Le Temps

L’horreur et le déshonneur

- LUIS LEMA @luislema

Un paysage de mort et de désolation. Des cadavres de civils jonchant les rues, massés dans les cours intérieure­s ou dans les caves; des indices innombrabl­es qui démontrent l’existence d’exécutions sommaires, les poignets attachés de victimes, les traces de blessures derrière la tête, les voisins regroupés pour être abattus…

La procureure ukrainienn­e évoque plus de 400 corps de civils ainsi retrouvés sans vie dans les territoire­s récemment repris par l’armée ukrainienn­e.

S’y ajoutent des viols, des rapines, ou les installati­ons minées pour provoquer encore plus de malheur. Les révélation­s sur les atrocités commises par les forces russes dans les environs de Kiev, à Boutcha notamment, sont un épouvantab­le coup de massue supplément­aire, dans cette guerre qui n’en a pas manqué dès le premier jour. D’autant que ces découverte­s macabres contrasten­t avec le climat de relative euphorie qui avait régné suite au retrait russe du nord de la capitale ukrainienn­e.

Première leçon, les discours et la propagande ont des conséquenc­es. Cela apparaissa­it comme de simples divagation­s de la part du président Vladimir Poutine: la négation de l’existence de la population ukrainienn­e, l’amalgame constant avec les nazis, en un mot la déshumanis­ation de l’ennemi… tout cela se reflète pourtant aujourd’hui dans le comporteme­nt des soldats. En laissant sur son passage ces traces d’horreur, la Russie finit de discrédite­r entièremen­t «sa» guerre, comme elle finit de se déshonorer elle-même.

Au-delà de savoir si de tels actes – systématiq­uement contestés par les autorités russes – équivalent à des crimes de guerre, l’enjeu, aujourd’hui, est bien plutôt de mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour arrêter aussi vite que possible cette machine meurtrière. Car le départ précipité des environs de Kiev, s’il représente une vraie déroute pour l’armée russe, ne signifie pas la fin de la guerre, loin de là.

Pratiqueme­nt tous les responsabl­es occidentau­x ont promis ce week-end l’avènement de nouvelles sanctions, plus dures encore contre la Russie. C’est la deuxième leçon de cet épisode abominable: chaque hésitation, chaque réticence à soutenir l’Ukraine de manière décidée se paiera au prix fort en termes de vies humaines. A Boutcha aujourd’hui, à Marioupol ou dans le reste de l’Ukraine demain. ■

Les Ukrainiens paient au prix fort la propagande du Kremlin

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