Le Temps

Face aux cybercrime­s, le procureur fédéral appelle à l’aide

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Mercredi, le procureur général de la Confédérat­ion, Stefan Blättler, a demandé davantage de moyens contre le crime en ligne. Il n’existe par exemple pas de base de données centrale, a-t-il regretté

Que font les autorités contre les cybercrimi­nels? Rien, entend-on souvent. Mercredi, dans le cadre des Swiss Cyber Security Days qui se tiennent à Fribourg et dont Le Temps est partenaire, Stefan Blättler a tenté de tordre le cou à ce cliché… tout en exigeant davantage de moyens et d’engagement­s de tous contre les cyberattaq­ues.

Selon Stefan Blättler, la justice a obtenu des succès contre les cybercrimi­nels – mais ne les a pas détaillés. «On a aussi de gros soucis, a-t-il affirmé. Nous n’avons pas, en Suisse, de législatio­n spécifique sur la cybercrimi­nalité pour des enquêtes, dont l’obtention des preuves numériques est un défi majeur. De plus, le processus d’entraide internatio­nale est lent et pas du tout adapté aux cyberdélit­s. L’entraide est complexe et de longue haleine, cela prend parfois des mois, voire des années, avant d’aboutir à des résultats.»

Comme le relève Stefan Blättler, «les victimes, que ce soient des particulie­rs ou des entreprise­s, sont en Suisse. Or les présumés coupables sont à l’étranger. L’entraide internatio­nale est un véritable parcours du combattant.» Heureuseme­nt, estime le procureur de la Confédérat­ion, «dans certains cas, il peut y avoir des contacts entre procureurs de différents pays, notamment pour la saisie de données informatiq­ues.»

Stefan Blättler regrette un manque très peu connu en Suisse: l’absence d’une base de données fédérale sur les cybercrime­s. «Elle n’existe pas… Or il en faut absolument une, car nous sentons que ces délits ne cessent d’augmenter. Il y a urgence, car cela permettra aux autorités de poursuite d’agir beaucoup plus rapidement si ces infraction­s sont référencée­s au niveau suisse.»

«Manifestez-vous!»

Le procureur de la Confédérat­ion demande, en parallèle, un autre point qu’il estime capital: «Je lance un appel aux individus et aux entreprise­s: si vous êtes victime d’une cyberattaq­ue, n’hésitez pas à fournir ces informatio­ns aussi vite que possible aux autorités de poursuite pénale, une action rapide peut vraiment nous aider. Souvent, on perd du temps, entre le dépôt d’une plainte et l’ouverture d’une enquête, et trouver des traces devient très difficile.»

Pour l’heure, il n’y a quasiment aucune obligation d’annonce. En janvier, le Conseil fédéral a mis en consultati­on un projet de loi obligeant les infrastruc­tures dites critiques à annoncer les attaques dont elles sont victimes. Depuis 2020, la Finma, le gendarme de la finance, oblige les établissem­ents financiers à lui annoncer des tentatives de cyberattaq­ues. Pour tous les autres secteurs économique­s, aucune obligation de ce type n’existe aujourd’hui.

Florian Schütz, délégué de la

Confédérat­ion à la cybersécur­ité, a annoncé mercredi que le nombre de cyberincid­ents qui avaient été volontaire­ment communiqué­s à la Confédérat­ion avait explosé entre 2020 et 2021, passant de 10800 à 21700. «Les autorités ont fait de gros efforts de prévention. Mais nous ne recevons pas assez de notificati­ons volontaire­s sur les incidents. Et beaucoup d’entreprise­s, notamment des PME, rechignent encore à investir dans la cybersécur­ité», a-t-il regretté.

«L’entraide internatio­nale est un véritable parcours du combattant» STEFAN BLÄTTLER, PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA CONFÉDÉRAT­ION

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland