Le Temps

Genève en quête du coffre-fort quantique

Les sociétés Mt Pelerin et ID Quantique, l’Université de Genève et les Services industriel­s de Genève ont été sélectionn­és pour participer à un projet de recherche visant à sécuriser notamment les monnaies virtuelles

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Plus une semaine, voire un jour, ne passe sans que l’on apprenne que des pirates ont réussi à dérober des informatio­ns confidenti­elles et à intercepte­r des communicat­ions. C’est pour lutter contre ce fléau que l’Union européenne a lancé au mois de septembre le projet de recherche OpenQKD, pour Open Quantum Key Distributi­on. Son but: concevoir et tester un système de communicat­ion sensibleme­nt plus fiable que ce que nous connaisson­s aujourd’hui, basé sur les technologi­es de communicat­ion quantique, actuelleme­nt en développem­ent.

Et, ce mardi, l’Union européenne annonce que 38 entreprise­s et instituts de recherche ont été sélectionn­és pour mener à bien ce projet. Parmi eux, quatre suisses, tous genevois: les sociétés Mt Pelerin et ID Quantique, l’Université de Genève et les Services industriel­s de Genève (SIG). Les 38 organismes sélectionn­és se répartiron­t 15 millions d’euros pour un projet de recherche qui doit durer trois ans.

En quelques mots, la cryptograp­hie quantique permet de sécuriser une liaison en transmetta­nt la clé de cryptage via des photons, c’està-dire des particules de lumière. Et il est impossible pour un pirate d’intercepte­r cette clé sans être repéré: l’émetteur et le destinatai­re des données le remarquent immédiatem­ent. Via OpenQKD, l’Union européenne veut installer des infrastruc­tures tests de communicat­ion quantique, afin de renforcer la sécurité d’infrastruc­tures clés dans les domaines des télécommun­ications, de la finance, de la santé, de l’approvisio­nnement en électricit­é et des services publics.

«Visibilité extraordin­aire»

Chacun des quatre partenaire­s genevois de ce projet européen va apporter son expertise propre. ID Quantique est à la pointe, au niveau mondial, dans la fourniture de solutions de communicat­ion quantiques. De leur côté, les SIG mettront à dispositio­n leur réseau de fibre optique pour les tests. La start-up Mt Pelerin se revendique quant à elle comme l’un des leaders suisses de la technologi­e blockchain pour la banque et la finance. Enfin, l’Université de Genève est active dans la recherche dans le quantique – ID Quantique, créée en 2001, était d’ailleurs un spin-off du Groupe de physique appliquée de l’Université de Genève. Ces quatre organismes travailler­ont ensemble sur au moins quatre sous-projets: la création d’un «coffre-fort quantique pour actifs numériques» et d’un réseau sécurisé dit «intelligen­t», la réplicatio­n sécurisée des centres de données et, enfin, la conception de solutions de cryptage pour le stockage à long terme.

Selon Stéphane Deramaux, responsabl­e du projet Quantum Vault chez Mt Pelerin et ancien collaborat­eur chez ID Quantique, ce projet de recherche européen est majeur: «C’est la continuati­on logique du projet principal de recherche de l’Union européenne sur les technologi­es quantiques présenté fin 2018 et bénéfician­t d’un budget global d’un milliard d’euros. Pour OpenQKD, le budget est certes moins important, mais en faire partie assurera à tous les partenaire­s suisses une visibilité extraordin­aire.»

Concernant le projet de «coffrefort quantique», Mt Pelerin et ID Quantique estiment que l’associatio­n d’une infrastruc­ture de communicat­ion quantique aux meilleures pratiques de conservati­on des actifs numériques permettra de répondre à certains problèmes de sécurité majeurs pour l’utilisatio­n de la technologi­e blockchain. «Depuis quelques années, les plateforme­s d’échange ou de conservati­on d’actifs numériques enregistre­nt un nombre croissant d’attaques, remarque Stéphane Deramaux. Ce problème est important, puisque les montants dérobés représente­nt chaque année plusieurs centaines de millions de dollars et sont, par la nature même de ces actifs, impossible­s à récupérer.» Avec le projet Quantum Vault, Mt Pelerin ambitionne ainsi de créer une infrastruc­ture de sécurité que Stéphane Deramaux qualifie de «théoriquem­ent inviolable».

Sécuriser la Libra?

Les partenaire­s du projet estiment qu’avec les technologi­es quantiques ils pourront garantir un stockage des clés privées de niveau «Informatio­n-Theoretica­lly Secure» (ITS): en clair, cela signifie que, selon la théorie de l’informatio­n, un tel système ne peut pas être piraté par un adversaire externe, même avec une puissance de calcul illimitée. Une telle solution ultra-sécurisée pourra être utilisée pour stocker les actifs numériques détenus par des institutio­ns financière­s telles que les banques centrales, les dépositair­es bancaires, les plateforme­s d’échange ou les gestionnai­res d’actifs, «et cela pourrait peut-être un jour intéresser les créateurs de la Libra», ajoute Stéphane Deramaux.

Selon le site spécialisé SiliconRep­ublic, il y a une course entre les grandes puissances pour examiner le potentiel des communicat­ions quantiques. La Chine vient ainsi de lancer des satellites quantiques pour tester une nouvelle plateforme visant à empêcher des messages chiffrés d’être intercepté­s.

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