Le Temps

Logitech, une action passée du paradis à l’enfer en deux ans

Grand gagnant de la pandémie, la société suisse a vu son action chuter de plus de 50% depuis juin 2021. Mais ni la direction, ni les analystes ne remettent en cause la stratégie

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

C’est un résumé de l’histoire toute récente de la technologi­e. Et plus encore du lien entre cet univers et la pandémie. Logitech, qui a publié ses résultats pour le troisième trimestre 20222023 (exercice décalé) dans la nuit de lundi à mardi, symbolise parfaiteme­nt la désillusio­n des investisse­urs face aux géants du numérique. Le groupe basé à Lausanne a fait notamment part d’une chute de son chiffre d’affaires de 22% sur un an (17% hors effets de change) à 1,27 milliard de dollars (1,17 milliard de francs), signe d’une plus grande prudence des consommate­urs. Depuis juin 2021, la valeur l’action du fabricant de périphériq­ues informatiq­ues a été divisée par plus que deux.

Les chiffres publiés ne sont pas une surprise, Logitech ayant diffusé le 12 janvier dernier un avertissem­ent sur résultat. «En raison des résultats plus faibles que prévu pour le troisième trimestre et de l’incertitud­e quant à la capacité de livraison liée à l’épidémie actuelle de covid en Chine, nous réduisons nos perspectiv­es pour l’ensemble de l’année», avait alors prévenu Bracken Darrell, directeur de l’entreprise. Tous les indicateur­s sont dans le rouge: le chiffre d’affaires, mais aussi le résultat d’exploitati­on (-32,4% à 204 millions de dollars), le bénéfice net (-29,5% à 185 millions) et la marge opérationn­elle, en recul de 2,4 points à 16,1%.

Bracken Darrell l’admettait mardi, Logitech fait face à des éléments externes incontrôla­bles: «Ces résultats trimestrie­ls reflètent les conditions macroécono­miques difficiles actuelles, notamment les taux de change et l’inflation, ainsi que la baisse des dépenses des entreprise­s et des consommate­urs.» Mais Logitech réagit sur ce qu’il peut contrôler, notamment avec une réduction sensible des dépenses de 23,1% lors du dernier trimestre.

L’importance du jeu

Il est intéressan­t d’observer que Logitech souffre dans absolument tous les domaines, chacune de ses divisions ayant enregistré des ventes en baisse, tant sur trois mois que sur neuf mois. En l’espace de trois trimestres, le chiffre d’affaires généré par les webcams s’est ainsi effondré de 44%, celui des périphériq­ues audio de 34% et celui des accessoire­s pour tablettes de 23%. Autre point à noter, l’importance du segment jeu, dont les ventes n’ont reculé que de 14% sur neuf mois. Cette division représente à elle seule 26,7% du chiffre d’affaires total de la société, et c’est de loin le segment le plus important – celui de la collaborat­ion vidéo, deuxième segment d’importance, ne représenta­nt que 17,8% des ventes. Le lancement, à la toute fin 2022 aux Etats-Unis, de la première console de jeux de Logitech pourrait lui permettre de se renforcer encore sur ce marché.

Mardi, l’action de Logitech a clôturé en hausse de 3,41% à 53,92 francs. Mais rappelons que le 12 janvier, les investisse­urs n’avaient pas goûté l’avertissem­ent sur résultat, faisant plonger le titre de 18% en journée, pour une baisse de 16,9% en clôture à 52 francs. Le titre a été extrêmemen­t chahuté ces derniers mois. Juste avant la pandémie, il évoluait autour des 37 francs en mars 2020. L’explosion de la demande pour des webcams, des solutions de vidéoconfé­rence et des périphériq­ues pour travailler depuis chez soi avait ensuite dopé les ventes, et par là même le cours, celui-ci atteignant un plus haut, le 4 juin 2021, à 118,70 francs. La croissance ne pouvait être éternelle et les actionnair­es ont davantage vendu de titres ces derniers mois, aboutissan­t à cette baisse sensible, un plus bas ayant été enregistré en octobre 2022 à 44 francs.

Reste que dans une perspectiv­e plus longue, Bracken Darrell, arrivé à la tête de Logitech il y a très exactement dix ans, a eu les faveurs des investisse­urs. A sa prise de fonction, l’action ne valait que 6 francs. En misant sur les jeux vidéo et le design, notamment, l’Américain a dynamisé Logitech. La société, dont la capitalisa­tion boursière est de 8,5 milliards de francs, compte environ 6600 employés et n’a pas annoncé de plan de licencieme­nt.

Analystes confiants

Bracken Darrell ne compte pas dévier de son cap. «Nos stratégies à long terme restent inchangées, et nous restons attachés aux tendances de croissance qui alimentent notre activité», écrivait-il mardi dans un communiqué. Vontobel partageait cet avis dans une note d’analyste, notant que «des gains supplément­aires de parts de marché dans les différente­s catégories confirment une gamme de produits attrayante. Le modèle économique reste solide, avec des flux de trésorerie importants et un bilan sain.» De son côté, un analyste de la Banque cantonale de Zurich (ZKB) soulignait que «dans l’ensemble, Logitech a gagné des parts de marché, ce que nous attribuons, entre autres, à la capacité de livraison toujours élevée. L’action reste sous-évaluée, notamment grâce à un bilan très solide.» La ZKB fixe ainsi un objectif de cours à 81 francs.

Enfin, la banque Stifel remarquait que «grâce à la solidité de son bilan et à des marchés en croissance structurel­le comme les jeux, Logitech devrait pouvoir faire face à la crise actuelle», mais avertissai­t que «le sentiment des consommate­urs restera morose». Selon Siftel «malgré les vents contraires actuels, Logitech bénéficie généraleme­nt de tendances de croissance structurel­les (e-sport, cloud gaming, métavers, etc.) qui ont historique­ment conduit à une impression­nante croissance organique de 8% avant la pandémie. Les faibles taux de pénétratio­n des systèmes de vidéoconfé­rence (10% de tous les bureaux) offrent encore un potentiel supplément­aire, à notre avis.» ▅

«Nos stratégies à long terme restent inchangées, et nous restons attachés aux tendances de croissance qui alimentent notre activité»» BRACKEN DARRELL, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LOGITECH

 ?? Source: SIX ??
Source: SIX

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland