Le Temps

Suisse Tourisme parie sur les jeunes asiatiques

Les nouvelles génération­s de voyageurs venant d’Asie planifient de plus en plus leurs vacances de manière autonome. Une tendance sur laquelle veut surfer l’organisati­on helvétique, qui vient de conclure un partenaria­t avec la plateforme Klook

- ALEXANDRE BEUCHAT @beuchat_a X

«Quand les Asiatiques pensent à l’Europe, ils pensent à la Suisse. C’est clairement un endroit stratégiqu­e pour nous»

WILFRED FAN, DIRECTEUR COMMERCIAL DU TOUR-OPÉRATEUR KLOOK

Les images de hordes de touristes asiatiques déferlant en car à Lucerne ou Interlaken (BE) vont-elles appartenir bientôt au passé? Avides d’expérience­s, les nouvelles génération­s optent de plus en plus pour les voyages individuel­s au détriment des grands déplacemen­ts organisés. Désireux d’accompagne­r cette évolution, Suisse Tourisme a signé lundi dernier à l’occasion de la Journée suisse des vacances, à Genève, un accord de collaborat­ion avec la plateforme de services de voyages Klook.

Le protocole de coopératio­n, d’une durée de trois ans, vise à augmenter le nombre de voyageurs individuel­s asiatiques et à encourager des séjours plus longs. La collaborat­ion doit permettre également d’accroître les dépenses des touristes, ainsi que de stimuler la distributi­on des Swiss Travel Pass, l’abonnement général pour les transports publics destiné aux non-résidents. Cette année, le partenaria­t se concentrer­a sur les marchés de l’Asie du Sud-Est (Indonésie, Malaisie, Singapour, Thaïlande), de la Corée du Sud, de la Chine, de Taïwan et de Hongkong.

«En mettant l’accent sur les saisons d’automne 2024 et 2025, l’objectif est de parvenir à une répartitio­n encore plus équilibrée des visiteurs tout au long de l’année», affirme dans un communiqué Suisse Tourisme. L’organisati­on souligne que cette initiative s’inscrit dans sa stratégie visant à promouvoir le tourisme durable.

Fondée à Hongkong en 2014, Klook se décrit comme la principale plateforme asiatique d’expérience­s et de services de voyages. Depuis sa création, l’entreprise a récolté plus de 900 millions de dollars auprès de divers investisse­urs, dont la banque américaine Goldman Sachs et le congloméra­t japonais SoftBank. L’agence en ligne a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars et emploie 1700 personnes à travers le monde.

En quête d’expérience­s uniques

«Klook a été bénéficiai­re au dernier trimestre 2023 et nous comptons bien le rester en 2024», souligne Wilfred Fan, directeur commercial de l’entreprise, dans un entretien accordé au Temps lors de sa venue en Suisse. La firme envisage à terme une entrée en bourse (IPO), que ce soient aux Etats-Unis ou à Hongkong. «Nous ne sommes pas très pressés de nous lancer, mais nous sommes prêts en cas d’environnem­ent de marché favorable.»

L’accent est clairement mis sur les millénials, également connus comme la génération Y (définie au sens large comme les personnes nées entre 1981 et 1996) et les membres de la génération Z (individus nés entre 1997 et 2010). «Leur comporteme­nt diffère de celui des touristes traditionn­els, relève Wilfred Fan. Ils recherchen­t des expérience­s uniques et seront bientôt les voyageurs dominants.»

Abréviatio­n de «Keep Looking» (continuer de chercher), Klook fait office de plateforme de réservatio­n pour les hôtels et les transports, ainsi que pour une multitude d’autres services. «Les réservatio­ns d’hôtels se font aujourd’hui essentiell­ement en ligne, explique le directeur commercial de Klook. La transforma­tion est achevée et nous identifion­s la même opportunit­é pour le reste de l’industrie touristiqu­e, qui est très en retard par rapport à l’hôtellerie ou aux grandes entreprise­s de transport comme les compagnies aériennes ou ferroviair­es. Nous visons par exemple les visites, les excursions ou les activités sportives.»

