«Il faut soutenir les futurs Logitech»
Cofondateur avec Jordi Montserrat en 2004 de Venturelab (le laboratoire du risque ou de l’audace), qu’il préside, Beat Schillig a lancé le mouvement de créations de start-up en Suisse. Il monte aujourd’hui au créneau pour demander un soutien fédéral adapté aux besoins des jeunes pousses
A quoi ressemblent actuellement vos journées? Normalement, je voyage beaucoup. Alors, mon quotidien a énormément changé. Je passe beaucoup de temps devant mon ordinateur. Mon dos et ma nuque s’en ressentent (rire). Le travail avec les start-up de notre incubateur s’est intensifié parce que beaucoup luttent pour leur survie. Avant de vous parler, j’étais par exemple au téléphone avec un entrepreneur lausannois pour parler de notre proposition pour une solution de soutien plus adaptée aux start-up.
Qu’attendez-vous du Conseil fédéral? Beaucoup de start-up n’ont pas encore de chiffre d’affaires et c’est le principal paramètre considéré pour l’octroi des crédits relais. Nous avons donc cherché une base de calcul mieux adaptée aux caractéristiques de ces sociétés. Nous proposons de prendre en considération l’argent perçu pour des projets de recherche et de développement (Innosuisse, projets européens), les prix à l’innovation reçus, de même que les montants décrochés dans les précédentes rondes de financement. Cela permettrait de sélectionner les sociétés très innovantes, souvent issues des hautes écoles suisses. Les règles du jeu resteraient les mêmes, à savoir l’octroi de prêts cautionnés par la Confédération.
Avec les start-up, il y a une part de risque plus élevée que pour une PME traditionnelle. Est-ce que la Confédération peut l’endosser? Selon nos données, 80% des start-up qui correspondent aux critères définis survivent, ce qui relativise la prise de risque. Mais surtout, pour beaucoup de ces entreprises, les collectivités publiques ont déjà investi des centaines de millions, voire des milliards qui seront perdus si ces entreprises disparaissent. On parle du futur Logitech ou Actelion. Il s’agit de notre avenir!
La Swiss Entrepreneur Foundation (SEF) a proposé un modèle différent pour octroyer les soutiens. Etes-vous en contact avec elle? Je connais la proposition, mais nous n’y avons pas collaboré. Les deux modèles peuvent vivre en parallèle. Les modalités d’octroi sont peut-être plus transparentes avec notre proposition puisque dans celle de la SEF, un groupe d’experts choisit les projets qui peuvent bénéficier d’un prêt.
La SEF demande 150 millions de francs. Quelle somme le Conseil fédéral devrait-il cautionner selon votre proposition? Nous venons de mener une étude rapide auprès des start-up. Plus de 600 entreprises y ont répondu et ont validé notre proposition. Selon nos calculs, il faudrait un fonds de quelque 280 millions de francs.
Avez-vous l’impression que le Conseil fédéral ne comprend toujours pas bien les spécificités du modèle des start-up? Je pense en effet que les spécificités de ces spin-off ne sont pas encore assez bien comprises. Je le répète: des milliards ont déjà été investis par les hautes écoles pour développer des technologies et ensuite les transférer et les valoriser. Un processus qui prend de nombreuses années. Mais maintenant que les fruits sont mûrs sur l’arbre, il faut se donner les moyens de les récolter. Il s’agit d’activités très porteuses pour l’avenir qui représentent déjà près de 5000 emplois en Suisse.
Les besoins actuels en liquidité sont très variables selon le secteur et la phase de vie de l’entreprise. Dans le domaine des biotechnologies, il faut du temps pour développer un médicament. Il pourrait s’agir d’un vaccin contre le Covid19.
Les start-up qui viennent de lever des fonds sont naturellement plus à l’abri. Elles peuvent continuer leurs développements, tout en étant attentives à leurs coûts et en ne recrutant pas trop. Par contre, pour les autres, c’est compliqué car les investisseurs sont et vont être plus réticents. Il faut aussi signaler les entreprises qui réalisent déjà un certain chiffre d’affaires, mais ne sont pas encore rentables.
Vous avez déjà vécu les crises de 2000, la bulle internet, et la crise financière de 2009. Est-ce que la situation est plus critique maintenant? Chaque crise comporte aussi ses bons côtés. Elle peut représenter un catalyseur et offre des chances. La particularité aujourd’hui, c’est qu’il y a beaucoup d’entreprises très prometteuses qui peuvent se retrouver au bord de la faillite. Et cela fait mal.
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