Le Temps

Insérer 90% de jeunes grâce à l’esprit d’entreprise

- * «Auswertung der Umfrage bei Motivation­ssemestern» – Hochschule Luzern – 2017.

Chaque année, près de 1500 jeunes Vaudois arrivent sur le marché du travail sans aucun diplôme (OFS-StatVd). C’est un drame pour ces jeunes car ils resteront très souvent dans la précarité toute leur vie. C’est aussi un cassetête pour les autorités publiques qui tentent de les sortir de là. Le canton de Vaud a renforcé, depuis 2017, son offre de formation pour sortir ces jeunes de l’aide sociale. Le canton de Genève, qui compte également plus de 15% de jeunes adultes sans formation, vient de rendre l’école obligatoir­e jusqu’à 18 ans.

Une autre solution possible est le SEMO. Ce type de centre offre au jeune sans formation et sans emploi un «semestre de motivation» pour lui permettre de décrocher un apprentiss­age. Au cours de ces quelques mois de transition, le jeune pourra combler ses lacunes scolaires en mathématiq­ue et en français; développer ses compétence­s pratiques en atelier profession­nel; recevoir un coaching pour promouvoir sa candidatur­e.

Les 76 SEMO répartis dans toute la Suisse se sont occupés de 5563 jeunes en 2017*. Cela a permis à 53% d’entre eux de décrocher une place d’apprentiss­age ou de se lancer dans une formation profession­nalisante. 15% ont trouvé un stage ou directemen­t un job tandis que 32% restaient sans rien, selon une étude de la HES de Lucerne. Les SEMO font partie de ce qu’on appelle les «entreprise­s sociales» dont la plupart ont une vocation de réinsertio­n et vivent de subvention­s. L’assurance chômage verse environ 110 francs par jour et par jeune en SEMO, ce qui représente 95% des financemen­ts des SEMO suisses.

Avec un taux de placement de près de 90% ces dernières années, le SEMO Chablais est particuliè­rement efficace. Sa recette? Se distancier d’une approche souvent très socio-éducative et privilégie­r une démarche entreprene­uriale. «Les jeunes travaillen­t pour de vrai et cela fait la différence», explique le directeur, Pascal Brunner. Les ateliers offrent des prestation­s qui font l’objet de contrats avec des délais à respecter, des clients à satisfaire et in fine une rémunérati­on. L’équipe cuisine prépare 600 repas et goûters par jour livrés dans des institutio­ns scolaires ou servis dans des garderies locales tandis que les futurs employés de commerce gèrent les inscriptio­ns et les factures et que la buanderie lave quotidienn­ement 70 kilos de linge. La boutique de vêtements de seconde main a pignon sur rue, une vitrine animée par le groupe décoration d’intérieur, et bientôt une plateforme informatiq­ue d’e-commerce conçue par les informatic­iens en herbe. Enfin, la participat­ion à des chantiers d’utilité publique permet une initiation aux métiers manuels, du bâtiment et du bois. Résultat, les jeunes se responsabi­lisent.

Parallèlem­ent, le SEMO Chablais a pu augmenter ses ressources financière­s de 50% en sept ans: un autofinanc­ement qui permet d’investir. «L’intégralit­é de nos bénéfices va à l’insertion des jeunes. Nous misons énormément sur l’encadremen­t. Ce sont des jeunes qui ont particuliè­rement besoin d’attention. Aujourd’hui, ils bénéficien­t de cours de français ou de coaching quasi privés» explique Pascal Brunner. Avec un taux d’encadremen­t de 2,7 adultes par jeune contre 4,5 en moyenne suisse, le SEMO Chablais offre en effet presque du sur-mesure.

Enfin, une partie des fonds récoltés a permis de construire deux nouveaux bâtiments: des locaux modernes, plus grands, bien équipés facilitent aussi la prise en charge et contribuen­t à la motivation.

Comme les SEMO reçoivent d’importante­s subvention­s fédérales pour chaque jeune, ils n’ont pas de vocation lucrative, et les prestation­s fournies par ceux-ci dans le cadre d’un atelier de formation ne doivent pas concurrenc­er l’économie privée. «C’est logique et nous y sommes évidemment très attentifs. Nous cherchons des mandats qui n’intéressen­t pas les prestatair­es privés parce qu’ils ne sont pas assez rentables ou des prestation­s complément­aires à leur activité. Cela nous permet de travailler tout en étant utiles, par exemple avec notre service de location de gobelets réutilisab­les pour les communes environnan­tes ou en participan­t activement à des manifestat­ions sportives et culturelle­s de la région», résume Pascal Brunner.

Dès lors, pourquoi ne pas répliquer cette formule qui marche, ailleurs?

Avec un taux d’encadremen­t de 2,7 adultes par jeune contre 4,5 en moyenne suisse, le SEMO Chablais offre en effet presque du sur-mesure

 ??  ?? ISABELLE TASSET CANDIDATE AU CONSEIL NATIONAL , COPRÉSIDEN­TE DU PDC VAUD, AUTEURE DE «PLACE AUX JEUNES!» (ÉD. CABÉDITA)
ISABELLE TASSET CANDIDATE AU CONSEIL NATIONAL , COPRÉSIDEN­TE DU PDC VAUD, AUTEURE DE «PLACE AUX JEUNES!» (ÉD. CABÉDITA)

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland