Le Temps

Boris Johnson gouverne depuis l’hôpital

Le premier ministre britanniqu­e, hospitalis­é dimanche soir, reste formelleme­nt chargé du gouverneme­nt. Mais son état de santé interroge, alors que le Royaume-Uni se prépare au pic de l’épidémie

- ÉRIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

Officielle­ment, la situation n’est pas trop inquiétant­e. Boris Johnson n’est à l’hôpital depuis dimanche soir que par «précaution» pour une batterie d’examens médicaux et il n’est ni aux urgences ni en réanimatio­n. La première nuit qu’il y a passée était «confortabl­e». L’évidence est pourtant là: onze jours après avoir été testé positif au Covid19, et donc plus de deux semaines après l’avoir contracté, l’état du premier ministre britanniqu­e ne s’améliore pas. La fièvre n’est pas retombée, la toux continue et son état est suffisamme­nt sérieux pour avoir nécessité une hospitalis­ation. Lundi dans la soirée, Boris Johnson n’était pas sorti de l’Hôpital Saint-Thomas, à Londres, et il restait «en observatio­n».

Lors de la conférence de presse quotidienn­e sur la pandémie, présidée lundi par Dominic Raab, le ministre des Affaires étrangères, tout a été fait pour ne surtout pas dévoiler plus d’informatio­ns. Les journalist­es ont bien posé les mêmes questions à répétition, s’interrogea­nt sur le fait que Boris Johnson restait formelleme­nt chargé du gouverneme­nt, alors qu’il aurait pu passer la main au «survivant désigné», à savoir Dominic Raab, qui doit lui succéder en cas d’incapacité. «Le premier ministre ne devrait-il pas se reposer?» a interrogé l’un d’eux. «Il n’est pas surhumain, certains pensent qu’il prend trop de risques…» a renchéri un autre. La réponse est restée ferme: le premier ministre est «en bonne forme» (in good spirit) et il demeure «en charge» des affaires du pays. D’ailleurs, il a publié sur Twitter qu’il était «en contact avec son équipe». Avec qui exactement? Dominic Raab, bien que présentant formelleme­nt le point de presse du jour, a dû admettre qu’il n’avait pas parlé au premier ministre depuis le week-end…

L’appel historique de la reine

Le besoin d’une prise en charge médicale sérieuse était clairement pressant. Sinon, jamais Boris Johnson n’aurait laissé cette informatio­n faire de l’ombre à l’allocution exceptionn­elle de la reine. Celle-ci, de quatre minutes, retransmis­e dimanche soir sur toutes les chaînes de télévision, a été regardée par 24 millions de téléspecta­teurs. Elle avait été requise par le gouverneme­nt, qui utilise l’immense popularité de la «grand-mère de la nation» pour faire passer un message: le pic de l’épidémie est à venir et il ne faut surtout pas abandonner les efforts de confinemen­t.

Le Royaume-Uni a jusqu’à présent enregistré 5373 décès du coronaviru­s dans les hôpitaux. Les dernières vingt-quatre heures ont été plutôt positives, avec 403 morts, en baisse par rapport à plus de 600 les trois jours précédents. Mais le pic de l’épidémie n’est pas attendu avant le week-end prochain, ce qui correspond à trois semaines après le début du confinemen­t obligatoir­e. Avec près de 18000 patients hospitalis­és, le bilan ne peut que s’aggraver.

Désormais, les critiques se concentren­t sur le manque de tests de dépistage

Dans ce contexte, Elisabeth II a fait appel au sens historique des Britanniqu­es, leur demandant de se comporter aussi bien que pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle espère que «ceux qui viendront après nous pourront dire que les Britanniqu­es de la génération actuelle ont été aussi forts que les autres». «La fierté de qui nous sommes n’appartient pas à notre passé, il définit notre présent et notre futur.»

La réponse unanimemen­t positive à ces mots tranche avec les vifs débats sur la politique de Boris Johnson depuis le début de la crise. La nonchalanc­e avec laquelle il a traité le danger initialeme­nt revient le hanter. Le 3 mars, alors que la situation était déjà très sérieuse en Italie, il avait visité les préparatif­s dans un hôpital où se trouvaient des patients malades du coronaviru­s et il avait reconnu «serrer la main de tout le monde». Il avait ensuite longuement hésité à imposer le confinemen­t, flirtant avec l’idée de «l’immunité de masse», qui consiste à laisser la maladie se répandre, provoquant ainsi l’immunité des personnes contaminée­s… Face au risque d’une hécatombe, il avait finalement fait demi-tour. Désormais, les critiques se concentren­t sur le manque de tests de dépistage de la maladie, y compris pour le personnel hospitalie­r. Autant de sujets auxquels Boris Johnson ne peut plus répondre en personne actuelleme­nt.

 ?? (SIMON DAWSON/REUTERS) ?? Lundi en soirée, Boris Johnson n’était pas sorti de l’Hôpital Saint Thomas, à Londres, où il restait «en observatio­n» selon la communicat­ion officielle.
(SIMON DAWSON/REUTERS) Lundi en soirée, Boris Johnson n’était pas sorti de l’Hôpital Saint Thomas, à Londres, où il restait «en observatio­n» selon la communicat­ion officielle.

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