L’ONU plaide pour un meilleur partage de la croissance mondiale
Selon les Nations unies, 700 millions de travailleurs vivent dans une «pauvreté extrême ou modérée». Pour l’organisation, les objectifs de développement durable seront difficilement atteignables d’ici à 2030
Le produit intérieur brut (PIB) ne dit pas tout sur l’état de l’économie. Dans ses prévisions pour 2020, publiées jeudi 16 janvier, l’Organisation des Nations unies (ONU) s’intéresse aux disparités qui se dissimulent derrière les moyennes statistiques, et à «la qualité de la croissance», notamment son impact sur l’environnement, que le PIB a bien du mal à mesurer. En ce début d’année, l’ONU s’inquiète des risques climatiques, de la baisse de la productivité et de la «montée de la colère dans le monde vis-à-vis des impacts sociaux et environnementaux de la croissance».
Ses estimations sont peu ou prou les mêmes que celles de la Banque mondiale, rendues publiques début janvier, à savoir une stabilisation, et peut-être même une légère reprise de l’économie mondiale, à 2,5% en 2020 contre 2,3% en 2019. Elle partage avec l’institution de Washington le constat d’une hausse «inquiétante» de l’endettement, qui rend la planète économie vulnérable au moindre choc.
«L’accumulation de la dette mondiale passe dans les actifs financiers plutôt que dans les investissements productifs, peut-on lire dans le rapport de l’ONU, ce qui illustre une déconnexion inquiétante entre le secteur financier et l’activité économique réelle.» Un phénomène nourri par la baisse des taux d’intérêt des banques centrales et amplifié par les incertitudes politiques et les tensions commerciales qui incitent les entreprises «à préférer perdre un peu d’argent dans des obligations à taux négatifs plutôt qu’à le placer dans des investissements productifs.»
«La faiblesse des investissements pourrait être à l’origine d’une stagnation de la productivité», juge Richard Kozul-Wright, directeur de la division de la mondialisation et des stratégies de développement à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Celle-ci piétine dans les pays riches, et progresse dans les économies émergentes et en développement à un rythme bien moins élevé qu’avant la crise financière de 2008. Conséquence: les salaires stagnent eux aussi, alors que le marché de l’emploi se porte bien.
«Bas salaires»
Cette situation paradoxale pourrait s’expliquer, d’après l’ONU, par la création d’emplois de «faible qualité» dans les pays développés, et «informels» ailleurs. Avec pour conséquence «une insécurité, des bas salaires et l’absence de protection sociale qui représentent un important défi aujourd’hui dans le monde».
Les travailleurs pauvres sont nombreux, surtout dans les pays où l’emploi se concentre dans le secteur informel. Selon les calculs des Nations unies, 700 millions de travailleurs vivent dans une «pauvreté extrême ou modérée».
«Les progrès dans la réduction de la pauvreté ont ralenti au cours des dernières années», déplore l’organisation. Elle croît en Amérique latine, dans les Caraïbes, au Moyen-Orient et au sein des pays qui dépendent des exportations de matières premières, dont les cours baissent depuis 2014. L’ONU avertit que les objectifs de développement durable seront difficilement atteignables d’ici à 2030.
A cette croissance qui ne parvient plus à faire reculer la pauvreté s’ajoute la menace du réchauffement climatique, aux «conséquences potentiellement catastrophiques», et qui risque de creuser les inégalités. «Les gouvernements doivent passer des objectifs de court terme à un développement mieux réparti sur le long terme, plaident les Nations unies. Les effets des politiques sur l’environnement et leur répartition dans la société doivent être mieux pris en compte.» ▅
«La faiblesse des investissements pourrait être à l’origine d’une stagnation de la productivité» RICHARD KOZUL-WRIGHT, CNUCED