Le spectre du Frexit plane
Les présidentielles françaises approchent tambour battant et les marchés internationaux suivent de près la campagne de chaque candidat et surtout ses orientations économiques. Si la candidature du centriste Emmanuel Macron rassure, la présence d’une Marine Le Pen et à un moindre degré d’un François Fillon ou d’un Jean-Luc Mélenchon laisse planer le doute. En effet, c’est la candidate du Front National qui s’est évidemment saisie du succès du Brexit pour nourrir sa propre critique de l’UE. Marine Le Pen a, en effet, promis que si elle arrivait au pouvoir, elle organiserait dans les six mois un référendum sur le ‘Frexit’. De son côté, le leader du Parti de Gauche, M. Mélenchon, et ses fameux «Plans A et B» ainsi que Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) ont également plaidé en faveur d’un référendum. En revanche, le programme thatchérien de François Fillon et sa proximité avec Vladimir Poutine font que l’idée d’un Frexit n’est pas à exclure.
Fillon et son «Frexit des droits de l’homme»
D’ailleurs, le candidat des Républicains pour l’élection présidentielle de 2017 avait déjà proposé un autre type de Frexit. Il s’agit de faire sortir la France de la Convention européenne des droits de l’homme, une convention issue du Conseil de l’Europe (organisation internationale indépendante de l’Union européenne). Une telle annonce a poussé la juriste Stéphanie Hannette-Vauchez à publier une tribune sur le site du quotidien Libération intitulée «Le Frexit des droits de l’homme?» (parue le 24/11/16). La même interrogation, on peut, également, la trouver dans la tribune du député des Français à l’étranger et membre de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, Pierre-Yves Le Borgn, dans la section Blog de la version française du Huffington Post, en titrant : «En menaçant de quitter la Cour européenne des droits de l’homme, François Fillon prépare-t-il un Frexit?» (tribune parue le 01/12/16). Ces indicateurs ont laissé l’analyste Simon Usherwood, spécialiste de l’euroscepticisme, voir dans le pays de Charles de Gaulle l’État européen «le plus susceptible» de suivre le pas du Royaume-Uni, selon une interview diffusée sur Euronews. «Le pays où l’on verra le plus fort mouvement eurosceptique sera la France», prévoit-il. “Marine Le Pen est très bien placée pour la présidentielle. Si vous regardez les deux principaux partis en France, aucun des deux n’est en forme. François Hollande a beaucoup déçu les électeurs de gauche. L’adversaire le plus crédible face à Marine Le Pen serait Nicolas Sarkozy, qui revient pour redonner de l‘énergie au centre-droit mais cela ne marque aucun renouveau”, ajoute-t-il. Simon Usherwood lui pense que l’histoire ne s’arrêtera pas là : «Même s’il n’y a pas d’autre référendum sur la sortie de l’UE à l’issue de la présidentielle de 2017, pendant les 5 ou 10 années suivantes, il y aura davantage de pression sur les pays pour suivre sur cette voie, en particulier si le Royaume-Uni se porte bien en dehors de l’UE» .
Après Londres, Paris et Amsterdam suivront, prédit Soros
C’est le cas aussi avec le milliardaire américain George Soros, qui a prédit que Paris et Amsterdam seraient les prochaines capitales à quitter le club des 28, lit-on dans une analyse de Martin Strydom intitulée «Get ready for Frexit and Nexit in damages Europe, says Soros» et publiée, le 27 juin 2016, sur les colonnes du quotidien britannique The Times. La faible croissance (1,1% sur l’ensemble de l’année 2016), le manque de réformes et des investissements au ralenti ne peuvent donner des ailes au risque politique et par conséquent alimenter davantage l’idée d’un Frexit, même si l’opinion est légèrement contre une telle idée: seulement 47% des Français sont pour le Frexit , selon un sondage réalisé par la fondation allemande Bertelsmann-Stiftung et rendu public le 27 novembre 2016. Enfin, selon un article publié le 23 février 2017, sur 24hgold.com et intitulé «La possibilité d’un Frexit alarme les marchés», l’économiste Charles Sannat souligne que la dette française (2 160,4 milliards d’euros, soit 97,6% du PIB tricolore à la fin du troisième trimestre 2016-Ndlr) est détenue à 60 % par des étrangers (fonds souverains, banques centrales, fonds de pension, sociétés de gestion…). Ainsi la victoire de la présidente du Front National, qui prône une sortie de la zone euro, ne peut que semer un vent de panique sur les places financières. «D’ailleurs, les agences de notation ont laissé entendre qu’une conversion de la dette française de l’euro à un nouveau franc serait assimilée à un défaut de paiement… Certes, sauf que si les agences de notation disent que la France est en faillite, alors cela déclenchera tous les CDS et autres produits dérivés d’assurance sur les dettes… Au bout du compte, une telle décision fera sauter le système financier mondial» , fait-il savoir.
Le cauchemar du 24 juin 2016
Rappelons que les résultats du vote britannique avaient fait vaciller les Bourses européennes le 24 juin dernier : «La livre a plongé à son plus bas niveau depuis trente ans […] et l’indice FTSE 100 a perdu 7,4 % à l’ouverture. Les valeurs bancaires ont pris un coup de massue, la Lloyds dévissant de 30%, la Royal Bank of Scotland de 34 % et Deutsche Bank de 17%» , lit-on dans le Financial Times. La livre sterling avait chuté de 11 % à 1,3224 dollar et 8 % face à l’euro, la monnaie européenne perdant ellemême 3,2 % par rapport au dollar. «C’est un vendredi noir pour les Bourses» , note la Frankfurter Allgemeine Zeitung avec une perte de près de 10,1 % à l’ouverture pour le principal indice allemand, le Dax, soit sa plus forte dégringolade depuis 1989. «Il avait alors perdu à cette époque 12,81% de sa valeur» , rappelle le journal allemand. Voilà de quoi laisser craindre un Frexit, même si certains spécialistes parlent aussi de Nexit (Pays-Bas), Danexit (Danemark), Italexit (Italie), Auxit (Autriche), etc. Des pays qui sont susceptibles de claquer la porte de l’Union européenne ou voulant carrément instaurer de nouvelles relations avec Bruxelles.