Le Temps

Pour une protection contre l’obsolescen­ce programmée

- GÉRALDINE MARCHAND-BALET CONSEILLÈR­E NATIONALE (PDC/VS)

Des iPhone à durée de vie limitée? Nous avons tous été choqués d’apprendre, l’année dernière, que la société Apple avait probableme­nt volontaire­ment réduit la performanc­e de certains de ses téléphones portables. Autrement dit, Apple a été accusé d’obsolescen­ce programmée, c’est-à-dire d’avoir délibéréme­nt réduit la durée de vie de ses téléphones pour inciter, voire obliger, les consommate­urs à en racheter un plus rapidement. Les cas d’obsolescen­ce programmée se sont multipliés ces derniers temps, ce qui coûte cher au consommate­ur suisse et génère un gâchis inacceptab­le. Aujourd’hui, le politique réagit.

Les exemples d’obsolescen­ce programmée sont malheureus­ement de plus en plus nombreux. Le fabricant d’imprimante­s Epson a été accusé de donner des indication­s trompeuses sur le niveau d’encre de ses cartouches. On a reproché à Samsung de concevoir des téléphones qui n’étaient pas réparables. On parle aussi de téléviseur­s dont le condensate­ur est sous-dimensionn­é, de machines à café trop coûteuses à réparer, de brosses à dents électrique­s dont on ne peut pas changer la pile, de textiles dont les fibres s’usent beaucoup plus vite qu’avant, de machines à laver conçues pour ne tenir que 2000 lavages…

Tout cela accélère le rythme de remplaceme­nt des produits et impacte le budget des consommate­urs. Le taux de renouvelle­ment des lavelinge au bout de cinq ans a, par exemple, été multiplié par deux ces dernières années sur le marché français. Les téléphones portables sont en moyenne remplacés tous les vingt mois.

Ne rien faire, c’est en quelque sorte accepter l’avènement de la société du «jetable» avec toutes ses conséquenc­es néfastes. Le consommate­ur est fortement pénalisé au plan financier puisqu’il doit sans cesse racheter de nouveaux produits. Et les effets sur l’environnem­ent sont énormes puisque de nombreuses machines sont jetées prématurém­ent, ce qui augmente les problèmes de recyclage et accélère l’épuisement de matières premières non renouvelab­les. Bref, continuer ainsi, c’est aller vers un énorme gâchis.

La France est le premier pays à avoir empoigné cette question. Depuis 2015, une loi permet de poursuivre les entreprise­s qui réduisent «délibéréme­nt la durée de vie d’un produit» pour «en augmenter le taux de remplaceme­nt» ainsi que de les condamner jusqu’à 300000 euros d’amende et 2 ans de prison. Plusieurs concepteur­s de produits high-tech ont déjà été attaqués sur la base de cette loi.

D’autres mesures sont prévues. En 2019, les consommate­urs français pourront déposer plainte de manière facilitée grâce à l’inaugurati­on d’un portail en ligne où un suivi de leur plainte sera assuré par la direction de la concurrenc­e lorsque la durée de vie du produit ne correspond pas à la garantie légale. Et à partir de 2020, la France lancera un indice de «réparabili­té» qui sera attribué à chaque produit pour faire pression sur les fabricants et aider les consommate­urs.

Les entreprise­s exportatri­ces suisses sont donc appelées à être de plus en plus vigilantes face à cette thématique de l’obsolescen­ce programmée. Et ce d’autant plus que le gouverneme­nt français a annoncé vouloir porter cette question au niveau européen.

Face à ces évolutions, il est clair que la Suisse doit aussi s’interroger sur son propre cadre légal à mettre sur pied. Plusieurs solutions pratiques sont à explorer, comme: prolonger la durée de vie garantie des objets (certains parlent de cinq ans), afficher la durée de vie prévue sur le produit au moment de l’achat, comme le suggère l’ONU, favoriser la réparabili­té, améliorer la disponibil­ité des pièces détachées.

Le Conseil fédéral s’est montré sensible à cette question. Il va lancer une étude suite à mon postulat. La lutte contre l’obsolescen­ce programmée s’organise. Et c’est une bonne chose car les consommate­urs suisses ne doivent pas être trompés par des produits qui vieillisse­nt prématurém­ent.

Ne rien faire, c’est en quelque sorte accepter l’avènement de la société du «jetable» avec toutes ses conséquenc­es néfastes

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