Marc Forster, l’étoile suisse d’Hollywood
L’an dernier, Le Temps consacrait une longue série de portraits à celles et ceux qu’on a appelés «les Suisses d’Hollywood». L’idée était, en parlant à nos compatriotes qui ont réussi à se faire une place au coeur de la plus puissante industrie du divertissement du monde, de mettre en lumière des métiers qui sont souvent ceux de l’ombre. D’une cascadeuse à un maquilleur, d’une experte des effets spéciaux à un chef opérateur, d’un producteur à une scénariste, c’est au final toutes les étapes de la fabrication d’un film qui ont été abordées.
Mais quel est le plus célèbre des Suisses ayant fait carrière aux Etats-Unis? Assurément Marc Forster, qui a grandi dans les Grisons avant d’étudier le cinéma à New York puis de s’installer en Californie. Pour vivre un rêve américain, il faut de la chance. Pour lui, elle a pris l’apparence de deux scénaristes qui, convaincus par ses débuts dans le cinéma indépendant, lui ont proposé de mettre en images A l’ombre de la haine (2001) pour un budget raisonnable après l’échec d’un montage financier plus ambitieux. Le réalisateur relèvera le défi et le film lui vaudra d’attirer l’attention d’un certain Harvey Weinstein, producteur puissant et influent, à cette époque pas encore rattrapé par son comportement de prédateur sexuel.
Lorsqu’on évoque Marc Forster, certains cinéphiles qui se veulent intransigeants rigolent de bon coeur. Pour eux, notre compatriote ne serait qu’un faiseur, un réalisateur plus qu’un cinéaste, un bon petit soldat illustrant sans imagination les scénarios qu’on lui confie. Réducteur, forcément, même s’il n’est pas magicien, ce qu’il a prouvé avec Quantum of Solace, le deuxième James Bond avec Daniel Craig, un succès commercial mais un échec artistique dont il est conscient, le scénario ayant été bâclé en pleine grève des scénaristes.
Pour le reste, Marc Forster a démontré qu’il était capable de tout faire, passant du monde de Peter Pan (Neverland, 2004) à celui de Winnie l’ourson (Jean-Christophe et Winnie, 2018), d’une irrésistible comédie métaphysique (L’Incroyable Destin de Harold Crick, 2006) à une impressionnante invasion de zombies (World War Z, 2013), d’un émouvant récit d’apprentissage (Les Cerfs-volants de Kaboul, 2007) à un thriller tendu (Je ne vois que toi, 2017) et à une tragicomédie efficace (Le Pire Voisin au monde, en salle le 1er février). Des réalisateurs comme Marc Forster, qui ne sont pas des auteurs mais des gens capables de tenir un budget et un récit sans chercher à briller, il en faut. Et réjouissons-nous qu’un Suisse puisse aujourd’hui travailler en étroite collaboration avec Tom Hanks, qui, aux côtés de Tom Cruise, est un des acteurs les plus puissants de l’industrie hollywoodienne.