Embellie ou ralentissement? C’est encore la question
Ces dernières semaines, les titres bancaires et cycliques ont fortement rebondi, tandis que les titres défensifs de qualité marquaient le pas. Cela peut signifier que l'économie repart, mais rien n'est sûr.
La flambée des prix du pétrole et la crise au Proche-Orient qui menaçaient méchamment l'économie mondiale lundi dernier n'auront finalement été que de courte durée. Les risques d'un choc pétrolier ont bien failli occulter la réunion de politique monétaire de la Fed aux Etats-Unis, mais mardi soir tout était déjà presque rentré dans l'ordre. Le discours rassurant de l'Arabie saoudite laissait ainsi espérer un retour rapide à la normale de sa production d'or noir. Bref, les marchés n'ont même pas eu le temps d'avoir peur et étaient donc déjà pendus aux lèvres du président de la Fed, Jerome Powell, mercredi soir.
Et là… pas de surprises non plus: une baisse de 0,25% du taux directeur comme attendu, même si certains doutes avaient émergé à la suite de chiffres économiques un peu meilleurs et d'une légère remontée de l'inflation sous-jacente. Par contre, toujours autant d'incertitudes sur la suite puisqu'il y a des dissensions au sein du comité.
En effet, la baisse des taux n'a été décidée que par sept membres votants sur dix, deux gouverneurs ayant opté pour laisser les taux inchangés alors qu'un autre souhaitait une baisse d'un demi-point. En ce qui concerne les projections du taux d'ici à la fin de l'année, c'est encore plus le flou artistique puisque sur les 17 officiels qui se prononcent, sept seulement misent sur une nouvelle baisse des taux alors que les autres se partagent entre des taux inchangés et des taux plus élevés qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Etonnant, non?
En d'autres termes, les membres de la Fed ne sont pas plus éclairés que vous et moi sur ce qu'il va advenir de la croissance et de l'inflation ces prochains mois. A la différence près qu'ils ont à leur disposition 400 doctorants en économie… D'où les déclarations pleines de bon sens du patron: «Nous allons continuer à surveiller de près les données économiques, réunion après réunion» ou «Si nous jugeons que de nouvelles baisses sont nécessaires, nous le ferons et utiliserons tous les outils à notre disposition». Etonnant, non?
La prochaine réunion de ces oracles est fixée dans six semaines et, en attendant, les investisseurs restent livrés à leurs propres doutes, dont un nouveau qui les taraude depuis la rentrée scolaire: est-ce que la rotation sectorielle va se poursuivre? Ces dernières semaines, les titres bancaires et cycliques (tels que les équipementiers autos, Adecco, ABB ou Sika en Suisse) ont fortement rebondi, alors que les titres défensifs de qualité (secteur de la pharma ou Nestlé, par exemple) marquaient le pas de façon parfois violente.
Contrepied
Comme à chaque fois dans ce cas, à peu près tout le monde a été pris à contrepied puisque la tendance s'est inversée soudainement et violemment. La question est de savoir maintenant si le phénomène était temporaire – sorte d'effet de rattrapage «naturel», tel un élastique que l'on aurait trop tendu, tant les écarts de performances et de valorisations entre ces deux groupes avaient atteint des niveaux historiques – ou si c'est le premier signe d'une embellie conjoncturelle.
Y répondre revient donc à en déduire les prochains mouvements de la Fed. Puisque les incertitudes sont loin d'être levées – même pour elle – et que les performances enregistrées depuis le début de l'année sont pour ainsi dire inespérées, une gestion un tantinet plus prudente, aussi bien au sein des poches obligataires que des allocations actions, semble dorénavant s'imposer.
D'ailleurs le fameux Mark Twain notait justement «qu'octobre est un des plus mauvais mois pour investir en bourse… Les autres sont: juillet, janvier, septembre, avril, novembre, mai, mars, juin, décembre, août et février.» Soyez donc sur vos gardes!
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