Le Temps

Violencia Rivas, une punk façon Almodóvar allume Genève

- MARIE-PIERRE GENECAND Violencia Rivas, Théâtre Saint-Gervais, Genève, jusqu’au 9 mai. Saintgerva­is.ch

Au Théâtre SaintGerva­is, Léa Pohlhammer donne vie – et quelle vie! – à une icône argentine avec, à ses côtés, un chien fou qu’on adore adorer

Une rebelle. Mais qui est aussi baroque et kitsch, sentimenta­le et cosmique. Sous les traits de Violencia Rivas, Léa Pohlhammer est «almodóvari­enne», sans cesse au bord de la crise de nerfs, insultant à tour de bras ses filles trop alignées et cette société de m… qui ne pense qu’à consommer. Et pendant que l’icône fustige, blasphème et frappe, son chien ange gardien (Adrien Barazzone, en grande forme) se secoue, danse et jappe. Depuis vendredi, le 7e étage du Théâtre Saint-Gervais est en feu et ce débordemen­t orchestré par Florence Minder fait merveille.

Violencia Rivas n’existe pas pour de vrai. En 2009, l’humoriste Diego Capusotto et le scénariste Pedro Saborido ont créé de toutes pièces cette artiste remontée qui casse du bourgeois et prétend qu’à la fin des années 1960 elle était punk bien avant les «Sex qui se tordent, les Cloches et les Danone», clin d’oeil potache aux Sex Pistols, Clash et Ramones. Le personnage incarné par Diego Capusotto plaît tellement qu’il est devenu, en Argentine et plus loin, une icône de la contestati­on drôle et trash.

Aliénation­s contempora­ines

Pas étonnant que Léa Pohlhammer, elle-même très drôle et parfois trash, ait voulu relayer cette critique énergique des aliénation­s contempora­ines. Et puis, chez les Pohlhammer, le punk est dans le sang. Sven, le papa, musicien à la gentilless­e légendaire, faisait crisser sa guitare au sein des Parabellum, groupe mythique pour les initiés (dont Virginie Despentes).

Qu’on se rassure. Pas besoin de connaître le punk sur le bout de ses cordes pour apprécier Violencia Rivas, tour de chant déjanté qui carbure à la critique sociale et à l’exaspérati­on familiale. D’un côté, rayonne la star, dont le t-shirt «Choose love» contraste joliment avec les chapelets d’insultes qu’elle envoie à la tête de ses huit filles, sociologue, psy, artistes, économiste, etc., qui, après avoir résisté, ont pactisé avec l’ennemi, siffle leur mère en s’adressant à des halos de lumière (Danielle Milovic et Loane Ruga aux éclairages). De l’autre, s’agite le chien largement décérébré et totalement dévoué à sa maîtresse qui fait monter le son et secoue ses puces à l’unisson. Au total, un grand moment de catharsis où, sur fond d’arc-enciel et de licorne (scénograph­ie de Patrick Schätti), tout se commente avec une furie canaille et pas mal de distance.

Dieu et la petite enfance

Pour dire quoi? Des colères connues, mais toujours pertinente­s contre l’aliénation de l’éducation, l’absurdité des fêtes et des institutio­ns qui font le bonheur de la consommati­on, le diktat de la beauté éternelle imposé aux femmes ou encore la nature sacrifiée sur l’autel du profit. Tout cela en paroles ou en chansons (arrangemen­ts musicaux de Fernando de Miguel), et couronné de deux moments d’anthologie: le passage où Violencia, un peu morte, rencontre Dieu et celui où elle singe une éducatrice de la petite enfance tout en se caressant le sexe.

Il faut oser et Léa, dont on a déjà plusieurs fois salué le talent comique, ose avec panache. Mais elle n’est pas seule. Sa caisse de résonance a une truffe, deux oreilles de cocker et un pantalon à paillettes (Aline Courvoisie­r aux costumes). En chien chien dévoué, Adrien Barazzone multiplie les coups de queue pour fêter sa maîtresse et le moment où il s’énerve avec l’accent flamand, façon Tg STAN, pour demander qu’on prenne soin de sa diva est à croquer. De la croquette au lance-flammes, la soirée fait du bien à l’âme.

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