L’Allemagne en état de choc
Alors que plus de 40 personnes ont péri dans les inondations qui ont frappé l’ouest du pays, la catastrophe replace la question du climat au coeur de la campagne pour les législatives de septembre
L’état d’urgence: l’Allemagne se réveille sidérée par l’ampleur de la catastrophe qui frappe l’ouest du pays depuis la nuit de mercredi à jeudi. Des pluies torrentielles se sont abattues et ont fait sortir de leur lit plusieurs cours d’eau, avec des conséquences dramatiques pour la population. Le bilan humain ne cesse de s’alourdir, avec au moins 45 décès jeudi soir et des dizaines de personnes toujours portées disparues. En cette période estivale, leur nombre exact est d’autant plus difficile à établir que les départs en vacances peuvent expliquer que certaines maisons touchées soient vides au moment où les secouristes y passent.
Certaines personnes sont mortes chez elles, surprises dans leur sommeil par la violence des intempéries. Un homme de 82 ans a péri en chutant dans sa cave inondée. Deux pompiers sont morts au cours d’opérations de sauvetage. Dans le village de Schuld, six maisons ont été détruites, plusieurs autres sont devenues si instables qu’elles ont dû être urgemment évacuées.
Chaos routier, ferroviaire et fluvial
Jeudi, l’armée allemande a été déployée, alors que, dans les zones les plus gravement touchées, ni les voitures ni les véhicules d’intervention des secours ne pouvaient circuler. Le trafic routier, ferroviaire et fluvial a été interrompu, ajoutant au chaos. Près de 200 000 personnes ont été privées d’électricité, rendant impossible pour certaines de joindre leurs proches.
Ruona est une habitante de Trèves, tout près des frontières belges, luxembourgeoises et françaises. Elle raconte: «On a toujours eu des inondations, mais depuis six ans que je vis ici, je n’ai jamais vu ça. Ma maison n’a pas été directement affectée, mais tout le voisinage l’est. L’hôpital qui est tout près a dû être évacué, dont certains patients évacués par hélicoptère. Ça va aussi affecter les patients atteints d’un cancer, dont je fais partie, parce que la principale zone inondée est là où moi et d’autres devons nous rendre pour recevoir notre traitement. Pour l’économie, c’est un énorme revers parce que les petits commerces qui avaient survécu à la pandémie commençaient juste à s’en remettre.»
Du côté des responsables politiques, Armin Laschet, le candidat chrétien-démocrate à la succession d’Angela Merkel, et également président d’une des régions les plus touchées, s’est rendu dans les villes sinistrées d’Altena et de Hagen. Le vice-chancelier Olaf Scholz et la candidate des Verts aux prochaines élections, Annelena Baerbock, ont tous deux interrompu leurs vacances pour regagner Berlin, alors que les organisations de défense de l’environnement ont rapidement pointé du doigt le changement climatique comme l’origine de ce phénomène météorologique extrême. Quant à la chancelière Angela Merkel, elle s’est exprimée depuis Washington où elle rend sa première – et dernière – visite d’Etat à Joe Biden, promettant l’aide de l’Etat aux régions dévastées et qualifiant les intempéries de véritable «catastrophe» climatique.
A deux mois des élections, et alors que les Verts avaient reculé dans les sondages sous le coup de plusieurs scandales imputés à leur candidate, le dérèglement climatique vient de s’imposer aux aspirants chanceliers. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Armin Laschet, qui a pourtant déclaré vouloir respecter l’Accord de Paris sur le climat, a été critiqué pour sa politique énergétique régionale. Il a limité la construction de nouvelles éoliennes tout en poursuivant le plus tard possible, soit jusqu’en 2038, l’exploitation des mines de charbon.
Alors que des milliers de personnes de la région ont été déplacées ou étaient jeudi soir encore privées d’électricité, une petite phrase sibylline d’Armin Laschet, l’an passé dans la Wirtschaftswoche, devrait revenir hanter le candidat à la chancellerie: «Nous gouvernons la région comme je l’imagine pour le gouvernement fédéral». Le 27 septembre lors des législatives, il devra en répondre devant les électeurs.
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