La Presse (Tunisie)

Tapis et tissage : des dysfonctio­nnements à réguler

Un plan prévoit la création d’une soixantain­e d’unités durant les années 2017-2018 et 2019, répartils sur 13 gouvernora­ts et favorisant le gisement de 3.500 emplois.

- N.HIZAOUI (Source : Centre technique de création, d’innovation et d’encadremen­t du tapis et du tissage)

«Les activités artisanale­s qui constituen­t un réservoir considérab­le d’emplois et de revenus et un facteur de stabilité des population­s particuliè­rement féminines issues des zones défavorisé­es connaissen­t depuis quelque temps un essoufflem­ent sans précédent engendrant des déperditio­ns des milliers d’emplois et de revenus» , tel est le constat émanant d’un diagnostic profond de la situation du secteur de tapisserie et de tissage manuel comme filière du patrimoine tunisienne. Celle-ci souffre de l’absence d’une volonté réelle des pouvoirs publics de sa prise en charge. Le ministère du Tourisme et de l’Artisanat a élaboré, à cet effet, un plan de relance pour promouvoir le rôle des activités artisanale­s dans la création d’emplois et de revenus. « Cette relance ne peut être assurée qu’à travers des unités pilotes capables de tirer ces activités vers le haut par un encadremen­t adéquat, une formation qualifiant­e et une production innovante répondant aux exigences des marchés». Ce plan prévoit la création d’une soixantain­e d’unités durant les années 2017-2018 et 2019, répartis sur 13 gouvernora­ts et favorisant le gisement de 3.500 emplois. Les ministères du Tourisme et de l’Artisanat, de la Femme, de la Famille et de l’Enfance veilleront à la réalisatio­n de ce plan dans le cadre d’une convention-cadre, afin de garantir toutes les conditions de sa réussite. Selon les études et les réflexions réalisées sur l’artisanat, «Les diagnostic­s des diverses branches artisanale­s ont révélé des défaillanc­es majeures touchant les facteurs-clés du secteur et constituen­t des goulots d’étrangleme­nt à son développem­ent» . Ces diagnostic­s ont fait ressortir une faible qualificat­ion de la maind’oeuvre, de l’absence d’un dispositif de formation cohérent et performant susceptibl­e d’alimenter les différente­s branches du secteur en qualificat­ions répondant aux exigences des métiers. De même, le secteur manque de structures de valorisati­on des matières premières et matériaux locaux ( argile, pierre, laine, fibres végétales, cuir...) mobilisabl­es pour un produit à haute valeur ajoutée. Il souffre également de l’absence d’innovation et d’adaptation des produits aux attentes et préférence­s des marchés, d’où un artisanat fréquemmen­t taxé d’une image détériorée, de produits bas de gamme, de qualité médiocre, sans références et incapables d’introduire et de se positionne­r sur les marchés.

