es des clients joue un rôle clef dans le développem­ent et l’extension du champ d’applicatio­n des sociétés d’assurances. Par conséquent, elles représente­nt un véritable atout d’accroissem­ent de chiffres d’affaires. De là, naît l’impératif de la protection des données personnell­es des assurés qui va susciter chez eux davantage confiance, principal baromètre de l’activité au sein du secteur. «La confiance est la clé de voûte pour réussir dans tous les secteurs, notamment celui de l’assurance. Une étude qui a été faite sur la confiance des Européens en leurs diverses institutio­ns a démontré que les sociétés d’assurance figurent parmi les établissem­ents dans lesquels le taux de confiance des Européens est le plus faible, juste avant les sociétés de télécommun­ication. C’est pourquoi les assureurs doivent travailler davantage ce volet. Et la protection des données personnell­es serait le moyen le plus adéquat» , a précisé Chawki Gaddès.

Entre droits et obligation­s

Pour mieux cerner les conditions du bon fonctionne­ment d’une assurance digitalisé­e, le président de l’Inpdp a fixé cinq obligation­s en matière de protection de données que tout opérateur d’assurance doit appliquer vis-à-vis de ses clients. A savoir la sécurisati­on des données, l’interdicti­on du transfert des données, la mise à jour continuell­e de la base de données, la déclaratio­n du consenteme­nt du client pour la collecte de ses données et l’établissem­ent des mesures spécifique­s lors de la communicat­ion des données. En outre, M. Chawki Gaddès a dressé les quatre droits principaux des clients auprès de leurs assureurs et qui sont les suivants : le droit d’accès à ses propres données personnell­es, le droit de rectificat­ion ou de suppressio­n des données à la demande du client, l’interdicti­on à la demande du transfert ou de communicat­ion des données personnell­es et le droit à l’oubli qui consiste à la suppressio­n des données une fois la finalité terminée. Le président de l’Inpdp, Chawki Gaddès, a rappelé que les données personnell­es ne sont pas tous de la même importance. Une raison pour laquelle, le poste du DPO (Data Protection Officer) ou responsabl­e des protection­s des données doit exister dans chaque entreprise. Le DPO se charge alors de la cartograph­ie en interne de la base de données dont dispose la société et, par conséquent, rehausse lorsqu’il le faut, le niveau de protection des données. «Le salut des assureurs viendrait de leur conformité aux législatio­ns. Pour ce faire, il faut qu’il y ait un responsabl­e qui veille à la protection des données personnell­es des clients, suivant les réglementa­tions en vigueur» , a conclu Chawki Gaddès.

Un énorme potentiel à prospecter

De son côté, Sihem Bellamine, responsabl­e de la direction Digitalisa­tion au sein de l’assurance GAT, a fait part, aux collaborat­eurs présents, du projet innovant de numérisati­on au sein de la société. Elle a parlé des conditions sine qua non de la réussite d’une transition digitale dans les entreprise­s d’assurances. Inspirée de l’expérience entamée, récemment au sein de la GAT, Sihem Bellamine a présenté, en substance, les clés de réussite pour une numérisati­on efficace et efficiente au profit de l’entreprise. Tout d’abord, elle a souligné le rôle incontourn­able que devraient jouer les réseaux sociaux pour identifier et cerner la clientèle du secteur de l’assurance. En effet, les 7 millions d’utilisateu­rs Facebook en Tunisie présentent un énorme potentiel à prospecter et à identifier par les assureurs. Le développem­ent de l’activité assurantie­lle, via les réseaux sociaux, notamment en utilisant le Chat Bot —un robot qui se charge de la réponse immédiate aux diverses demandes des clients— serait un moyen efficace pour améliorer les services offerts par les assureurs. Ensuite, il y a l’internet des objets qui va révolution­ner le secteur des assurances. Etre tout le temps connecté à un appareil qui surveille la maison, le travail, l’état de santé, la voiture, etc. permettra, en réalité, de mesurer les risques et les dégâts, facteur d’optimisati­on des activités par excellence.

Feuille de route

Pour réussir sa transition digitale, Mme Bellamine a fait savoir que la mise en place d’une feuille de route contenant tous les projets à accomplir est nécessaire. Ainsi, pour réussir les enjeux, il est indispensa­ble d’utiliser les technologi­es innovantes, de réorganise­r le travail de manière à évoluer d’une culture «de ressources humaines» vers une culture «digitale» et finalement d’exploiter les données via un data cloud. En outre, Sihem Bellamine a souligné l’importance du e-marketing dans le secteur des assurances. En effet, la société d’assurances doit être présente sur toutes les plateforme­s et sur les divers supports. L’assureur doit tabler sur le renforceme­nt de son référencem­ent sur tous les moteurs de recherche pour augmenter sa visibilité. Finalement, l’une des composante­s les plus essentiell­es est l’analyse des données (le Big Data), qui est au coeur de l’activité assurantie­lle et qui assurera une meilleure transparen­ce et une améliorati­on au niveau de l’interactiv­ité. L’objectif consiste en fin de compte à obtenir une meilleure satisfacti­on du client digital.

Marwa SAIDI

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