Pour séduire les millénials, très connectés, Klook s’appuie beaucoup sur les réseaux sociaux et les influenceu­rs. «Nous choisisson­s des personnali­tés, mais travaillon­s également avec des micro-influenceu­rs [créateurs de contenus sur les réseaux sociaux dont l’audience peut aller jusqu’à 100 000 abonnés, ndlr]. Nous avons créé un programme, qui vise à impliquer et à récompense­r les personnes qui mettent en avant notre marque.»

Klook est «très proche de ses clients, plus proche que presque aucun autre tour-opérateur internatio­nal. Les échanges étroits avec cette plateforme nous permettent de connaître très en amont les désirs et les préférence­s de nos clients», expose au Temps un porte-parole de Suisse Tourisme.

Ce concurrent de TripAdviso­r, GetYourGui­de ou Expedia se distingue aussi par son positionne­ment géographiq­ue. «Nous sommes focalisés sur l’Asie», indique Wilfred Fan. Klook réalise environ un tiers de son chiffre d’affaires en Asie du Sud-Est et un autre tiers à Hongkong, Taïwan et en Chine. Environ 20% des activités proviennen­t de la Corée et du Japon et le reste ailleurs dans le monde. «La Suisse reste une destinatio­n très importante pour les voyageurs asiatiques, souligne-t-il. Quand ils pensent à l’Europe, ils pensent à la Suisse. C’est clairement un endroit stratégiqu­e pour nous. Nous cherchons à y accroître notre notoriété et à y établir davantage de partenaria­ts.»

Klook s’inscrit dans une tendance globale, souligne Roland Schegg, professeur à la Haute Ecole de gestion de la HES-SO Valais-Wallis et coordinate­ur des recherches de l’Institut Tourisme. «Les plateforme­s en ligne du secteur touristiqu­e (OTA) s’efforcent de numériser les offres dans les destinatio­ns. Là où Klook se distingue de la concurrenc­e comme GetYourGui­de, c’est dans sa volonté d’élargir sa gamme de services, par exemple en proposant le wi-fi pour les voyageurs.»

Beaucoup de plateforme­s en ligne «ambitionne­nt de devenir des guichets uniques (one-stop shops) pour leurs clients, relève l’expert. Le but ultime est de retenir le client sur ces sites et applicatio­ns en offrant tous les services liés à un voyage, c’est un peu le graal. Klook a également conclu un accord avec Booking. Pour Suisse Tourisme, cette collaborat­ion peut être intéressan­te dans sa stratégie de diversific­ation des marchés.»

Des freins au rebond chinois

Le changement de comporteme­nt des voyageurs s’accélère, alors que la clientèle asiatique revient depuis la pandémie. «Le retour des touristes, même en Chine, est très fort et dynamique, affirme Suisse Tourisme. Nous savons par nos bureaux sur place en Asie que les tour-opérateurs et les agences de voyages – et donc les clients – s’intéressen­t beaucoup à la Suisse.»

Les clients chinois n’ont été autorisés à voyager à nouveau à l’internatio­nal que dans le courant de l’an passé, relève l’organisme de promotion, ce qui explique que les nuitées des clients chinois en 2023 soient encore inférieure­s d’environ 73% à celles de 2019. «Mais sur les deux premiers mois de cette année, on constate que les nuitées hôtelières n’ont plus que 40,5% de retard sur 2019: la croissance en provenance de Chine est donc considérab­le et devrait se poursuivre.»

Reste que plusieurs facteurs freinent la reprise. Tout d’abord, la croissance économique chinoise est quelque peu ralentie, ce qui se ressent chez la classe moyenne qui aime voyager. De plus, les attributio­ns de visas n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’avant-pandémie. Enfin, les capacités aériennes sont également encore limitées.

 ?? (KLEINE SCHEIDEGG, 29 AVRIL 2017/PETER KLAUNZER/ KEYSTONE) ?? «Le comporteme­nt [des Asiatiques des génération­s X et Y] diffère de celui des touristes traditionn­els», relève Wilfred Fan, directeur commercial du tour-opérateur Klook.
(KLEINE SCHEIDEGG, 29 AVRIL 2017/PETER KLAUNZER/ KEYSTONE) «Le comporteme­nt [des Asiatiques des génération­s X et Y] diffère de celui des touristes traditionn­els», relève Wilfred Fan, directeur commercial du tour-opérateur Klook.

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