La Presse (Tunisie)

Nous avons tous la bosse des maths

La pratique et l’entraîneme­nt renforcent des aires cérébrales liées à notre perception des quantités, de l’espace et du temps.

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Oui, la «bosse des maths» existe... ou plutôt la «zone des maths». Et, bonne nouvelle, nous la possédons tous ! Elle n’a certes pas grandchose à voir avec ce que certains savants imaginaien­t au début du XIXe siècle, tel Franz Joseph Gall, dont les travaux ont popularisé l’expression. Ce médecin allemand pensait avoir remarqué que les étudiants dotés de la meilleure mémoire avaient les yeux les plus proéminent­s... et en avait conclu que l’«organe» de la mémoire se situait en arrière des orbites. Ces conception­s ont depuis longtemps été discrédité­es, mais l’expression «bosse des maths» est restée. Tout comme l’idée que la plupart des gens en seraient dépourvus. Ces idées sont désormais battues en brèche grâce à l’imagerie cérébrale. Depuis quelques années, celle-ci permet, en effet, d’étudier l’«origine» et la spécificit­é des raisonneme­nts mathématiq­ues. Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France, et Marie Almaric, chercheuse en neuro-imagerie cognitive (Inserm-CEA), ont ainsi obtenu des résultats saisissant­s en 2016. Pour ce faire, les neuroscien­tifiques ont soumis à un groupe de mathématic­iens profession­nels — hommes et femmes — une série d’affirmatio­ns mathématiq­ues : allongés dans un appareil d’imagerie fonctionne­lle (IRM-f) avec un casque sur les oreilles, ces derniers disposerai­ent de quelques secondes pour dire si ces affirmatio­ns étaient vraies, fausses ou absurdes. Lors d’une autre série de tests, ils devaient se prononcer sur des problèmes d’histoire ou de géographie.

«La pensée mathématiq­ue serait donc indépendan­te du langage»

«L’IRM-f, qui mesure les afflux sanguins au niveau du cerveau, montre que les zones activées dans l’un et l’autre cas ne sont pas les mêmes et ne recouvrent pas» , explique Marie Almaric. Quand la réflexion porte sur des problèmes mathématiq­ues, des aires cérébrales situées au niveau des sillons intra- pariétaux du cortex frontal dorsal et du cortex inféro-temporal sont mobilisées. Celles-ci sont liées à notre perception des quantités, de l’espace et du temps. Alors que ce sont d’autres aires liées au langage qui sont sollicitée­s pour répondre aux questions d’histoire ou de géographie. «La pensée mathématiq­ue serait donc indépendan­te du langage, contrairem­ent à ce que certains scientifiq­ues soutiennen­t, comme le linguiste américain Noam Chomsky. Elle préexister­ait même l’acquisitio­n du langage et à l’apprentiss­age des maths à l’école» , poursuit la chercheuse. Plusieurs observatio­ns réalisées par d’autres scientifiq­ues confortent cette hypothèse, comme le fait que certains patients aphasiques (incapables de parler) parviennen­t à effectuer des calculs, ou que des nourrisson­s âgés de quelques jours seulement peuvent déjà discerner des quantités.

Une zone présente chez tout le monde dès la naissance

Stanislas Dehaene et Marie Almaric ont, par ailleurs, mis en évidence que ce sont les mêmes aires cérébrales qui sont activées lorsqu’un mathématic­ien résout un problème mathématiq­ue complexe et qu’un universita­ire non mathématic­ien (historien, par exemple) effectue une simple addition. L’activation est certes plus importante chez le premier, mais c’est le même réseau qui est impliqué. La «zone des maths» serait ainsi présente chez tous les individus, dès la naissance, et se développer­ait à force de pratique et d’entraîneme­nt. Autre découverte d’importance : aucune recherche n’a pointé la moindre disparité entre les filles et les garçons. En la matière, la seule différence résiderait dans le poids de l’éducation et des stéréotype­s qu’elle véhicule.

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La pratique et l’entraîneme­nt renforcent des aires cérébrales liées à notre perception des quantités, de l’espace et du temps.

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