L’arbitre suisse des litiges commerciaux
La Chine a réuni une trentaine de spécialistes pour la conseiller sur le règlement des différends commerciaux liés au projet de nouvelle Route de la soie. Une Suissesse figure parmi eux
La Genevoise Gabrielle Kaufmann-Kohler a rejoint fin août une commission d’experts rattachée à deux nouvelles cours créées par la Chine pour juger les différends liés à sa Belt and Road Initiative (BRI). Professeure de droit de l’arbitrage à l’Université de Genève et arbitre reconnue sur le plan international, elle siégera aux côtés de 31 collègues chinois et internationaux. Une première dans l’Empire du Milieu, où l’on ne fait que rarement appel à des experts étrangers.
Quelles seront vos tâches en tant que membre de cette commission d’experts? Nous serons chargés de livrer des opinions consultatives et des avis sur des litiges particuliers. On va par exemple nous demander d’expliquer l’application d’un droit étranger ou l’interprétation d’une convention internationale. L’idée est de profiter de notre expertise internationale, sachant que tous les juges de la cour seront chinois. Nous pourrons aussi être nommés en tant que médiateurs, si les parties au litige choisissent cette option.
Quels types de différends ces cours serontelles amenées à juger? Ces deux cours, situées à Shenzhen et Xian, devront trancher des litiges découlant d’un contrat conclu entre deux entreprises – y compris des sociétés étatiques – lorsque celui-ci comprend une dimension internationale, c’est-à-dire que l’une des parties ou le projet lui-même se trouve à l’étranger. Imaginons par exemple un contrat pour construire des infrastructures portuaires. Si le port est achevé avec du retard ou qu’il a des défauts, la cour pourrait être saisie.
Quels sont les outils à disposition de cette instance? Son objectif est de régler les différends, pas de sanctionner. Cette cour offrira le choix entre une médiation, un arbitrage – sans doute selon le règlement de la China International Economic and Trade Arbitration Commission de Pékin – ou une procédure judiciaire classique. Le fait de proposer ce menu d’options en fait une innovation intéressante.
Comment les litiges étaient-ils réglés avant sa mise en service? Les différends étaient réglés par l’arbitrage, lorsque le contrat liant les parties le prévoyait, et ils continueront à l’être. A défaut de cela, ils étaient jugés par des tribunaux étatiques. Mais ceux-ci manquaient souvent d’expertise pour traiter ce type de litiges commerciaux complexes.
La Suisse est-elle reconnue sur le plan international comme une source d’expertise en matière d’arbitrage? Oui. Nous avons une longue tradition dans ce domaine, une excellente loi sur l’arbitrage, une instance de contrôle des décisions – le Tribunal fédéral – compétente et reconnue à l’étranger et une forte concentration de juristes spécialisés dans ce secteur.
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