«Les Olympiades», petit conte des modernes solitudes
Jacques Audiard revient en compétition à Cannes, où il a déjà remporté plusieurs prix dont une Palme d’or. En noir et blanc, il filme quatre personnages qui cherchent leur place et l’amour
Dans le 13e arrondissement parisien, des barres d’immeubles vertigineuses, des centaines d’appartements d’abord filmés de l’extérieur. Le quartier s’appelle Les Olympiades, il donne son nom au nouveau film de Jacques Audiard et il s’agit d’un gigantesque projet architectural et urbanistique de ville dans la ville, développé à partir de la fin des années 1960. Derrière chaque fenêtre, une histoire qui n’attend qu’à être racontée. C’est d’abord Emilie et Camille qu’on découvre. Ils sont colocataires, mais aussi amants – lorsque Camille a répondu à l’annonce d’Emilie, celle-ci pensait voir débarquer une fille… D’origine chinoise, elle a fait Sciences Po mais doit pour l’heure se contenter d’un emploi alimentaire dans le télémarketing; il est prof de français dans un lycée et prépare son agrégation.
S’invitent ensuite dans le récit Nora et Amber. La première a décidé à 33 ans de reprendre des études universitaires, la seconde est une camgirl gagnant sa vie à travers les performances sexuellement explicites qu’elle vend sur le Net. Il se trouve que Nora ressemble à Amber, et qu’elle va être victime d’une campagne de harcèlement virtuel qui va l’obliger à abandonner ses velléités estudiantines. La voici qui travaille aux côtés de Camille, qui a décidé de renoncer à une profession exposée et sous-payée.
Grisaille urbaine et peaux entremêlées
Quatre personnages jeunes pour un conte de la solitude et des amours compliquées, une réflexion impressionniste autour d’une organisation sociétale au sein de laquelle il est de plus en plus difficile de trouver sa place. Avec ce neuvième long métrage, le multi-récompensé Jacques Audiard (trois prix à Cannes dont une Palme d’or pour Deephan, dix Césars dont trois du meilleur réalisateur et deux du meilleur film, un Lion d’argent à Venise), tend aussi vers une certaine forme d’abstraction. En noir et blanc, Les Olympiades joue magnifiquement avec les perspectives architecturales, la grisaille urbaine et les peaux entremêlées, qui elles aussi sont noires et blanches. A travers ses personnages complexes, le film distille une belle mélancolie.
■