Le Temps

Jair Bolsonaro, la religion dévoyée

- STÉPHANE BUSSARD t @StephaneBu­ssard

A quelques jours du second tour de la présidenti­elle brésilienn­e, c’est une quasi-certitude: le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro sera élu face au candidat du Parti des travailleu­rs Fernando Haddad. L’homme est loin d’incarner le changement, ayant déjà passé vingt-sept ans au parlement. Né catholique, mais baptisé en 2016 par un pasteur évangéliqu­e dans les eaux du Jourdain pour mieux formaliser sa relation avec les milieux protestant­s, il défend très mal les valeurs de la religion: insultant les femmes, les homosexuel­s, lâchant des commentair­es racistes, il est à mille lieues d’incarner les valeurs chrétienne­s. Il bénéficie pourtant du soutien écrasant des évangéliqu­es dont la progressio­n au Brésil est passée en trente ans de 6,6% de la population à près de 30%. Un fait remarquabl­e dans un pays qui comptait encore, en 1970, 90% de catholique­s.

Ce paradoxe renvoie directemen­t à un autre personnage: Donald Trump. Comme Jair Bolsonaro, le président américain a été marié à plusieurs reprises. Tantôt prédateur sexuel, tantôt misogyne, il a eu droit aux faveurs des évangéliqu­es pour accéder à la Maison-Blanche. Ces derniers lui vouent un soutien indéfectib­le. Motif: il est pour eux le meilleur moyen de voir mis en oeuvre leur agenda ultra-conservate­ur. Leur stratégie est en train de payer. Avec l’accession à la Cour suprême des EtatsUnis de Brett Kavanaugh, lui-même accusé par plusieurs femmes d’avoir abusé d’elles, ils ont obtenu le graal: une majorité conservatr­ice pour plusieurs décennies qui permettra de mettre fin, par le biais d’une justice ultra-politisée, à la libéralisa­tion des moeurs dans la société américaine.

Jair Bolsonaro a bien compris que les évangéliqu­es étaient sa plus grande chance de l’emporter. Dans un pays miné par le chômage, la corruption et la criminalit­é, la pseudo-religion du candidat est une stratégie efficace, bien que machiavéli­que, de s’attirer le vote des pauvres, désespérés. C’est aussi une façon de s’ériger en défenseur des grands propriétai­res (protestant­s) qui voient en ce nostalgiqu­e de la dictature le président capable d’imposer l’ordre d’une main de fer. Que ce soit au Brésil ou aux Etats-Unis, les évangéliqu­es ont saisi dans ce nouveau Kulturkamp­f du XXIe siècle que l’Eglise redevient un formidable instrument du pouvoir.

Les évangéliqu­es imposent leur agenda ultra-conservate­ur

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