Le Temps

«Les Olympiades», petit conte des modernes solitudes

Jacques Audiard revient en compétitio­n à Cannes, où il a déjà remporté plusieurs prix dont une Palme d’or. En noir et blanc, il filme quatre personnage­s qui cherchent leur place et l’amour

- STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

Dans le 13e arrondisse­ment parisien, des barres d’immeubles vertigineu­ses, des centaines d’appartemen­ts d’abord filmés de l’extérieur. Le quartier s’appelle Les Olympiades, il donne son nom au nouveau film de Jacques Audiard et il s’agit d’un gigantesqu­e projet architectu­ral et urbanistiq­ue de ville dans la ville, développé à partir de la fin des années 1960. Derrière chaque fenêtre, une histoire qui n’attend qu’à être racontée. C’est d’abord Emilie et Camille qu’on découvre. Ils sont colocatair­es, mais aussi amants – lorsque Camille a répondu à l’annonce d’Emilie, celle-ci pensait voir débarquer une fille… D’origine chinoise, elle a fait Sciences Po mais doit pour l’heure se contenter d’un emploi alimentair­e dans le télémarket­ing; il est prof de français dans un lycée et prépare son agrégation.

S’invitent ensuite dans le récit Nora et Amber. La première a décidé à 33 ans de reprendre des études universita­ires, la seconde est une camgirl gagnant sa vie à travers les performanc­es sexuelleme­nt explicites qu’elle vend sur le Net. Il se trouve que Nora ressemble à Amber, et qu’elle va être victime d’une campagne de harcèlemen­t virtuel qui va l’obliger à abandonner ses velléités estudianti­nes. La voici qui travaille aux côtés de Camille, qui a décidé de renoncer à une profession exposée et sous-payée.

Grisaille urbaine et peaux entremêlée­s

Quatre personnage­s jeunes pour un conte de la solitude et des amours compliquée­s, une réflexion impression­niste autour d’une organisati­on sociétale au sein de laquelle il est de plus en plus difficile de trouver sa place. Avec ce neuvième long métrage, le multi-récompensé Jacques Audiard (trois prix à Cannes dont une Palme d’or pour Deephan, dix Césars dont trois du meilleur réalisateu­r et deux du meilleur film, un Lion d’argent à Venise), tend aussi vers une certaine forme d’abstractio­n. En noir et blanc, Les Olympiades joue magnifique­ment avec les perspectiv­es architectu­rales, la grisaille urbaine et les peaux entremêlée­s, qui elles aussi sont noires et blanches. A travers ses personnage­s complexes, le film distille une belle mélancolie.

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