Londres célébré avec audace au Gstaad Menuhin Festival
La 65e édition du festival investira les églises de la région et une tente d’été à Gstaad. L’affiche met en valeur un répertoire à la couleur britannique dans un contexte de restrictions sanitaires pour l’instant maîtrisé
Déclinant la thématique de la ville de Londres, le Gstaad Menuhin Festival a vécu quelques sueurs froides ces dernières semaines à l’aube de sa 65e édition. Pas facile de faire venir des musiciens britanniques d’outreManche en période de pandémie et de Brexit! Moyennant quelques aménagements, l’affiche du festival reste quasiment intouchée, avec un bel équilibre entre concerts d’orchestre, musique de chambre et récitals, le tout dans des demi-jauges.
Le directeur Christoph Müller a apporté quelques changements de dernière minute dont il ne pouvait faire l’économie. «Nous avons été obligés de remplacer l’Academy of St Martin in the Fields pour le concert du 18 juillet. A cause des difficultés de voyage pour les musiciens anglais, c’était impossible de faire venir une formation de 35 musiciens. La violoniste Julia Fischer jouera non pas avec orchestre, mais avec deux jeunes talents. Et partir du 20 juillet, toutes les restrictions sont levées.» Plus de peur que de mal, donc, avec un moral au beau fixe à la perspective de pouvoir accueillir des festivaliers qui se sont rués sur la billetterie pour certains rendez-vous très attendus.
Jauges réduites, concerts doublés
A la différence du Verbier Festival et du Lucerne Festival, le Gstaad Menuhin Festival a des airs de saison de concerts. Etiré sur sept semaines, il accueille les mélomanes dans les églises de la région ainsi que sous une tente érigée à Gstaad. A elle seule, l’église de Saanen est un lieu merveilleusement poétique. On comprend que Lord Yehudi Menuhin, résident londonien qui a fondé une célèbre école de violon dans la capitale britannique, soit tombé amoureux de ce site exceptionnel, à la fin des années cinquante.
Pour faire face aux restrictions sanitaires encore en vigueur, les concerts se donneront dans des demi-jauges, de l’ordre de 300 personnes à l’église de Saanen et de 900 sous la tente à Gstaad. Le certificat covid ne sera pas exigé, avec différentes voies d’accès aux salles. Plusieurs concerts seront doublés un même soir, avec un programme d’environ 60 minutes. Les coupes de champagne et petits fours seront bannis à l’entracte, mais la musique, elle, résonnera avec beauté.
Daniel Hope en ouverture
Ancien élève de l’Ecole Menuhin à Londres, le violoniste anglais Daniel Hope (qui vit à Berlin) donne le «la» dès la mi-juillet. Artiste en résidence pour trois concerts, il jouera avec des compatriotes et le baryton américain Thomas Hampson. Le désormais sexagénaire Nigel Kennedy voyagera de Bach à Jimi Hendrix. Le pianiste Paul Lewis, disciple d’Alfred Brendel, les fameux King’s Singers, le Choeur Tenebrae et la mezzo-soprano suédoise Anne Sofie von Otter (dans un bouquet de «Shakespeare Songs») seront au rendez-vous. Le chef français Hervé Niquet et son Concert Spirituel déclineront un superbe programme Händel (musicien allemand d’adoption britannique) le 24 juillet à Gstaad.
Il y a de grands rendez-vous en août sous la tente. Le chef néerlandais Jaap van Zweden et le Gstaad Festival Orchestra accompagneront la pianiste-vedette Khatia Buniatishvili dans Tchaïkovski et la violoncelliste Sol Gabetta dans le poignant Concerto d’Elgar. Valery Gergiev et l’Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg (malgré la situation sanitaire préoccupante en Russie) donneront deux concerts avec, au menu, le ballet Roméo et Juliette de Prokofiev d’après Shakespeare. Ils accompagneront le Français Alexandre Kantorow, brillant lauréat du Concours Tchaïkovski de Moscou,
ainsi que la violoniste Alexandra Conunova.
L’opéra I puritani de Bellini, dont l’action se passe près de Plymouth en Angleterre, sera servi par une distribution de premier plan (Lisette Oropesa, Javier Camarena, Erwin Schrott…) avec l’Orchestre de la Suisse romande placé sous la conduite de Domingo Hindoyan. Le ténor péruvien Juan Diego Florez brillera dans un florilège d’airs italiens avec le Musikkollegium de Winterthour. Des duos de choc, comme Sol Gabetta et Bertrand Chamayou, Patricia Kopatchinskaja et Fazil Say, Nemanja Radulovic et Laure Favre-Kahn, Renaud Capuçon et les membres de l’Académie Menuhin de Rolle, nous promettent également de riches heures musicales.
A elle seule, l’église de Saanen est un lieu merveilleusement poétique. On comprend que Lord Yehudi Menuhin soit tombé amoureux de ce site exceptionnel
Si l’académie de chant est momentanément suspendue, l’académie de piano, l’académie de direction d’orchestre et celles pour musiciens amateurs auront bien lieu. Des jeunes cheffes et chefs auront le loisir d’éprouver leur talent naissant, sous les conseils de coachs et du redoutablement exigeant Jaap van Zweden, déjà venu en 2018. Il ne reste plus qu’à prier que la météo soit plus clémente que ces dernières semaines pour les concerts sous la tente…
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