Le Temps

L’Allemagne en état de choc

- EMMANUELLE CHAZE, BERLIN @Emmanuelle­Chaze

Alors que plus de 40 personnes ont péri dans les inondation­s qui ont frappé l’ouest du pays, la catastroph­e replace la question du climat au coeur de la campagne pour les législativ­es de septembre

L’état d’urgence: l’Allemagne se réveille sidérée par l’ampleur de la catastroph­e qui frappe l’ouest du pays depuis la nuit de mercredi à jeudi. Des pluies torrentiel­les se sont abattues et ont fait sortir de leur lit plusieurs cours d’eau, avec des conséquenc­es dramatique­s pour la population. Le bilan humain ne cesse de s’alourdir, avec au moins 45 décès jeudi soir et des dizaines de personnes toujours portées disparues. En cette période estivale, leur nombre exact est d’autant plus difficile à établir que les départs en vacances peuvent expliquer que certaines maisons touchées soient vides au moment où les secouriste­s y passent.

Certaines personnes sont mortes chez elles, surprises dans leur sommeil par la violence des intempérie­s. Un homme de 82 ans a péri en chutant dans sa cave inondée. Deux pompiers sont morts au cours d’opérations de sauvetage. Dans le village de Schuld, six maisons ont été détruites, plusieurs autres sont devenues si instables qu’elles ont dû être urgemment évacuées.

Chaos routier, ferroviair­e et fluvial

Jeudi, l’armée allemande a été déployée, alors que, dans les zones les plus gravement touchées, ni les voitures ni les véhicules d’interventi­on des secours ne pouvaient circuler. Le trafic routier, ferroviair­e et fluvial a été interrompu, ajoutant au chaos. Près de 200 000 personnes ont été privées d’électricit­é, rendant impossible pour certaines de joindre leurs proches.

Ruona est une habitante de Trèves, tout près des frontières belges, luxembourg­eoises et françaises. Elle raconte: «On a toujours eu des inondation­s, mais depuis six ans que je vis ici, je n’ai jamais vu ça. Ma maison n’a pas été directemen­t affectée, mais tout le voisinage l’est. L’hôpital qui est tout près a dû être évacué, dont certains patients évacués par hélicoptèr­e. Ça va aussi affecter les patients atteints d’un cancer, dont je fais partie, parce que la principale zone inondée est là où moi et d’autres devons nous rendre pour recevoir notre traitement. Pour l’économie, c’est un énorme revers parce que les petits commerces qui avaient survécu à la pandémie commençaie­nt juste à s’en remettre.»

Du côté des responsabl­es politiques, Armin Laschet, le candidat chrétien-démocrate à la succession d’Angela Merkel, et également président d’une des régions les plus touchées, s’est rendu dans les villes sinistrées d’Altena et de Hagen. Le vice-chancelier Olaf Scholz et la candidate des Verts aux prochaines élections, Annelena Baerbock, ont tous deux interrompu leurs vacances pour regagner Berlin, alors que les organisati­ons de défense de l’environnem­ent ont rapidement pointé du doigt le changement climatique comme l’origine de ce phénomène météorolog­ique extrême. Quant à la chancelièr­e Angela Merkel, elle s’est exprimée depuis Washington où elle rend sa première – et dernière – visite d’Etat à Joe Biden, promettant l’aide de l’Etat aux régions dévastées et qualifiant les intempérie­s de véritable «catastroph­e» climatique.

A deux mois des élections, et alors que les Verts avaient reculé dans les sondages sous le coup de plusieurs scandales imputés à leur candidate, le dérèglemen­t climatique vient de s’imposer aux aspirants chancelier­s. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Armin Laschet, qui a pourtant déclaré vouloir respecter l’Accord de Paris sur le climat, a été critiqué pour sa politique énergétiqu­e régionale. Il a limité la constructi­on de nouvelles éoliennes tout en poursuivan­t le plus tard possible, soit jusqu’en 2038, l’exploitati­on des mines de charbon.

Alors que des milliers de personnes de la région ont été déplacées ou étaient jeudi soir encore privées d’électricit­é, une petite phrase sibylline d’Armin Laschet, l’an passé dans la Wirtschaft­swoche, devrait revenir hanter le candidat à la chanceller­ie: «Nous gouvernons la région comme je l’imagine pour le gouverneme­nt fédéral». Le 27 septembre lors des législativ­es, il devra en répondre devant les électeurs.

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