A Morges, retour sur une année en dessins
La Maison du dessin de presse propose sa traditionnelle rétrospective annuelle. Pour le Neuchâtelois Vincent L’Epée, la caricature est plus que jamais nécessaire à la démocratie
Entre la grève des femmes, les marches pour le climat et l’inénarrable Trump, l’année 2019 fut riche en émotions et, pour les dessinateurs, en sujets. En parcourant la rétrospective présentée à la Maison du dessin de presse à Morges, on se remémore entre plaisir et déception les événements ayant marqué la Suisse et le monde. Découpée selon quelques grandes thématiques, l’exposition marque le dixième anniversaire du petit musée vaudois.
Le choix du «New York Times»
Cette année aura également été celle d’une décision radicale prise par le prestigieux New York Times, qui publiait notamment les dessins de Patrick Chappatte: les caricatures politiques sont désormais bannies de son édition internationale. Un choix que le collaborateur du Temps a sans tarder qualifié de très inquiétant. Vincent L’Epée, dont les croquis sont publiés par Le Journal du Jura, ArcInfo et Vigousse, a un avis bien tranché sur la question: «Le dessin de presse est un produit de notre démocratie, une espèce de phare. Et prudemment, on essaie de faire en sorte que cette lumière ne brille pas trop. Quitte à l’éteindre.»
Il poursuit, dans un soupir: «Quand on voit que le dessin de presse révèle un monde qui va mal, on se doit de ne pas lâcher nos crayons. Le signal envoyé par le New York Times est en effet très inquiétant pour le vivre-ensemble, la liberté d’expression, la liberté de rire et de réfléchir.» Mais heureusement, souligne le Neuchâtelois, dont on peut voir le travail à Morges, le dessin de presse reste préservé en Suisse. «C’est presque une espèce d’eldorado, on n’a jamais eu autant de dessinatrices et dessinateurs dans cette si petite région.»
Publication d’un livre
Sur 100 m2, 250 dessins de 26 dessinateurs sont montrés. Rien ne semble avoir échappé à la vigilance des professionnels du crayon. En première ligne, on retrouve donc évidemment le climat, les femmes et Trump, mais aussi la liberté de la presse, le Brexit, l’Amazonie en feu, la crise politique à Hongkong ou encore la vague verte des élections fédérales. Avec Valott, Ben, Chappatte, L’Epée, Alex, Caro et Debuhme, la fine fleur des caricaturistes romands – mais aussi alémaniques – croisent leur regard sur l’actualité.
«Cette année, pour la première fois, un livre accompagne la rétrospective. Car il est important de continuer à lutter pour le dessin de presse», explique Stéphanie Reinhard, la commissaire de l’exposition. L’administratrice de la Maison du dessin de presse annonce également vouloir développer la médiation scolaire. Une initiative qui s’inscrit dans une volonté de défendre et d’expliquer cette profession. Dans un contexte mondial où le dessin de presse tend à être menacé, cette rétrospective sonne ainsi comme une ode nécessaire à la liberté d’expression.
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