«Cette colère peut être une chance»
Sommé d’apporter une réponse politique à la crise qui enflamme le pays, Emmanuel Macron a lancé la contre-offensive lundi soir lors d’un discours à la nation. Tour d’horizon des mesures annoncées pour apaiser la colère des «gilets jaunes»
Une intervention courte et à la première personne. Une série de décisions sociales concrètes, suivie de promesses fortes mais vagues sur une refondation politique en vue d'un «nouveau contrat pour la nation». Emmanuel Macron a choisi de parler brièvement lundi, lors de son intervention télévisée à 20 heures, après quatre samedis de manifestations, d'émeutes et de violences à travers la France quadrillée par les «gilets jaunes» en colère.
Ceux qui attendaient des gestes sociaux de la part du président français en ont obtenu. Le salaire minimum – le SMIC – augmentera de 100 euros à partir du 1er janvier 2019. Les heures supplémentaires seront défiscalisées et exemptées de charges, comme sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Les entreprises seront incitées à verser une prime de fin d'année sur laquelle ne pèseront ni impôts ni cotisations. Les hausses de taxes annoncées seront annulées pour tous les retraités qui perçoivent moins de 2000 euros par mois…
Coup de pouce financier
Au total, un réel coup de pouce financier est acté, doublé par la confirmation de l'abandon de l'augmentation prévue des taxes sur le carburant, à l'origine de la levée de boucliers transformée au fil des semaines en quasi-insurrection. Quid, en revanche, de mesures plus structurelles? Quid d'une réforme plus importante de la fiscalité pour diminuer la pression sur les ménages modestes et sur la classe moyenne? Rien n'est venu de ce côté-ci. La demande symbolique – répétée sans cesse par les manifestants – d'un retour de l'impôt sur la fortune (ISF), partiellement abrogé en 2017, n'a pas été retenue. Fidèle à son approche libérale, le chef de l'Etat français a au contraire répété que sa suppression avait permis de contenir l'exil des capitaux en dehors de France, et que cela servait la création d'emplois.
Pas de remaniement
Le plus étonnant n'était peutêtre pas, d'ailleurs, dans ces annonces financières difficilement évitables, vu l'«état d'urgence économique et social». A ce niveau de tensions, Emmanuel Macron devait lâcher du lest. Plus marquante en revanche aura été l'absence, hier soir, de décision politique majeure, hormis cet engagement à accoucher d'un «nouveau contrat pour la nation». Le tout ponctué de «je», pour bien marquer qu'il reste, au sommet de l'exécutif, le premier responsable des changements à venir.
Point clef: le premier ministre Edouard Philippe, issu de la droite, n'est pas remplacé et le gouvernement n'est pas remanié. Autre élément révélateur: l'absence de toute référence, dans ce discours présidentiel d'une quinzaine de minutes, à l'extension du référendum d'initiative populaire, pour ouvrir la porte à plus de démocratie directe, revendication fréquente chez les «gilets jaunes». «Les bonnes politiques émergeront du terrain» a promis Emmanuel Macron, qui a placé les maires au centre du jeu institutionnel à venir. «Le débat se déroulera partout, sur le terrain. Un débat sans précédent. Un débat au niveau national», a-t-il déclaré, proposant aux Français une sorte de nouvelle «grande marche», comme celle organisée durant sa campagne victorieuse. Le face-à-face va donc se poursuivre. Certes, Emmanuel Macron a joué la compassion, citant les difficultés des familles modestes ou des mères de famille isolées pour joindre les deux bouts. Certes, le chef de l'Etat a promis de recevoir cette semaine les grandes entreprises pour les convaincre de faire un effort en termes de salaires. Certes, le rôle des élus – qu'il ira rencontrer dans chaque région – est désormais réhabilité. Mais tout en proposant «d'assumer tous ensemble tous nos devoirs», le président français a en réalité opté pour la poursuite du «tête-àtête» avec le peuple. A ses risques et périls dans un pays où sa cote de popularité n'a jamais été aussi faible, à près de 20%.
Le SMIC augmentera de 100 euros à partir de 2019
«Si je me suis battu pour bousculer le système politique, c'est pour vous. Ma légitimité, je ne la tiens que pour vous», a ainsi asséné Emmanuel Macron après avoir, d'emblée, affirmé que «les violences doivent cesser et le calme et l'ordre doivent régner». «Cette colère profonde, juste à bien des égards, peut être notre chance», a-t-il poursuivi. Pas sûr que les «gilets jaunes», dont il est devenu la bête noire et la cible de toutes les critiques, aient envie de l'aider à refonder son quinquennat.
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