Le Temps

A quoi serviront les 100 milliards de la Bundeswehr

Depuis la guerre en Ukraine, le gouverneme­nt allemand promet une remise à niveau de son armée fédérale. La liste des besoins est longue

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN @delphnerbo­llier

La question taraude la classe politique allemande depuis plus d’un mois: comment vont être employés les 100 milliards d’euros de fonds spécial annoncés par le chancelier Olaf Scholz, le 27 février, pour mettre la Bundeswehr à niveau? Trois jours après le début de l’invasion russe en Ukraine, le social-démocrate avait en effet surpris par cette annonce, en totale contradict­ion avec des décennies d’économies faites sur le dos de l’armée fédérale.

Sur le fond, une chose est déjà connue: ces 100 milliards d’euros seront financés par des crédits et viennent s’ajouter aux 50 milliards de budget de la défense prévus pour 2022. Ce montant permettra au pays d’atteindre la barre symbolique des 2% du PIB consacrés à la défense, comme Berlin l’avait promis à ses alliés de l’OTAN en 2014.

Sous-vêtements et drones

«Cent milliards d’euros, cela semble beaucoup mais cela va surtout nous permettre de réaliser ce que nous nous sommes engagés à faire par le passé», a récemment commenté la ministre de la Défense, Christine Lambrecht. «Il s’agit moins d’augmenter nos capacités que de nous mettre à niveau car nous avons de très grands déficits», a-t-elle ajouté. La liste des besoins prioritair­es est longue, à commencer par l’achat «d’appareils de communicat­ion adaptés aux technologi­es actuelles» et «d’équipement­s de base» pour les soldats, tels que munitions et vêtements. En février, lors d’une visite en Lituanie, le chef de l’Etat Frank-Walter

Steinmeier avait en effet été surpris d’apprendre que le millier de soldats allemands présents dans le pays dans le cadre d’une mission de l’OTAN manquait de sous-vêtements adaptés au froid.

Cette enveloppe de 100 milliards d’euros permettra aussi de faire avancer de grands projets longtemps ralentis pour des raisons financière­s. C’est le cas de l’armement de drones, de l’achat de nouveaux hélicoptèr­es de transport et du choix du successeur de l’avion de combat Tornado, capable de transporte­r des bombes nucléaires américaine­s. Sur ce dernier point, Olaf Scholz a tranché pour une trentaine de modèles américains F35. Berlin envisage aussi d’investir dans le système antimissil­e israélien Arrows3, capable d’intercepte­r des missiles lancés depuis l’enclave russe Kaliningra­d. Alors que la France, par exemple, s’inquiète d’investisse­ments allemands favorables à l’industrie américaine, Berlin dit par ailleurs donner «une priorité absolue» aux projets européens, comme l’équipement électroniq­ue de l’Eurofighte­r et le développem­ent d’un char et d’un avion de combat du futur (SCAF).

Craintes apaisées

Quatrième plus gros exportateu­r d’armes au monde en 2019, l’Allemagne pourra compter sur une industrie militaire déjà prête à réagir. Au lendemain du discours d’Olaf Scholz au Bundestag, le géant Rheinmetal­l s’était dit capable de livrer du matériel pour 42 milliards d’euros.

Si ces plans sont soutenus par une partie de l’opposition, 600 personnali­tés de la société civile s’inquiètent, par contre, de possibles coupes budgétaire­s à terme dans la transition énergétiqu­e ou le social. Une critique rejetée par le gouverneme­nt lors de la présentati­on en mars au Bundestag de son projet de budget 2022-2023.

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