De l’utilité des taxes et de l’anonymat pour lutter contre le harcèlement
ÉGALITÉ De nombreuses idées ont émergé, lors d’un atelier organisé par «Le Temps» et Foraus, pour trouver des solutions contre le harcèlement sexuel: applications de conseils, changement de loi, taxe sur la publicité ou la pornographie…
Et pourquoi pas taxer les publicités sexistes? C’est l’une des idées qui ont émergé de l’atelier coorganisé par Le Temps et Foraus, le think tank de politique étrangère, vendredi dernier, pour trouver des solutions au harcèlement sexuel sur le lieu de travail et des moyens de les financer.
Autre possibilité, taxer la pornographie, une industrie tellement importante qu’il suffirait d’un taux très bas pour obtenir suffisamment de fonds, a lancé une participante. De fait, a-t-elle ajouté, préférant rester anonyme, «on taxe bien les cigarettes et l’alcool, alors pourquoi pas des publicités sexistes, par exemple, qui font également des dégâts dans la société?»
Idées novatrices
En parler c’est bien, réfléchir à des solutions, c’est encore mieux. C’est à partir de cette idée qu’a été organisée cette «open situation room» qui s’est tenue à Berne avec une trentaine d’expertes et experts des questions d’égalité, dont la directrice du bureau fédéral de l’égalité, Sylvie Durrer, la conseillère nationale Rebecca Ruiz (PS/VD), Hélène Alocchi, responsable des ressources humaines chez Ikea à Genève, pour n’en citer que quelques-unes. «Ces formats, qui réunissent des spécialistes de domaines divers, permettent souvent de faire émerger des idées novatrices, comme celle de la taxe sur les contenus sexistes, qui peuvent ensuite être affinées et développées», a expliqué Maria Isabelle Wieser, coorganisatrice de la réunion et responsable du groupe genre au Foraus.
Ainsi, certains groupes de travail ont proposé des mesures de protection de la victime, des guichets anonymes de dénonciation ou encore une intervention externe pour enquêter dans une entreprise dans laquelle des plaintes de harcèlement auraient été enregistrées.
Solutions technologiques
Cet atelier représentait aussi l’occasion de réfléchir à des solutions qui s’appuieraient sur des moyens technologiques. Deux groupes ont ainsi proposé des idées d’applications. La première, NotOk, se focalise sur la préservation de l’anonymat de la victime pour lui éviter les représailles. La personne peut ainsi entrer les informations sur ce qui lui est arrivé et elle reçoit ensuite des conseils ou contacts pour en parler. L’idée est de structurer le témoignage, de façon à établir la gravité des faits. Le système peut fonctionner pour une entreprise, mais pas seulement. Un modèle du genre, Callisto, a été développé dans des universités américaines pour stocker les témoignages de victimes.
Le phénomène du harcèlement sexuel au travail est mal quantifié en Suisse: la dernière étude date de 2007
Parfois, la victime comprend que quelque chose d’anormal se passe, sans pouvoir mettre de mots dessus. Un autre groupe a proposé une application sur le stress au travail posant des questions permettant de déceler le harcèlement. De la même manière que la précédente, elle propose de stocker les informations sur des cas de harcèlement, en toute confidentialité, et d’envoyer de façon groupée et anonymisée des informations sur le nombre de cas de harcèlement dans une entreprise afin de la sensibiliser sur cette question.
Aussi reconnu qu’il soit, le phénomène du harcèlement sexuel au travail est mal quantifié en Suisse. La dernière étude qui fait référence date d’il y a plus de dix ans (2007), par le bureau de l’égalité du Secrétariat d’Etat à l’économie, et montre que 28% des femmes et 10% des hommes ont été victimes ou témoins de harcèlement. En outre, la plupart des cas ne font pas l’objet de poursuites, et même dans le cas contraire, il est rare que la victime obtienne gain de cause. ▅