Réconciliation, renouveau
«LE 20 mars, c’est tout simplement ma marque préférée de cigarettes» ! La formule, crue, peut choquer. Il n’en demeure pas moins qu’elle traduit un profond malaise. Nous partageons bien sûr l’optimisme de la grande et éclairée militante Fawzia Charfi quand elle écrit, dans ces mêmes colonnes, « il y a un visage de la Tunisie peu visible et peu valorisé, celui des jeunes dont les parcours de vie donnent l’espoir. Ces jeunes nous montrent un des chemins possibles pour l’avenir. Peut-être qu’encore une fois, le futur sera le fruit de l’amour des ‘‘jeunes Tunisiens’’ pour leur pays et leur sens de la responsabilité ». Toutefois, l’on est forcé de relativiser cet optimisme quand, interrogé sur ce que représente pour lui la date du 20 mars, un jeune lycéen de 17 ans d’El Mourouj nous gratifie le plus normalement du monde et sans nulle intention de provocation de la formule évoquée quelques lignes plus haut. Dans toute sa spontanéité, cette réaction est symptomatique d’une jeunesse sans repères, inquiète pour son avenir. La «galère», pour cette jeunesse, c’est d’abord un flottement dans les buts, une oisiveté dans les actes. Les voies traditionnelles d’intégration ne fonctionnant plus, les jeunes réagissent selon une logique d’exclus. Ce n’est pas seulement de la représentation politique dont les jeunes sont absents et exclus, mais de presque tous les centres de réflexion, de consultation et de décision. L’avenir— le leur— se prépare et se modèle sans eux. Il n’y a guère que dans les terribles statistiques sur la délinquance qu’ils sont présents.
Nous célébrons aujourd’hui la fête de l’Indépendance et c’est une grande occasion pour repenser nos rapports aux jeunes.
Dépositaires de l’avenir, ils devront en effet être non seulement activement impliqués dans les choix qui engagent l’avenir — mais aussi être plus que familiarisés, en prise directe avec les mécanismes, les rouages institutionnels et la décision politique. La responsabilisation des jeunes et leur constante sensibilisation aux enjeux de l’avenir vont de fait de pair avec le développement auprès d’eux et chez eux d’une pédagogie des institutions et de la chose publique. C’est seulement ainsi que nous serons en mesure et en droit d’attendre que la jeunesse soit une véritable force d’impulsion et de construction.
C’est seulement de la sorte, c’est-à-dire en développant cette pédagogie, cette écoute attentive et cette culture du partage que nous pouvons espérer canaliser la force de frappe d’une jeunesse avertie et responsable, engagée et imbue des plus hautes et nobles valeurs. Il s’agit en somme de réconcilier la jeunesse avec son environnement. Une réconciliation aussi essentielle que la réconciliation politique, globale, que le président de la République appelle de ses voeux. Le renouveau de la Tunisie, sa deuxième grande indépendance, ne sera possible qu’à travers une Tunisie complètement réconciliée, qui intègre tous ses enfants et qui dépasse les vieilles querelles du passé pour regarder ses défis d’avenir avec confiance et détermination.