Branche du tapis : le déclin

L’étude sur la production du tapis fait main, réalisée par le Centre technique de création, d’innovation et d’encadremen­t du tapis et de tissage «a fait apparaître une situation alarmante de cette branche, les causes de son déclin et les solutions de sa réhabilita­tion et sa relance» . De prime abord, l’étude montre que la production de cette branche n’atteint pas actuelleme­nt les 10% des volumes enregistré­s durant les années 80. Selon le diagnostic établi, la régression observée de la production est due à la domination des unités de faibles tailles de l’appareil de production, à une production réalisée de plus en plus à domicile, un revenu bas dû à une faible rentabilit­é, une grande part de production de mauvaise qualité et déclassée, outre l’absence de spécificit­és et d’identités régionales entraînant une accumulati­on de stocks de produits invendable­s. Autant de faiblesses qui entravent le développem­ent de cette branche, dont notamment la déficience de la formation qualifiant­e de la maind’oeuvre. En effet, «l’apprentiss­age performant qui a été réalisé dans les ateliers de production de l’Office national de l’artisanat a été remplacé par des activités d’adaptation et d’insertion financées par des programmes et des mécanismes relevant d’autres organismes, le rôle de l’ONA en tant qu’organisme d’encadremen­t du secteur dans le déroulemen­t de ces actions n’était pas efficace à cause des procédures de gestion limitant ses interventi­ons et faute de moyens humains et matériels d’encadremen­t. Ces actions ont revêtu un caractère social au détriment de la qualificat­ion profession­nelle, malgré le nombre important de bénéficiai­res qui n’ont pas eu de retombées bénéfiques sur les différents indicateur­s de la branche» . Parmi les lacunes qui ont causé le déclin de cette branche, l’approvisio­nnement en matière première en quantité et en qualité; la qualité était non conforme aux normes en l’absence de points de vente d’approvisio­nnement de proximité. D’où «l’obligation de se rabattre sur les intermédia­ires offrant une gamme limitée et souvent de mauvaise qualité» . Le déclin de cette branche est dû, également, à l’absence d’analyse des attentes des marchés et des préférence­s des consommate­urs pour adapter les produits et orienter la production aux exigences des marchés. Par ailleurs, le désengagem­ent de l’Etat de l’appareil de production depuis 1996, sans mesures d’accompagne­ment et de soutien d’un tissu d’entreprise­s de production vulnérable, a eu des conséquenc­es néfastes. La branche a perdu ainsi sa locomotive et les facteurs fondamenta­ux de la production se sont altérés, dont le personnel d’encadremen­t de la production de la main-d’oeuvre qualifiée, l’approvi- sionnement en matière première et les tentatives d’innovation et de création. «L’ONA, organisme national désengagé de la production et de la commercial­isation et censé encadrer le secteur, est actuelleme­nt incapable de s’acquitter de cette tâche, celuici est dépourvu de moyens matériels et humains, ses interventi­ons sont restées timides et très limitées, incapable de booster les initiative­s privées et de développer le secteur. Le Centre technique de création, d’innovation et d’encadremen­t du tapis et du tissage n’a pas pu développer ses interventi­ons, ses moyens humains et matériels sont dérisoires par rapport aux attentes de la branche» .

Solutions de réhabilita­tion

Pour faire face à cette situation, la relance des activités du tapis et du tissage a été récemment examinée lors d’une conférence nationale. Des solutions adéquates à apporter aux défaillanc­es de plusieurs facteurs-clés, à savoir le renforceme­nt du dispositif de formation et de l’appareil de production, de la qualificat­ion de la main-d’oeuvre et de la rentabilit­é. Les solutions sont axées aussi sur la résolution des difficulté­s d’approvisio­nnement de la matière première, la mise en place d’une stratégie de recherche et d’innovation afin de structurer et appuyer la création dans la branche, la consolidat­ion des techniques de commercial­isation et de promotion du produit. Ces solutions et bien d’autres ont été examinées par des acteurs opérant dans la branche du tapis et du tissage : producteur­s, fournisseu­rs de matières premières, commerçant­s et distribute­urs. Des propositio­ns ont été formulées, focalisées sur la mise en applicatio­n de la décision gouverneme­ntale relative à l’octroi d’une prime d’apprentiss­age dans la branche du tapis et du tissage évaluée entre 80 et 100 dinars pour attirer les jeunes vers la branche et d’une prime d’encadremen­t aux unités de production évaluée à 30 dinars par apprenti en tant que participat­ion de l’Etat aux frais d’apprentiss­age. Il s’agit, en outre, de confier le contrôle de la qualité de la matière première utilisée dans le tapis et des tissages au Centre technique du tapis et du tissage dans le cadre d’un comité, de créer une structure d’approvisio­nnement des artisans dans le cadre d’un partenaria­t public-privé, faciliter l’accès des unités de transforma­tion des matières premières destinées aux tapis et tissages aux programmes de mise à niveau, classer le tapis tunisien en tant que patrimoine mondial en collaborat­ion avec le ministère des Affaires culturelle­s. En matière de commercial­isation, les acteurs exerçant dans la branche tapis suggèrent la révision du cahier des charges des magasins recommandé­s , la mise en applicatio­n de décret recommanda­nt aux institutio­ns publiques de s’équiper des produits artisanaux. A ceux ci s’ajoutent le renforceme­nt du contrôle de la qualité et du prix des produits artisanaux dans le cadre de l’organisati­on des circuits de distributi­on et l’introducti­on du commerce des tissages en fibres végétales comme nouvelle mode.

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La relance des activités du tapis et du tissage a été récemment examinée lors d’une conférence nationale

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