Le Temps

Marc Forster, l’étoile suisse d’Hollywood

- Stéphane Gobbo t @stephgobbo

L’an dernier, Le Temps consacrait une longue série de portraits à celles et ceux qu’on a appelés «les Suisses d’Hollywood». L’idée était, en parlant à nos compatriot­es qui ont réussi à se faire une place au coeur de la plus puissante industrie du divertisse­ment du monde, de mettre en lumière des métiers qui sont souvent ceux de l’ombre. D’une cascadeuse à un maquilleur, d’une experte des effets spéciaux à un chef opérateur, d’un producteur à une scénariste, c’est au final toutes les étapes de la fabricatio­n d’un film qui ont été abordées.

Mais quel est le plus célèbre des Suisses ayant fait carrière aux Etats-Unis? Assurément Marc Forster, qui a grandi dans les Grisons avant d’étudier le cinéma à New York puis de s’installer en Californie. Pour vivre un rêve américain, il faut de la chance. Pour lui, elle a pris l’apparence de deux scénariste­s qui, convaincus par ses débuts dans le cinéma indépendan­t, lui ont proposé de mettre en images A l’ombre de la haine (2001) pour un budget raisonnabl­e après l’échec d’un montage financier plus ambitieux. Le réalisateu­r relèvera le défi et le film lui vaudra d’attirer l’attention d’un certain Harvey Weinstein, producteur puissant et influent, à cette époque pas encore rattrapé par son comporteme­nt de prédateur sexuel.

Lorsqu’on évoque Marc Forster, certains cinéphiles qui se veulent intransige­ants rigolent de bon coeur. Pour eux, notre compatriot­e ne serait qu’un faiseur, un réalisateu­r plus qu’un cinéaste, un bon petit soldat illustrant sans imaginatio­n les scénarios qu’on lui confie. Réducteur, forcément, même s’il n’est pas magicien, ce qu’il a prouvé avec Quantum of Solace, le deuxième James Bond avec Daniel Craig, un succès commercial mais un échec artistique dont il est conscient, le scénario ayant été bâclé en pleine grève des scénariste­s.

Pour le reste, Marc Forster a démontré qu’il était capable de tout faire, passant du monde de Peter Pan (Neverland, 2004) à celui de Winnie l’ourson (Jean-Christophe et Winnie, 2018), d’une irrésistib­le comédie métaphysiq­ue (L’Incroyable Destin de Harold Crick, 2006) à une impression­nante invasion de zombies (World War Z, 2013), d’un émouvant récit d’apprentiss­age (Les Cerfs-volants de Kaboul, 2007) à un thriller tendu (Je ne vois que toi, 2017) et à une tragicoméd­ie efficace (Le Pire Voisin au monde, en salle le 1er février). Des réalisateu­rs comme Marc Forster, qui ne sont pas des auteurs mais des gens capables de tenir un budget et un récit sans chercher à briller, il en faut. Et réjouisson­s-nous qu’un Suisse puisse aujourd’hui travailler en étroite collaborat­ion avec Tom Hanks, qui, aux côtés de Tom Cruise, est un des acteurs les plus puissants de l’industrie hollywoodi­enne.

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