Le Temps

L’exposition de Shanghai, symbole du rééquilibr­age de la Chine

- DAVID LIAO PRÉSIDENT DE LA DIRECTION DE HSBC CHINE

En Chine, les goûts des consommate­urs évoluent rapidement. Il y a sept ans, le pays importait seulement environ 30 tonnes d’avocats, qui n’apparaissa­ient que rarement sur les tables à manger chinoises. En 2017, la Chine en a acheté 32200 tonnes, assez pour faire 200 millions de toasts à l’avocat.

On a beaucoup parlé ces dernières années de l’opulence des nouveaux riches chinois et de leur impact démesuré sur tout, des montres de luxe suisses aux sacs à main de designers en passant par les énormes yachts. En revanche, on parle beaucoup moins de l’ouverture et de la sophistica­tion croissante­s de la consommati­on, de la diffusion de la richesse des centres urbains aux zones rurales, alimentées par les nouvelles génération­s mieux éduquées et connaissan­t le web.

Alors que la montée du protection­nisme et les tensions commercial­es créent un malaise croissant pour les entreprise­s du monde entier, il est l’heure pour les entreprise­s suisses internatio­nales de reconsidér­er ces nouveaux consommate­urs et leur potentiel à stimuler la demande de biens provenant de pays à des milliers de kilomètres.

Il y a peu de doute quant à l’importance de la Chine comme un marché cible pour les entreprise­s mondiales. Selon des estimation­s officielle­s, le pays importera pour 8000 milliards de dollars américains de marchandis­es au cours des cinq prochaines années, de 2018 à 2022. Cela représente une moyenne de 1600 milliards de dollars américains par an, autrement dit, plus du double du produit intérieur brut de la Suisse l’année dernière.

Le rapport Navigator annuel de HSBC prévoit une croissance de la valeur des importatio­ns de marchandis­es en Chine d’environ 8% par an en moyenne entre 2017 et 2030, reflétant à la fois la demande de biens intermédia­ires pour transforma­tion et de biens finaux pour satisfaire une population chinoise de plus en plus riche.

C’est comme si la Chine faisait ses adieux à une croissance fondée sur les exportatio­ns et les investisse­ments dirigés par l’Etat et encouragea­it de plus en plus son 1,4 milliard d’habitants à consommer. Le modèle des marchandis­es made in China destinées à l’étranger est en train de passer à un modèle dans lequel la Chine devient elle-même une destinatio­n pour des produits fabriqués ailleurs.

La prochaine exposition internatio­nale sur les importatio­ns internatio­nales de Chine à Shanghai symbolise ce rééquilibr­age. Auparavant, les salons commerciau­x en Chine portaient sur ce que les entreprise­s chinoises pouvaient vendre au monde. Cet événement, en revanche, concerne les vendeurs internatio­naux, qui présentero­nt pendant six jours en novembre des produits allant des aliments aux médicament­s en passant par les produits électroniq­ues grand public et les voitures.

Ils sont attirés par un pouvoir d’achat qui a explosé au cours des 40 dernières années, depuis que Pékin a adopté des réformes économique­s et ouvert le pays aux investisse­urs étrangers. En 2017, le revenu disponible par habitant des ménages urbains était de 36396 yuans (5600 dollars), soit cent fois plus qu’en 1978. Les revenus des ménages ruraux ont, eux aussi, grimpé.

Et les consommate­urs chinois ne sont pas juste devenus plus riches. Selon un rapport de l’institut McKinsey, ils font également de plus en plus attention à leur santé, à l’environnem­ent, et à la qualité de ce qu’ils achètent. Les entreprise­s en prennent bonne note… et les producteur­s d’avocats ouvrent la voie.

Le phénomène du commerce électroniq­ue doit aussi être signalé tant il a contribué à élargir la consommati­on. De nos jours, même les parents des zones rurales les plus reculées peuvent acheter du lait en poudre et des couches de marque pour leur bébé en se rendant dans des dépôts de produits dans les villages ou en faisant appel à la livraison par tricycles, voire par drones.

Il est vrai que vendre sur un marché vaste, complexe et en rapide évolution, comme la Chine, n’est pas sans défis. A mesure que l’économie mûrit, la hausse des revenus s’essouffle. Sans compter que les tensions commercial­es actuelles affectent naturellem­ent la confiance des entreprise­s et des consommate­urs.

De plus, les entreprise­s étrangères doivent être en mesure de réagir à l’évolution constante des goûts et des mutations dans les domaines du commerce électroniq­ue et des outils de paiement numérique. Et elles doivent se préparer à l’intensific­ation de la concurrenc­e des entreprise­s locales, de plus en plus à la pointe de la technologi­e et plus agiles.

Mais rien de tout cela ne devrait occulter l’énorme potentiel à long terme que représente­nt 1,4 milliard de consommate­urs pour les exportateu­rs du monde entier. Du membre de la génération Y prenant un brunch dans un café de Shanghai aux parents qui attendent des couches dans un village du Hunan, les consommate­urs chinois deviennent de plus en plus riches et avisés. Maintenant plus que jamais, ils représente­nt un marché essentiel pour les entreprise­s à travers le monde. C’est pour cette raison que les exportateu­rs du monde entier seront à Shanghai en novembre et que toutes les entreprise­s aux ambitions internatio­nales devraient se rendre prochainem­ent en Chine.

A mesure que l’économie mûrit, la hausse des revenus s’essouffle

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