Notes de frais à la genevoise
Le conseiller national PDC entame la campagne en vue de sa réélection de la pire des manières. Ses tribulations genevoises peuvent-elles nuire à sa candidature à Berne?
Le rapport de la Cour des comptes sur les pratiques du Conseil administratif de la Cité de Calvin a fait du bruit bien au-delà de la Suisse romande. Egalement conseiller national, le PDC Guillaume Barazzone doit-il craindre pour sa réélection à Berne?
Pouvait-on imaginer pire début de campagne en vue des élections fédérales? Guillaume Barazzone, conseiller administratif en ville de Genève et conseiller national PDC, occupe intensément les colonnes des journaux et les ondes médiatiques depuis deux semaines. Les raisons de cette omniprésence peuvent pourtant faire douter les Genevois, le 20 octobre 2019.
Le 17 octobre, il a révélé devant le parlement municipal qu’il avait, lui aussi, fait le voyage à Abu Dhabi pour y suivre le Grand Prix de Formule 1 en 2017, sur l’invitation d’un ami. La même escapade a valu à Pierre Maudet une mise en prévention. Les circonstances des deux périples sont apparemment différentes. Il n’empêche que le Ministère public a ouvert une procédure pour acceptation d’un avantage suite au discours du PDC.
Jeudi, la Cour des comptes a donné le second coup de semonce. Dans un rapport aux effets dévastateurs pour le collège gouvernemental auquel appartient Guillaume Barazzone, les juges parlent du système de remboursement des frais des élus comme d’une «organisation opaque couplée à une exemplarité défaillante». L’audit donne des exemples précis et nominaux. Avec un total de 42224 francs en 2017, Guillaume Barazzone est de loin le ministre le plus dépensier. Jeudi, il a d’ailleurs annoncé avoir reversé à la ville 51896 fr. Selon son calcul, cette somme remet sa consommation de téléphonie mobile (17000 fr. en 2017) dans la moyenne des autres ministres. Elle inclut également les achats, effectués entre 1h et 6h du matin depuis le début de son mandat, sur lesquels des doutes étaient permis quant à leur lien avec la fonction publique à laquelle les Genevois avaient élu le PDC. «Prise de conscience»
La course pour Berne est encore longue. Cette conjonction d’événements peut-elle empêcher l’élu de voir l’arrivée? «Le PDC regrette les fautes commises par Guillaume Barazzone, répond son président cantonal, Vincent Maitre. Ça n’en fait pas moins un excellent conseiller national. Il est reconnu comme tel dans tous les cantons, son bilan parle pour lui. L’affaire qui le concerne représente certes un dégât d’image, mais j’espère que les électeurs sauront faire la pesée des intérêts entre ses compétences pour défendre Genève à Berne et des écarts regrettables. La présidence de notre parti s’est entretenue avec Guillaume Barazzone et lui a signifié qu’elle exige de lui un comportement irréprochable. Je crois pouvoir dire que cette affaire a déclenché une réelle prise de conscience.»
Au sein de l’Entente, le cousin PLR ne se montre pas excessivement pessimiste. Pour le conseiller national PLR Benoît Genecand, «le fait qu’un de nos cocandidats soit dans la gonfle ne le transformera pas en boulet» durant la campagne électorale. «C’est en ville de Genève, où le gouvernement est massivement de gauche, que la situation est très gênante, reprend-il. Guillaume Barazzone n’est pas entouré de vertueux. Cet exécutif ne peut donner aucune leçon.»
Plus largement, le PLR regrette que «le volume de bruit et d’espace que prennent ces affaires successives ne permet pas de se concentrer sur les thématiques qui sont importantes pour la droite, comme la liberté individuelle, qui pourraient se retourner contre nous».
Les ambitions fédérales du PDC
Pour le parti de l’élu PDC, cette situation est d’autant plus regrettable que la démographie cantonale galopante peut lui ouvrir des horizons. Genève passera en effet de 11 à 12 conseillers nationaux en 2019. «Conquérir ce siège supplémentaire est une ambition clairement affichée, reprend Vincent Maitre. Le PDC le mérite largement, au vu des dernières élections cantonales.» La direction du parti est d’ailleurs en train de «mûrir sa réflexion» sur l’identité de ses candidats. «Je veux une liste qui soit basée sur l’authenticité, la qualité et l’intégrité, dans la droite ligne du discours que j’ai tenu le 4 octobre lors de mon élection à la présidence», dit Vincent Maitre.
Si le parti centriste peut nourrir de légitimes ambitions, une première étude menée par l’Université de Genève cet automne indique que c’est vers la gauche que penche ce siège surnuméraire, en particulier les Verts. Les déboires du PDC pourraient renforcer cette tendance. «Nous voulons convaincre grâce à nos idées et aux préoccupations grandissantes pour la préservation de la planète. Le reste ne nous intéresse pas», se contente de répondre la conseillère nationale verte Lisa Mazzone.
En Suisse alémanique, où la Neue Zürcher Zeitung a relayé les chiffres issus du rapport de
Au sein de l’Entente, le cousin PLR ne se montre pas excessivement pessimiste
la Cour des comptes genevoise, certains tombent des nues en découvrant les faits.
«L’image de Pierre Maudet était déjà catastrophique suite à l’éclatement de l’affaire qui porte son nom, dit une personne connaissant bien la politique bernoise. La similarité des faits va déteindre sur Guillaume Barazzone. Cette histoire de notes de frais va aggraver son cas.» Au point que «la carrière de candidat potentiel au Conseil fédéral du PDC est morte».
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