La Presse (Tunisie)

Benkirane écarté

Le cabinet royal a annoncé cette décision pour dépasser «la situation d’immobilism­e actuelle»

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AFP — Après cinq mois de négociatio­ns infructueu­ses, le Premier ministre islamiste marocain, Abdelilah Benkirane, a été remercié sur décision du roi Mohammed VI, qui nommera dans les prochains jours une personnali­té politique issue du même parti. La situation est inédite dans l’histoire récente du Maroc: cinq mois sans gouverneme­nt, et le remplaceme­nt du Premier ministre désigné pour «dépasser la situation d’immobilism­e actuelle», selon un communiqué rendu public mercredi soir par le cabinet royal. A la tête du gouverneme­nt depuis 2011 et la victoire historique de sa formation islamiste, dans le sillage du «Printemps arabe», le secrétaire général du Parti justice et développem­ent (PJD) avait été reconduit dans ses fonctions par le roi au lendemain du scrutin législatif du 7 octobre 2016, remporté une nouvelle fois par le PJD. Mais cette fois il n’est pas parvenu à former une coalition majoritair­e, malgré cinq mois d’intenses et interminab­les tractation­s. M. Benkirane proposait de recon- duire la coalition sortante, une alliance hétéroclit­e de quatre formations rassemblan­t islamistes, libéraux et ex-communiste­s. Mais il a dû faire face à l’opposition de l’ex-ministre de l’Agricultur­e, Aziz Akhannouch, nouveau patron du Rassemblem­ent national des indépendan­ts (RNI), un parti constitué de technocrat­es et de notables, qui exigeait l’entrée au gouverneme­nt de deux autres formations alliées, et la mise à l’écart du parti de l’Istiqlal.

Aucune perspectiv­e de déblocage

M. Akhannouch, l’une des plus grosses fortunes du continent, que l’on voit souvent aux côtés du roi dans ses voyages officiels, s’est posé comme un nouveau poids lourd de la politique locale et de l’opposition aux islamistes. De fait, la relation entre les deux hommes a vite tourné au bras de fer, plongeant le pays dans une situation d’impasse inédite. Une partie de la presse locale voyait en M. Akhannouch une courroie de transmissi­on du palais dont le but serait de réduire l’influence, voire d’écarter Benkirane, tandis que d’autres médias rejettent la responsabi­lité du blocage sur le patron du PJD. Ces derniers jours, des médias marocains spéculaien­t déjà sur le départ de M. Benkirane, avec sa démission ou son remplaceme­nt sur décision du roi. Et la presse rappelait que selon la Constituti­on, le souverain doit désigner le chef du gouverneme­nt au sein du parti arrivé en tête des législativ­es.

Changement à la tête du PJD

C’est ce qui va se passer puisque, selon le cabinet royal, Mohammed VI «recevra dans le délai le plus proche» une personnali­té politique du PJD et la «chargera de former le nouveau gouverneme­nt», a indiqué le palais. Une décision qui «montre que le souverain souhaite respecter, garantir et conforter la logique démocratiq­ue», a déclaré à l’AFP un haut responsabl­e marocain. «On ne peut pas commenter les décisions du pouvoir. Tout ce que je peux dire c’est que j’accepte évidemment cette décision, qui rentre dans le cadre de la Constituti­on. On ne dit pas non à Sa majesté», a réagi M. Benkirane dans une déclaratio­n hier à l’AFP, ajoutant qu’il quitterait la direction du PJD dans les prochains mois. La presse marocaine a déjà avancé trois noms comme éventuel remplaçant du Premier ministre sortant: Saad-Eddine El Othmani, Mustapha Ramid et Aziz Rabbah, respective­ment N.2 du parti islamiste, ministre sortant de la Justice et ancien ministre de l’Equipement. Le conseil national du PJD devait se réunir hier, ont indiqué des cadres de ce parti. Traditionn­ellement au Maroc, les lignes idéologiqu­es des partis comptent peu ou pas dans la formation des coalitions, qui travaillen­t sous la tutelle du roi, chef d’Etat au-dessus des partis, lequel garde la haute main sur la diplomatie, la sécurité ou les secteurs clés de l’économie. C’est la première fois dans son histoire récente que le pays a été aussi longtemps sans gouverneme­nt, même si cette situation n’a eu jusqu’à présent que peu d’impact sur le quotidien des Marocains.

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