Le Temps

La parole des derniers survivants de la Shoah

- JULIE COLLET

Leurs regards, accentués par le noir et blanc des tirages photograph­iques, saisissent les promeneurs du Quai Wilson, à Genève. Ils sont une trentaine de survivants et survivante­s de l’Holocauste, installés en Suisse, à livrer leurs souvenirs au travers de courtes citations. «J’avais peur des Juifs; ils avaient crucifié le Sauveur. J’ai eu besoin de temps pour comprendre que j’étais moi-même un enfant juif», peut-on par exemple lire en anglais sur l’un des supports.

«Les survivants savent que l’histoire peut se répéter, parce qu’ils ont vu de leurs propres yeux de quoi sont capables les hommes. Nous n’avons pas le droit de fermer les yeux devant cet état de fait. En tant que fille de Juifs persécutés pendant* la Shoah, mais aussi en tant que citoyenne suisse, je considère comme notre mission et notre devoir à tous de perpétuer la mémoire de la Shoah et de s’y confronter», explique Anita Winter, fondatrice et présidente de la Fondation Gamaraal.

Ces hommes et ces femmes sont originaire­s de Hongrie, de Belgique, d’Allemagne, de France… «Nous avons fui la nuit et atteint la frontière verte, où nous avons rencontré un jeune garde-frontière suisse. Cet homme en uniforme de gendarme a eu pitié des trois petites filles de 7, 5 et 3 ans, réfugiées épuisées, et nous a laissées passer la frontière», relate Ruth Kornfeld, née en Italie. La Suisse – qui avait fermé ses frontières en 1939 – n’a reconnu la persécutio­n des juifs comme motif d’asile qu’en juillet 1944. La plupart des victimes du nazisme ne sont arrivées qu’après la Deuxième Guerre mondiale sur le territoire helvétique.

Il est à noter que certains témoins de l’exposition – qui tourne dans le monde depuis mai 2017 – sont décédés récemment. «Nous sommes à un moment sensible de la transmissi­on de la Shoah, puisqu’il ne reste parmi nous que quelques témoins de ce génocide, souligne la présidente de la Fondation Gamaraal. Nous réalisons, en tout temps, des entretiens pour archiver les témoignage­s avant qu’ils ne disparaiss­ent grâce à nos équipes aux quatre coins de la Suisse. D’autant que chaque histoire, chaque stratégie de survie et de reconstruc­tion est propre à chacun.» ■

The Last Swiss Holocaust Survivors, quai Wilson, Genève, jusqu’à la fin de la semaine. Une version virtuelle est disponible sur le site de la Fondation Gamaraal.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland