Suisse Tourisme parie sur les jeunes asiatiques
Les nouvelles générations de voyageurs venant d’Asie planifient de plus en plus leurs vacances de manière autonome. Une tendance sur laquelle veut surfer l’organisation helvétique, qui vient de conclure un partenariat avec la plateforme Klook
«Quand les Asiatiques pensent à l’Europe, ils pensent à la Suisse. C’est clairement un endroit stratégique pour nous»
WILFRED FAN, DIRECTEUR COMMERCIAL DU TOUR-OPÉRATEUR KLOOK
Les images de hordes de touristes asiatiques déferlant en car à Lucerne ou Interlaken (BE) vont-elles appartenir bientôt au passé? Avides d’expériences, les nouvelles générations optent de plus en plus pour les voyages individuels au détriment des grands déplacements organisés. Désireux d’accompagner cette évolution, Suisse Tourisme a signé lundi dernier à l’occasion de la Journée suisse des vacances, à Genève, un accord de collaboration avec la plateforme de services de voyages Klook.
Le protocole de coopération, d’une durée de trois ans, vise à augmenter le nombre de voyageurs individuels asiatiques et à encourager des séjours plus longs. La collaboration doit permettre également d’accroître les dépenses des touristes, ainsi que de stimuler la distribution des Swiss Travel Pass, l’abonnement général pour les transports publics destiné aux non-résidents. Cette année, le partenariat se concentrera sur les marchés de l’Asie du Sud-Est (Indonésie, Malaisie, Singapour, Thaïlande), de la Corée du Sud, de la Chine, de Taïwan et de Hongkong.
«En mettant l’accent sur les saisons d’automne 2024 et 2025, l’objectif est de parvenir à une répartition encore plus équilibrée des visiteurs tout au long de l’année», affirme dans un communiqué Suisse Tourisme. L’organisation souligne que cette initiative s’inscrit dans sa stratégie visant à promouvoir le tourisme durable.
Fondée à Hongkong en 2014, Klook se décrit comme la principale plateforme asiatique d’expériences et de services de voyages. Depuis sa création, l’entreprise a récolté plus de 900 millions de dollars auprès de divers investisseurs, dont la banque américaine Goldman Sachs et le conglomérat japonais SoftBank. L’agence en ligne a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars et emploie 1700 personnes à travers le monde.
En quête d’expériences uniques
«Klook a été bénéficiaire au dernier trimestre 2023 et nous comptons bien le rester en 2024», souligne Wilfred Fan, directeur commercial de l’entreprise, dans un entretien accordé au Temps lors de sa venue en Suisse. La firme envisage à terme une entrée en bourse (IPO), que ce soient aux Etats-Unis ou à Hongkong. «Nous ne sommes pas très pressés de nous lancer, mais nous sommes prêts en cas d’environnement de marché favorable.»
L’accent est clairement mis sur les millénials, également connus comme la génération Y (définie au sens large comme les personnes nées entre 1981 et 1996) et les membres de la génération Z (individus nés entre 1997 et 2010). «Leur comportement diffère de celui des touristes traditionnels, relève Wilfred Fan. Ils recherchent des expériences uniques et seront bientôt les voyageurs dominants.»
Abréviation de «Keep Looking» (continuer de chercher), Klook fait office de plateforme de réservation pour les hôtels et les transports, ainsi que pour une multitude d’autres services. «Les réservations d’hôtels se font aujourd’hui essentiellement en ligne, explique le directeur commercial de Klook. La transformation est achevée et nous identifions la même opportunité pour le reste de l’industrie touristique, qui est très en retard par rapport à l’hôtellerie ou aux grandes entreprises de transport comme les compagnies aériennes ou ferroviaires. Nous visons par exemple les visites, les excursions ou les activités sportives.»
Pour séduire les millénials, très connectés, Klook s’appuie beaucoup sur les réseaux sociaux et les influenceurs. «Nous choisissons des personnalités, mais travaillons également avec des micro-influenceurs [créateurs de contenus sur les réseaux sociaux dont l’audience peut aller jusqu’à 100 000 abonnés, ndlr]. Nous avons créé un programme, qui vise à impliquer et à récompenser les personnes qui mettent en avant notre marque.»
Klook est «très proche de ses clients, plus proche que presque aucun autre tour-opérateur international. Les échanges étroits avec cette plateforme nous permettent de connaître très en amont les désirs et les préférences de nos clients», expose au Temps un porte-parole de Suisse Tourisme.
Ce concurrent de TripAdvisor, GetYourGuide ou Expedia se distingue aussi par son positionnement géographique. «Nous sommes focalisés sur l’Asie», indique Wilfred Fan. Klook réalise environ un tiers de son chiffre d’affaires en Asie du Sud-Est et un autre tiers à Hongkong, Taïwan et en Chine. Environ 20% des activités proviennent de la Corée et du Japon et le reste ailleurs dans le monde. «La Suisse reste une destination très importante pour les voyageurs asiatiques, souligne-t-il. Quand ils pensent à l’Europe, ils pensent à la Suisse. C’est clairement un endroit stratégique pour nous. Nous cherchons à y accroître notre notoriété et à y établir davantage de partenariats.»
Klook s’inscrit dans une tendance globale, souligne Roland Schegg, professeur à la Haute Ecole de gestion de la HES-SO Valais-Wallis et coordinateur des recherches de l’Institut Tourisme. «Les plateformes en ligne du secteur touristique (OTA) s’efforcent de numériser les offres dans les destinations. Là où Klook se distingue de la concurrence comme GetYourGuide, c’est dans sa volonté d’élargir sa gamme de services, par exemple en proposant le wi-fi pour les voyageurs.»
Beaucoup de plateformes en ligne «ambitionnent de devenir des guichets uniques (one-stop shops) pour leurs clients, relève l’expert. Le but ultime est de retenir le client sur ces sites et applications en offrant tous les services liés à un voyage, c’est un peu le graal. Klook a également conclu un accord avec Booking. Pour Suisse Tourisme, cette collaboration peut être intéressante dans sa stratégie de diversification des marchés.»
Des freins au rebond chinois
Le changement de comportement des voyageurs s’accélère, alors que la clientèle asiatique revient depuis la pandémie. «Le retour des touristes, même en Chine, est très fort et dynamique, affirme Suisse Tourisme. Nous savons par nos bureaux sur place en Asie que les tour-opérateurs et les agences de voyages – et donc les clients – s’intéressent beaucoup à la Suisse.»
Les clients chinois n’ont été autorisés à voyager à nouveau à l’international que dans le courant de l’an passé, relève l’organisme de promotion, ce qui explique que les nuitées des clients chinois en 2023 soient encore inférieures d’environ 73% à celles de 2019. «Mais sur les deux premiers mois de cette année, on constate que les nuitées hôtelières n’ont plus que 40,5% de retard sur 2019: la croissance en provenance de Chine est donc considérable et devrait se poursuivre.»
Reste que plusieurs facteurs freinent la reprise. Tout d’abord, la croissance économique chinoise est quelque peu ralentie, ce qui se ressent chez la classe moyenne qui aime voyager. De plus, les attributions de visas n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’avant-pandémie. Enfin, les capacités aériennes sont également encore limitées.
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