UN BALAI LÉGISLATIF POUR DIMINUER LA MONTAGNE D’ORDURES
DEPUIS QUE LA RÉSOLUTION «ZÉRO DÉCHET» A ÉTÉ ADOPTÉE EN 2003, SAN FRANCISCO S’ADONNE AU NETTOYAGE GÉNÉRAL À TOUS LES NIVEAUX. QUELQUES MESURES PHARES
Tout commence en 2002 lorsque la Californie fixe pour ses municipalités l’objectif de recycler 50% de leurs déchets à l’horizon 2010. Un jeu d’enfant pour San Francisco, qui récupère déjà près de 46% de ses poubelles. La cité du Golden Gate décide de viser plus haut: 75% en 2010 et, pourquoi pas, zéro déchet envoyé en décharge ou en incinérateur plus tard. En 2003, l’échéance est agendée à 2020.
La ville et la coopérative Recology, qui gère ses déchets, se mettent alors au travail et misent sur le compostage et le recyclage, une approche pionnière aux Etats-Unis. Les premières mesures incitatives touchent les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration: à la collecte, les poubelles avec des matières organiques et récupérables coûtent moins cher que celles avec des rebuts non recyclables. Le compte est vite fait par les intéressés et le grand tri commence.
En 2006, nouvelle restriction pour les services de restauration, qui doivent renoncer à l’utilisation du styrofoam et autres mousses de polystyrène pour les gobelets et récipients jetables et les remplacer par des matériaux recyclables ou compostables. Dix ans plus tard, l’usage et la vente d’articles contenant ces matériaux sont complètement interdits. Et, en 2018, l’interdiction est étendue aux articles de restauration à usage unique fabriqués avec des produits chimiques fluorés et certains plastiques.
C’est également aux professionnels du bâtiment de faire le ménage: une ordonnance de 2006 les oblige à recycler les débris de construction, comme le béton, le bois ou les structures métalliques. Les sanctions peuvent être sévères. En 2007, seuls les matériaux recyclés sont autorisés lors des travaux publics dans la ville.
Parallèlement, San Francisco s’attaque à la consommation individuelle. En 2007 toujours, les sacs plastiques sont bannis des supermarchés et des pharmacies, et en 2012, de tous les commerces de détail. Entre-temps, en 2009, un cap important est franchi: tous les habitants doivent désormais faire le tri entre le compost, les matériaux recyclables et le reste qui partira à la décharge.
En 2014, la cité s’en prend à la vente et à la distribution des bouteilles d’eau en plastique de moins de 60 cl dans les espaces publics, sauf exception, tout en s’engageant à assurer la disponibilité d’eau potable dans les endroits concernés. D’ailleurs, la municipalité donne l’exemple, depuis 2007, en bannissant de ses services les bouteilles d’eau. D’autres mesures dans le cadre de la stratégie zéro déchet – notamment l’économie du papier et un meilleur recyclage – sont appliquées dans l’administration.
Alors que l’échéance 2020 approche, les efforts pour optimiser la récupération par le recyclage et le compostage se doublent d’une stratégie de réduction de déchets à la source, qui vise directement la production et la consommation. «Nous attendons des fabricants et des distributeurs qu’ils améliorent leurs produits en recourant à des matériaux réutilisables, recyclables ou compostables, en évitant les emballages excessifs non récupérables et en réduisant les résidus de la production», explique Peter Gallotta, porte-parole de l’Environnement.
FREINER LA CONSOMMATION
Et de faire appel à la conscience des consommateurs, en les exhortant à modifier leurs habitudes, surtout quand il s’agit de produits à usage unique. «Si nous avons gagné la bataille contre les sacs jetables, nous constatons l’augmentation du nombre d’articles de restauration à usage unique, comme la vaisselle, les tasses et les pailles, qui représentent près des deux tiers des déchets dans la baie.»
Robyn Purchia, avocate spécialiste de l’environnement et chroniqueuse qui suit attentivement l’avancement du programme «zéro déchet» dans la presse locale, confirme: si un meilleur triage et la réduction de tous les déchets – recyclables ou pas – sont une priorité, pour atteindre l’objectif de zéro déchet, «il faut se pencher sur la question de l’offre et la culture de consommation». «Nous sommes trop habitués à jeter facilement et machinalement des gobelets à usage unique, de la nourriture, des objets cassés, explique-t-elle. Nous n’avons pas besoin de consommer autant. Notre attitude qui consiste à voir la planète comme une ressource illimitée disponible pour notre consommation doit changer.»
«Nous sommes trop habitués à jeter machinalement des gobelets à usage unique ou de la nourriture»
ROBYN PURCHIA AVOCATE SPÉCIALISTE DE L’ENVIRONNEMENT