Manoeuvres à l’approche d’échéances cruciales
Cela faisait depuis 1996 que le parlement de l’OLP — le Conseil national palestinien — ne s’était pas réuni... Il l’a fait enfin cette semaine, dans un contexte marqué par un agenda diplomatique des plus chargés, avec notamment le transfert, prévu dans qu
Cela faisait depuis 1996 que le parlement de l’OLP — le Conseil national palestinien — ne s’était pas réuni... Il l’a fait enfin cette semaine, dans un contexte marqué par un agenda diplomatique des plus chargés, avec notamment le transfert, prévu dans quelques jours, de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, à Al Qods !
Le paysage palestinien est marqué depuis plus d’un mois et demi par les scènes de morts et de blessés qui nous viennent de Gaza, à la frontière d’Israël. Les vendredis en particulier amènent leur lot de victimes, quand les jeunes participants à la «Grande marche du retour» vont défier les soldats israéliens de l’autre côté de la zone de séparation... Depuis le 30 mars dernier, date de début de la manifestation, ce sont quelque 49 Palestiniens qui ont trouvé la mort par des tirs israéliens et les blessés se comptent par centaines... Pour la seule journée de vendredi dernier, rapporte l’AFP, on dénombrait selon les autorités sanitaires de Gaza pas moins de 170 blessés, dont 69 ont été traités à l’hôpital et 101 sur place. Pour autant, ce sont les dérapages verbaux de Mahmoud Abbas qui ont fait la Une de la presse mondiale, provoquant une levée de boucliers et des accusations d’antisémitisme relayées à partir d’Israël vers les capitales de nombreux pays occidentaux. Devant le parlement de l’OLP réuni, le président palestinien s’était laissé aller, lundi dernier, à des considérations relatives aux raisons pour lesquelles les Juifs ont été persécutés en Europe pendant des siècles et il suggérait que ce n’était pas en raison de leur religion mais en raison de leurs fonctions sociales. Ce qui faisait référence essentiellement à leur activité bancaire et à la pratique de l’usure: un thème de prédilection, c’est vrai, pour toute une rhétorique raciste qui a marqué, durant la première moitié du siècle dernier, l’élite politique et intellectuelle de tendance nationaliste en Europe. Redonner vie à ce genre d’analyses n’était certes pas très adroit, mais ne signifiait pas que le président palestinien reprenait à son compte les mesures extrêmes qui ont été prises contre les Juifs dans le prolongement de cette rhétorique antisémite... On peut partager un certain diagnostic tout en désapprouvant fermement ce à quoi il a servi comme prétexte.
Des excuses après la tempête
Mais la presse occidentale n’était manifestement pas encline à faire preuve de sens de la nuance, et encore moins d’indulgence, envers le vieux président palestinien de 83 ans, principal successeur de Arafat en tant que leader palestinien... Dans un article du New York Times, l’auteur l’accuse d’antisémitisme en renvoyant à des écrits datant des années 80 et présentés comme négationnistes... Il suggère que le président palestinien a perdu toute légitimité pour jouer le rôle de partenaire dans de futures négociations de paix... Au vu de la tempête médiatique que ses propos ont provoquée, Mahmoud Abbas a présenté des excuses en soulignant qu’il a été mal compris. Dans un communiqué, il a rappelé sa condamnation de l’antisémitisme «sous toutes ses formes» et a évoqué l’holocauste comme «le plus odieux des crimes de l’Histoire». Cela s’est passé vendredi dernier, au terme de la réunion du Parlement de l’Organisation de libération de la Palestine... Réunion qui, elle aussi, a fait les frais de l’incident verbal, puisqu’elle est passée largement inaperçue. Cela faisait pourtant 22 ans que le Parlement de l’OLP ne s’était pas réuni. Cette réunion a permis à Mahmoud Abbas d’être reconduit en tant que président de l’Etat par le Comité exécutif, dont les membres ont été renouvelés à l’occasion. Mais il a surtout permis de faire le point sur la politique à adopter au vu des importantes évolutions qui ont marqué le dossier palestinien ces derniers temps, avec le double revirement de l’administration américaine autour de Jérusalem — que cette dernière reconnaît désormais comme capitale d’Israël — et de l’aide aux réfugiés, pour laquelle elle a décidé une baisse drastique de ses contributions. On sait que ce revirement avait amené Mahmoud Abbas à déclarer que les EtatsUnis avaient perdu leur rôle de parrain d’un éventuel processus de paix... Sa position nouvelle s’était exprimée presque dans la foulée de la décision de Trump au sujet de Jérusalem.
Une unité en attente, mais pas de conflit ouvert...
Ce qu’il convient également de retenir de cette réunion de l’OLP, c’est que sur les 15 membres qui forment l’actuel conseil exécutif de l’organisation, 9 sont nouveaux. D’autre part, 3 sièges sont restés vacants et sont censés revenir aux organisations qui ont boycotté la réunion, soit le Hamas, le Jihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine... Des critiques émanant de ces parties laissent entendre que la réunion de ce début de semaine a surtout servi à Abbas à protéger ses intérêts et à maintenir une politique perçue par elles comme contraire à la cause palestinienne. La décision, en outre, de l’organiser à Ramallah, en Cisjordanie, est vue comme une manière d’écarter les Palestiniens recherchés par Israël, car ils auraient été mis dans l’impossibilité de se rendre sur les lieux de la réunion. Enfin, on notera au sein du parlement de l’OLP un durcissement de la position à l’égard d’Israël, puisque cette instance appelle désormais à revenir sur les accords d’Oslo et à suspendre la reconnaissance de cet Etat... Bref, à l’approche de la date désormais fatidique du 15 mai, on observe que l’unité interpalestinienne demeure toujours à réaliser, sans qu’il y ait toutefois de conflit ouvert entre les deux principales composantes de l’OLP que sont le Fatah et le Hamas. En revanche, un certain activisme autour de la cause palestinienne est à nouveau à l’ordre du jour : à Gaza, populaire et de terrain, autour de la «Grande marche de retour» et à Ramallah, autour du patriarche Abbas et de son équipe, plus politique et diplomatique... Les élections générales, dont il avait pourtant été question il y a quelque temps et qui seules pourraient conférer une légitimité nouvelle au pouvoir, aussi bien en Cisjordanie qu’à Gaza, attendent apparemment que le ciel s’éclaircisse : on en reparlera !